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Créateur d’émotions

MPV : comment avez-vous appris la photographie ?Karl Hecquefeuille : mon parcours est celui d’un autodidacte. Je ne me considère pas comme un professionnel, mais comme…

MPV : comment avez-vous appris la photographie ?Karl Hecquefeuille : mon parcours est celui d’un autodidacte. Je ne me considère pas comme un professionnel, mais comme un amateur très averti et très exigeant. Petit, j’étais fasciné par un de mes oncles qui passait sa vie à déclencher son appareil ; il m’a sans doute refilé le virus ! J’ai adhéré à la section Art photographique de Wervicq-Sud alors que j’avais une vingtaine d’années. Ce club a été mon formateur. J’y ai tout appris : la composition, la lecture des images. J’ai pu y voir travailler d’autres photographes. On progresse ainsi, je pense. MPV : Vous êtes-vous confronté aux autres amoureux de paysages ?K. H. : Adhérant à la Fédération photo graphique de France, j’ai ainsi élargi mon univers photographique en dialoguant avec d’autres photographes et en participant aux concours nationaux. De quoi renforcer mon savoir-faire. Et puis j’ai rejoint des salons internationaux en Amérique du Sud, à Hong-Kong… C’est intéressant de comparer ses photos à des ?”uvres du monde entier ! Cela permet de se situer. D’ailleurs, quelques-une de mes photos ont été primées. MPV : Comment êtes-vous parvenu au montage ?K. H. : Je me suis mis à faire des ‘sandwiches de diapositives ‘ après avoir dressé ce constat évident : il est très difficile d’impressionner les gens avec de la couleur ! Or, el le m’a toujours intéressé, au même titre que les paysages. Dès mes début au club photo, je me suis mis à shooter en couleurs au lieu de m’initier au noir et blanc, comme la plupart des débutants à cette époque. J’avais même mis au point, avec un ami, une méthode pour tirer le Cibachrome, un papier difficile à traiter. J’ai alors pensé que seule la manipulation pouvait rendre le tirage intéressant. Pour étonner le public, j’ai donc commencé à expérimenter le montage à partir de mes diapositives. Cela me permettait de modifier l’ambiance d’une photo. Un ami pratiquait déjà une technique d’assemblage et m’a beaucoup influencé. Je me suis mis à créer une banque de données pour concevoir des atmosphères en photographiant, quel que soit le temps, les ciels et les paysages. Mon travail plaisait. Le public se rendait compte que quelque chose n’était pas naturel, mais le résultat l’étonnait. MPV : pourquoi avoir choisi de ne photographier que des paysages ?K. H. : Je suis timide : coller mon appareil photographique sous le nez de quelqu’un, j’en suis incapable ! Et puis j’aime les paysages. Ils sont difficiles à réaliser et représentent un vrai défi. Il faut toujours montrer des créations originales, cela me plaît. MPV : d’où proviennent vos ciels et vos nuages ?K. H. : les ciels sont essentiellement ceux des Flandres. Pendant longtemps, j’ai habité le dernier étage du seul immeuble d’un petit village, avec le ciel comme unique vis-à-vis. Les paysages sont ceux de mes vacances : Italie, Turquie, Maroc et Hollande. J’aime particulièrement la Hollande. Là bas, tout est fait pour le photographe paysagiste. Il n’y a pas de lignes électriques : toutes ont été enterrées. Et puis ces contrées m’inspirent et me fascinent. J’aime les paysages plats. Je ne suis pas un fan de montagne, car j’y suis moins à l’aise sur le plan photographique. MPV : vous êtes passé au montage numérique en 1997. Que vous a-t-il apporté ?K. H. : un gain de temps certain. Le Vieux Pont, par exemple, m’aurait pris des jour nées de travail ! Autre point positif : avant, je ne pouvais manipuler que deux ou trois images ; le paysage, le ciel et un sous-bois, par exemple, pour ajouter des taches de couleurs. Maintenant, grâce aux calques, je peux superposer beaucoup plus d’images si je le veux. L’outil numérique propose également une multitude de choix, donc de possibilités. Grâce à lui, j’ai pu accentuer le côté surréaliste et surprenant de mes paysages. Et c’est magique ! Sans compter le plaisir de s’installer confortablement devant son ordinateur. Quand on a galéré dans le noir, coupé du monde pendant des lustres, c’est génial. MPV : comment travaillez-vous ?K. H. : pour créer un assemblage, je pars d’une photo que je souhaite améliorer. Je sélectionne une vingtaine d’images me permettant d’agrémenter cette photo : un ciel, par exemple. Puis je les numérise, les place dans le sélecteur d’images de Photoshop, et les glisse une par une sur mon image principale, en jouant avec les calques pour choisir les plus appropriées. Ensuite, je travail le l’ensemble jusqu’à atteindre ce qui me semble être la limite de ce que le cliché peut donner. En effet, je me suis rendu compte très vite qu’il existait une limite à ne pas dépasser ; sinon, la photographie fait comme de la résistance ! MPV : quelles techniques utilisez-vous pour obtenir ce rendu ?K. H. : je travaille beaucoup avec les calques bien sûr. Une autre technique revient régulièrement dans ma démarche : la superposition de la photo couleur et de son double monochrome. Je les intègre l’une à l’autre en utilisant les outils du mode fusion. Ensuite, j’applique un filtre ‘ contour ‘ et je conserve seulement les parties de la photo monochrome qui m’intéressent afin de relever certaines lignes ou contours de la photo originale. Cette technique donne un effet de contraste ou de halo à l’image. J’ai réalisé, pendant mon exploration de Photoshop, qu’on pouvait ainsi accentuer les contrastes, mais aussi créer une quantité d’effets. Ma première expérience avec ce procédé s’appelle Les Saisons, un travail effectué en 1998 sur commande. Il s’agissait de recréer des saisons à partir d’une même photo. Ces traitements a posteriori procèdent d’une démarche picturale en permettant d’intervenir sur l’image comme un peintre le ferait sur sa toile. MPV : comptez-vous passer aussi à l’appareil numérique ?K. H. : je reviens d’un week-end prolongé à Londres, et je pense y avoir tiré mes dernières cartouches argentiques ! Je ne rachèterai plus de films, et je vais passer au numérique très rapidement. J’ai un Nikon F80, mais je m’apprête à acheter un Nikon D70. MPV : que cherchez-vous à montrer dans vos photographies ?K. H. : les symboles ne sont pas mon but. Je me situe au premier degré : la rencontre avec un paysage qui exprime mon amour de la couleur. J’aime les ambiances tourmentées et colorées et c’est pour cela que je renforce les teintes chaudes. Une façon d’extérioriser mes angoisses ! Je souhaite étonner le public par l’émotion. Aujourd’hui, les photographes estiment que les retoucheurs d’images ne sont plus de vrais photographes. Mais les deux facettes ne sont pas contradictoires. S’il fallait trouver un mot nouveau, je voudrais être créateur d’émotions.

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Valérie Siddahchetty