Si Intel a longtemps laissé à Microsoft, son partenaire logiciel privilégié, tenir les rênes du système d’exploitation, les temps changent. Avec l’avènement des netbooks, plates-formes embarquées et autres tablettes Internet, il faut repenser ces programmes. Et pour cela, Intel a offert à la communauté du logiciel libre un nouveau système, basé sur le noyau Linux, spécialement créé pour tourner sur les plates-formes à basse consommation et sur les plates-formes mobiles. Le nom de ce projet s’appelle Moblin pour mobile Linux.
Cinq questions sur Moblin
Moblin c’est quoi ?
Moblin est un système d’exploitation basé sur Linux destiné aux appareils tournant sur des processeurs à basse consommation. Il n’est pas destiné au grand public en tant que produit fini, mais aux constructeurs informatiques qui vont pouvoir créer des versions du système adaptées à leurs machines.
Qui le développe ?
Ce sont des ingénieurs d’Intel qui ont, sur la base de projets libres tels que le noyau ont mis au point ce système. Moblin n’est plus, depuis quelques semaines, la propriété d’Intel qui l’a libéré totalement le code de Moblin et l’a « offert » à la communauté du libre. De fait, non seulement les entreprises mais aussi les développeurs indépendants peuvent travailler dessus.
Pourquoi Intel s’est-il lancé dans le développement d’un tel système ?
Les systèmes d’exploitation actuels (Windows, GNU/Linux, etc.) ont été créés pour fonctionner sur des ordinateurs de bureau ou des portables conventionnels. Or, avec la miniaturisation et l’arrivée de vrais ordinateurs de poche, ces systèmes se révèlent mal adaptés. Il faut donc les repenser et les adapter aux usages.
Quand verra-t-on Moblin sur des ordinateurs ?
S’il n’y a pas encore de date de commercialisation des premiers produits intégrant une version de Moblin, des constructeurs au rang desquels Acer ont annoncés avoir adopté Moblin pour de prochains netbooks.
Où peut-on se procurer Moblin ?
Vous avez un netbook ou vous savez mettre les mains dans le code source ? Moblin est gratuitement téléchargeable et librement modifiable, et vous pouvez vous le procurer librement.
Moblin ou comment promouvoir les processeurs mobiles d’Intel
Intel est une entreprise. Aussi les investissements ne sont jamais anodins et ont pour but de défricher le futur afin de maintenir l’entreprise dans la course. Et devant les autres si possible. Sous l’apparence philanthropique se cache un objectif non pas honteux mais stratégique : promouvoir ses processeurs mobiles.
La stratégie x86
Avec son processeur Atom et ses différentes déclinaisons, Intel entame une stratégie de fond : faire adopter les processeurs x86 par l’industrie. Du téléviseur au réfrigérateur intelligent, en passant par le GPS, l’objectif d’Intel est de pousser l’industrie à adopter cette architecture issue du monde informatique. Moblin endosse donc le rôle de petit cheval de Troie : l’essayer, c’est l’adopter ; l’adopter, c’est l’implémenter dans les machines et, donc, équiper celles-ci de processeurs x86. Des puces Intel de préférence.
Les défis
Outre l’aspect ergonomique avec la prise en charge des plus petits écrans, de la technologie tactile et d’une logique différente de l’utilisation d’un système, les défis de Moblin sont celles de l’amélioration de l’autonomie, des performances et de la compatibilité logicielle. Intel a donc optimisé le code afin de limiter la consommation du système. Des améliorations plus aisées pour les équipes d’Intel, étant donné qu’elles maîtrisent aussi la conception des puces.
Côté performances, le challenge est de rendre le système visiblement aussi réactif qu’un PC standard avec une puce moins véloce. Clé de voûte de la réussite, ou de l’échec, le dernier point est bien sûr la compatibilité logicielle : il faut que le système vous donne accès à vos sites Internet sans soucis (on pense au plug-in Flash, bien sûr) et qu’il lise tous vos fichiers musicaux et vidéo.
Les limites
En l’état, on peut d’ores et déjà dresser des limites à Moblin, des limites sans aucun doute pleinement assumées par Intel. La première est bien sûr que Moblin soit conçu pour fonctionner sur processeur x86. Si ces processeurs sont la norme du monde des PC, dans le monde des systèmes embarqués, ARM et Qualcomm (entre autres) proposent des plates-formes performantes, et Moblin s’en coupe totalement. On pense ensuite aux optimisations Intel.
