Le réalisateur Jean-Luc Godard a dit un jour que le passage d’un film à la télévision devrait être qualifié de ‘ reproduction de film ‘, au même titre que la reproduction photographique
d’un tableau. A l’époque, Godard n’avait pas tort de mettre ainsi l’accent sur l’énorme différence de qualité entre une représentation cinématographique et son équivalent télévisuel (à commencer par le recadrage) ?” ainsi que sur la différence
de perception esthétique et émotionnelle qu’elle pouvait susciter chez le spectateur. Mais c’était avant le DVD, les grands écrans plats au format 16/9, les vidéoprojecteurs et tout le matériel de home cinéma, avant la TNT et, surtout, avant la
haute définition. Car après avoir vu les premières images en haute définition transmises de façon expérimentale par France Télévision sur la TNT et par Free via ADSL, ou encore les vidéos à la demande en HD, force est de constater qu’on passe là
dans une autre dimension en termes de qualité et de précision de l’image. Certes, tout cela n’est que balbutiant. Seuls les amateurs de foot de Paris, Lyon et Marseille vont pouvoir, ce mois-ci, profiter de la HD gratuite sur la TNT, le reste (TPS
notamment) est encore payant, la vidéo à la demande n’est pas bien installée… et il va falloir changer de matériel pour en profiter. Mais tout va aller très vite. Car la qualité est une drogue : l’accoutumance est rapide et il est très
difficile de décrocher ! Essayez donc de reprendre vos cassettes VHS, maintenant que vous avez goûté au DVD… Ce sera exactement la même chose avec la HD. Certes, cette drogue-là ne fera de mal à personne… Sauf, sans doute, aux
exploitants de salles de cinéma. En effet, le numérique est en train de contredire Godard, en prouvant qu’un film (comme une photo) ne possède plus un original lié à un support, comme l’était par exemple la pellicule 35 mm. Et que, de ce fait, la
qualité d’une reproduction n’est réellement limitée que par la qualité technique de la production elle-même (c’est-à-dire de la performance des outils servant à la produire et du talent de ceux qui les manient). Avec la haute définition et une bonne
installation de home cinéma, chacun pourra bientôt regarder un film (qu’il soit diffusé à la télévision, téléchargé sur un site ou gravé sur un DVD) avec une qualité et une ambiance équivalentes à celles d’une salle obscure. Les Esquimau de
l’entracte ayant disparu depuis belle lurette, il ne restera plus aux cinémas comme avantage la primeur des sorties de films accordée par la loi. Un avantage bien fragile…
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