On commençait à s’apercevoir que le passage au numérique bouleverserait le rapport du photographe à la photo ; on sait désormais qu’il bouleverse aussi les rapports des constructeurs à leurs modèles. Rien de vraiment étonnant, en réalité, pour ceux qui ont suivi les évolutions de l’informatique – et, plus généralement, de tous les ‘ produits numériques ‘ -, qu’il en aille de même pour la photo. Car le phénomène est toujours identique : dès lors que l’électronique et le traitement logiciel envahissent un domaine, les appareils deviennent des jeux de Meccano, que chacun peut composer à loisir avec des éléments produits en masse.
Les distributeurs s’y mettent aussi
L’arrivée remarquée sur le marché de la photo, en septembre dernier lors du salon Photokina de Cologne, de ce qu’on appelle en informatique les no name – ou, en français, ‘ sans marque ‘ – en est le symptôme le plus significatif. Certes, ces marques inconnues, généralement d’origine asiatique, font rarement dans le haut de gamme ; mais elles attaquent avec des prix très agressifs le domaine des compacts standard, sur lequel elles sont capables de faire trembler les constructeurs photo traditionnels, et à plus forte raison les constructeurs informatiques qui ont engagé leur diversification dans la photo. Il en va de même des ‘ marques de distributeurs ‘, telles que First Line chez Carrefour, par exemple, qui, après les aspirateurs, les ordinateurs et les lecteurs de DVD, se lance dans les appareils photo.Mais s’ils peuvent le faire, c’est parce que les ‘ vrais ‘ constructeurs ne procèdent pas autrement ! Fini, le temps où chacun fabriquait ses appareils de A à Z. On assiste aujourd’hui à une véritable division du travail, grâce à laquelle tout le monde fournit tout le monde, ou presque. Mais en profitant malgré tout de la crédibilité de sa marque… ou de celle de son fournisseur. Ainsi, c’est à Sony qu’incombe la fabrication des capteurs qui équipent non seulement ses appareils, mais aussi la plupart de ceux de ses concurrents (Canon, Nikon, Olympus, etc.). Les prestigieuses marques allemandes (Karl Zeiss, Leica ou Schneider Kreuznach) se réservent la conception des optiques… qui sont ensuite fabriquées en Chine ou à Singapour et vendues à qui le veut. Mieux : ils se contentent même parfois de ‘ louer ‘ leur marque, comme le fait Zeiss avec Sony. Ce qui apporte parfois quelques déceptions, tant l’habit ne fait plus le moine ! Aujourd’hui, n’importe qui peut d’ailleurs se payer une optique, puisque les lentilles intérieures des objectifs sont fabriquées en plastique. Il suffit de s’adresser à la bonne usine qui dispose des bons moules, et le tour est joué, à des prix inenvisageables auparavant.
Un appareil vendu 100 euros revient à 40 en sortie d’usine
Quant aux processeurs, seuls les appareils haut de gamme bénéficient de sur mesure. Pour les autres, il s’agit de produits courants (de même type que ceux qui équipent les téléphones mobiles et les décodeurs télé), également fabriqués en masse en Asie du Sud-Est… voire en France ! ST Microelectronic, l’un des leaders mondiaux du secteur, produit ainsi, près de Grenoble, des circuits électroniques pour la plupart des constructeurs japonais. Il en va presque de même pour les logiciels embarqués dans les appareils. Certes, c’est sans doute encore dans ce domaine que les constructeurs se différencient le plus. Ce qui peut expliquer qu’un constructeur informatique comme Hewlett-Packard, maîtrisant mieux le génie logiciel, parvienne à de meilleurs résultats que d’autres, en terme de qualité d’image, avec des appareils similaires. Mais pour l’entrée de gamme, il est assez aisé pour n’importe quel intégrateur asiatique de récupérer un logiciel assez simple, datant d’un an ou deux et tombé dans le domaine public. Et il faut bien cela ! Lorsqu’on sait qu’un appareil photo numérique vendu en France 100 euros revient à peu près à 40 euros en sortie d’usine, cela ne laisse guère de latitude pour se payer des composants de luxe…
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