C’est de bonne guerre, la marque investit et améliore le fonctionnement pour ses propres plates-formes, mais cela disqualifie peut-être AMD. Or, se couper d’une alternative représente, parfois, pour les constructeurs le risque d’être inféodé à une entreprise tierce. Et quand cela concerne le logiciel et le matériel, ça peut être inquiétant. C’est d’ailleurs sans doute en partie pour cela que le code de Moblin est ouvert : pour amoindrir le poids de la paternité d’Intel dans le système d’exploitation et paraître moins agressif.
La concurrence
Intel est, encore une fois, à la pointe du combat. Mais cela ne signifie pas qu’il est le seul acteur sur la scène car, en face, il y a un sacré gros morceau : Google et son système Android. Basé lui aussi sur un noyau Linux, Android est un combattant plus que sérieux qui a pour lui une plus grande compatibilité matérielle (ARM et les autres puces) et une intégration logicielle poussée avec les services Internet, de Google, mais pas seulement.
Il faut aussi compter sur les plus petits acteurs du monde GNU/Linux qui vont réagir de façon très différente, entre défiance, copie des technologies voire adoption pour Ubuntu, qui compte intégrer de façon symbiotique Moblin dans ses versions pour netbooks.
Moblin, ou comment réinventer un OS adapté aux systèmes mobiles
Vous savez désormais ce qu’est Moblin, vous avez des éléments de réflexion sur les enjeux du système, nous allons maintenant vous parler de notre expérience avec Moblin.
Les systèmes de test
Nous avons testé le système avec un netbook Samsung NC10. Mais nous avons aussi testé Moblin au sein d’une machine virtuelle Virtual PC 2007 avec laquelle nous avons réalisé les captures d’écran.
Une interface pensée pour les netbooks
Les touchpads des netbooks sont aussi petit que leurs écrans. Problème : comment naviguer de manière agréable ? Intel a d’abord pris en compte que le nombre d’applications utilisées sur ce type de machine est limité et que certaines se doivent d’être lancées en permanence.
De fait, les sections sont regroupées en onglets sur la partie supérieure. Une barre d’onglets qui disparaît quand la section (photo, par exemple) ou le programme est sélectionné et qui réapparaît lorsque le curseur remonte.
La fusion du programme et de l’usage
Dossier remplit de photos ou navigateur : pour Moblin, c’est la même chose. La nature ne compte plus, c’est l’usage qui est au centre du système. Et si les onglets regroupent les usages le plus courants, un onglet spécifique regroupe toutes les applications par catégories : pour lancer les programmes qu’on n’utilise qu’occasionnellement par exemple.
A cette conception d’usage il faut ajouter l’impression d’un mode « toujours connecté » : une fois les comptes Twitter et MSN paramétrés, il suffit d’un retour sur l’onglet dédié au statut Internet pour communiquer et pour changer son statut. On ne navigue pas entre les applications, on ne les connecte pas à chaque fois : on est considéré toujours comme connecté.
Excellent « look and feel »
Le tour de force de cette bêta est le ressentit de vitesse et le soin apporté à l’intégration des applications. Moblin démarre vite (15 secondes environ), le curseur bouge vite, les applications préinstallées se lancent vite. Pas de doute, le système est optimisé pour le processeur Atom. Mais au-delà de cette partie technique nous tirons notre chapeau aux graphistes et ergonomes qui ont simplifié et unifié l’apparence du système et des applications.
Plus une alpha qu’une bêta
Un plantage sur le netbook, deux sur la version virtualisée : Moblin n’est pas encore prêt pour le grand saut. Outre les améliorations substantielles qu’il faudra apporter dans la gestion d’énergie (il a tenu moins longtemps que Windows XP), quelques évolutions en termes de fonctionnalités seraient les bienvenus comme l’enrichissement du navigateur ou une gestion intuitive de la déconnexion aux services MSN et Twitter. Il faudra aussi attendre de voir ce que les constructeurs vont en faire.
Car c’est intégré dans une stratégie logicielle cohérente que Moblin séduira – ou pas -, les utilisateurs, par le biais d’une adoption du grand public (netbooks, MID) et/ou par celle des professionnels au travers de bornes par exemple. Pour l’heure, nous avons pu voir un projet inachevé, mais au fort potentiel. Vivement une version finale !
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