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Comment naissent les produits high-tech

Guillemot et Sagem nous ont entrouvert leurs portes pour nous permettre de suivre la conception d’une manette de jeux et d’un téléphone portable.

Comment naît un téléphone ou une manette de jeux ? Par quelles étapes passe la création d’un appareil, depuis l’idée qui germe dans l’esprit d’un ingénieur jusqu’à sa commercialisation ? Concurrence oblige, les constructeurs
préfèrent rester discrets sur ce qui se trame dans leur centre de recherche et de développement. C’est dans ce département ?” parfois surnommé ‘ le bunker ‘ et souvent inaccessible pour la plupart des
employés ?” que sont pensés et conçus tous les nouveaux produits.Tout commence par une radiographie du marché. ‘ En analysant les données des ventes et en commandant des études d’opinion des utilisateurs, on cherche à comprendre le marché et les besoins
insatisfaits ‘,
explique Gilles Raulet, directeur développement produit pour Thrustmaster, la division dédiée aux accessoires de jeux chez Guillemot Corporation. Son travail consiste à cerner les tendances et à dégager une
vision de l’avenir. En analysant tous ces éléments, Gilles Raulet établit un cahier des charges qui donne les grandes lignes directrices pour la production future. Chaque choix a son importance. Ainsi les fonctions et le nombre de boutons ont une
incidence sur le choix de la puce ; dès le départ, design et électronique sont étroitement liés.

Répondre à la demande

Dans le cas du Thrustmaster Dual Trigger, l’objectif était de concevoir une manette à deux gâchettes dont l’innovation principale serait de fonctionner à la fois sur PC et sur PS2. Autre impératif : une déclinaison sans fil pour
répondre à la demande qui explose.Chez Sagem, les équipes marketing et design suivent le même cheminement, avec une contrainte supplémentaire : répondre à la demande des opérateurs qu’il faut séduire avant l’utilisateur final. Avec le my301X, Sagem a décidé de
lancer sa première gamme de téléphones slim. En clair, des appareils ultraplats au design soigné, conçus pour ceux qui préfèrent posséder un téléphone simple plutôt qu’un appareil bardé de fonctions plus ou moins utiles. En deux
mois, le design et la liste des caractéristiques sont définis. Six mois à un an plus tard, le produit est dans les rayons.

Le concept prend vie sur ordinateur

Tout produit est dans un premier temps défini par un cahier des charges, qui ne lui donne une existence que sur papier. Ensuite, il prend forme sur ordinateur. Guillemot distribue à ses deux designers internes ainsi qu’à plusieurs
agences l’esquisse du projet à partir duquel ils vont élaborer des propositions, des dessins en 3D qui seront soumis à des panels d’utilisateurs.Pendant ce temps, chez Sagem, les designers de la maison et des cabinets internationaux sont aussi en train de plancher. A l’aide de logiciels tels que Photoshop, Illustrator ou Studio Alias, ils matérialisent leurs idées qui sont
soumises à plusieurs filtres (respect du cahier des charges, faisabilité, coût, planning…). Une dizaine de concepts sont présentés en avant-première aux opérateurs pour qu’ils apportent leurs commentaires fondés sur leur connaissance du
marché.Des panels d’utilisateurs ont aussi voix au chapitre. Sagem a mis sur pied des groupes de travail consacrés à l’ergonomie. Le constructeur utilise deux outils théoriques, l’analyse fonctionnelle et le cycle d’usage, afin de comprendre
les scénarios d’utilisation et les difficultés rencontrées par les utilisateurs. Par exemple, on préférera des touches larges pour des utilisateurs novices ou plus âgés, tandis qu’un bouton directionnel plaira aux plus jeunes. Au final, certaines
décisions sont laissées au bon sens. On cherche aussi à fidéliser les utilisateurs. ‘ Les retours des clients nous permettent d’affiner les choses, mais on ne peut pas tout changer tout le temps si on veut qu’ils s’y
retrouvent ‘,
précise Yves Portalier, directeur de la communication et du marketing chez Sagem.

Tenir le bon produit

Retour chez Guillemot. De cette bataille pour obtenir les faveurs des joueurs, émergent deux gamepads que Gilles Raulet fait matérialiser sous la forme de maquettes en gypse. Ainsi, il devient enfin possible de toucher la manette et,
pour la rendre plus réaliste, des boutons en pâte à modeler déplaçables à l’envi lui sont appliqués. ‘ Les deux maquettes passent entre les mains d’une bonne quinzaine de joueurs. Finalement, leur préférence va au modèle le
plus proche du standard de Sony. En voulant se différencier, on risque d’être perdant ‘,
explique Gilles Raulet. Le modèle retenu subit ensuite plusieurs modifications, à chaque fois testées par des joueurs.Sagem recourt également à des maquettes, souvent appelées ‘ savonnettes ‘ à cause de leur forme. Pour les non-initiés, elles sont plus parlantes qu’une maquette 3D sur un écran d’ordinateur. Mais si le design
est très important lors de la conception du produit, la partie électronique l’est tout autant.

Electronique embarquée

Des ingénieurs en mécanique et en électronique planchent en parallèle pour concevoir le c?”ur et l’intelligence des produits. Chez Sagem, l’esquisse du projet est réalisée en présence de l’équipe marketing mais aussi des équipes
chargées de la mécanique, de l’électronique et du logiciel. Les ingénieurs en mécanique doivent valider le projet retenu après s’être assurés que les composants logent bien dans la coque. Entre les contraintes des différentes équipes, les
négociations sont parfois rudes.Dans les bureaux de Guillemot, les ingénieurs commencent à faire le tour des fabricants de puces très tôt dans le développement. Au fur et à mesure que le design se précise, ils travaillent sur la faisabilité et choisissent les
composants. A l’aide du logiciel ProEngineer, ils s’assurent que tous les éléments logent dans la coque. Si ce n’est pas le cas, un modèle est écarté à la faveur d’un autre. Même chose si un composant menace de faire exploser le coût de
production.Chez Sagem, c’est la dernière ligne droite. Grâce à la technique de la stéréo-lithographie, on produit un prototype en résine très proche de la réalité pour procéder à une ultime vérification sur l’assemblage. Une fois les fonctions
électroniques validées, on crée des moules qui permettront à tous les composants de s’intégrer naturellement. Du côté de la coque, on fabrique un moule en acier pour démarrer la production en série. Suivent des séries de tests (chaleur, humidité,
chute…). Tout ce travail occupe des équipes entières pendant un an au bas mot. Alors que la durée de vie d’un modèle est de deux ans au maximum.

En route pour le produit final

Les équipes de Guillemot touchent aussi au but. Mais c’est en Asie, et non plus en Bretagne où est implantée l’entreprise, que les prochaines étapes se jouent. Après le prototype obtenu par stéréo-lithographie, sont créés sept moules
nécessaires à la fabrication du Dual Trigger (coque, plaques décoratives, boutons, mini-stick…). Sur la première injection, les imperfections sont gommées. Côté électronique, un exemplaire du circuit imprimé est créé et la production testée
sur une centaine de pièces. Enfin, c’est à Montréal que le firmware, le logiciel embarqué, est mis au point.Chez Guillemot, le développement du Dual Trigger a pris neuf mois. Tout un symbole !

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Isabelle Boucq