‘ J’utilise YouTube tous les jours. On m’envoie des liens par MSN ou sur des forums. Si la vidéo me plaît, je la fais tourner à tous mes contacts susceptibles d’être intéressés. ‘ Comme Tony, 18 ans, nous sommes de plus en plus nombreux à visiter les sites de partage de vidéos tels YouTube ou Dailymotion. Et si certains y vont pour rechercher des clips précis ou mettre en ligne leurs ?”uvres, nombre de visiteurs y sont attirés par des amis les invitant à voir telle ou telle vidéo. C’est ainsi qu’une candidate américaine au titre de Miss Teen South Carolina est devenue la risée du Web pour avoir donné, sous le coup de l’émotion, une réponse vide de sens à une question de l’animateur. La vidéo s’est retrouvée presque aussitôt sur YouTube et visionnée par plusieurs millions d’internautes. L’affaire a pris de telles proportions que la malheureuse a dû refaire une émission télévisée pour s’excuser de sa gaffe. Ce qui n’a pas empêché les parodies de se multiplier sur la Toile.Comment des vidéos connaissent-elles un succès immédiat dont se seraient bien passés leurs protagonistes ? Pourquoi certaines images font-elles le tour du monde, alors que d’autres, postées sur les mêmes sites, ne dépassent pas un cercle très étroit ? Pascal Froissart, sociologue à l’université de Paris VIII et au CNRS, est un spécialiste de la rumeur. Pourtant, il le reconnaît lui-même : ‘ Pour l’instant, on n’explique pas ces bouffées d’audience. ‘ Il émet néanmoins deux ou trois hypothèses. ‘ Avec la propagation de ces vidéos, tout le monde s’attarde sur leur contenu, qu’il soit drôle, attachant ou ridicule. Mais presque personne ne s’attarde sur l’exposition médiatique qu’elle génère. Ainsi la vidéo sur Katy Bigote [candidate du jeu télé Le Millionnaire, très en verve sous l’effet du champagne servi aux participants avant l’émission, Ndlr] a été reprise dans un article de Libération et de 20 minutes et au journal de TF1. Lorsque tout le monde dit ” regardez ! “, automatiquement les gens se retournent et regardent l’événement. ‘
Humour, horreur, politique, sexe…
Au-delà du battage médiatique, le succès de ces vidéos s’explique par leur contenu. ‘ Elles se concentrent sur cinq thèmes : la prouesse ou le comble, l’humour, l’horreur, la politique, le sexe, quoique circulant dans un cercle beaucoup plus restreint, ou l’occulte. Il y a une sélection de ces images. ‘ Pour Pascal Froissart, il s’agit de faire fonctionner la ‘ machine à amis ‘. ‘ Il n’y a aucun but intellectuel, mais simplement la volonté de réactiver ses contacts en leur envoyant un lien vers ces vidéos et de maintenir sa place dans une communauté de relations. Un peu à la manière d’un coup de téléphone ” juste pour prendre des nouvelles “. ‘Pour le psychologue Yann Leroux, ce besoin d’échanger des vidéos correspond à une volonté d’humaniser le Web. ‘ Les vidéos le plus souvent partagées mettent en scène des animaux à fourrure (chatons, chiots) ou des canards, qui appellent le désir de caresse. C’est une façon de compenser le fait que le Web est un espace glacé. ‘ La rapidité des échanges ou des commentaires va dans le même sens. ‘ Ce sont des messages qui prouvent que l’on était là. Cela nous fait exister sur Internet. ‘ Et les vidéos montrant des gens dans des situations ridicules alors ? Selon le psychologue, elles reposent sur le même principe. Sur le Net comme ailleurs, il est parfois utile d’être agressif pour appartenir au groupe. Les images servent alors de support d’identification a contrario, par rapport au ridicule de l’acteur de la vidéo échangée. De plus, Yann Leroux considère que les images que l’on choisit de voir sont un écho de notre inconscient. ‘ Dans les tout premiers mois de son développement psychique, l’individu est immergé dans un monde de sensations sonores et visuelles ‘, explique-t-il.C’est pour cela que les images nous fascinent. Elles nous renvoient à cette période première de ‘ climat-paysage ‘ où le nourrisson est plongé dans un monde dans lequel il crée ses premières relations en fonction de ses sensations visuelles et sonores. Internet agit alors comme un écran de cinéma ou de télévision, à une différence majeure : ‘ Le Web nous donne la facilité de sélectionner les images qui nous correspondent le plus. ‘
Plus on clique, plus la vidéo passe
Au-delà des considérations psychologiques, le succès de certaines vidéos s’explique aussi par de simples contraintes techniques. Si une vidéo se démarque, les sites tels YouTube ou Dailymotion vont la mettre en avant. Ainsi, les vidéos à la Une de YouTube sont pour partie celles choisies par l’équipe du site, mais aussi pour partie celles ayant obtenu le plus de votes et de commentaires de la part des utilisateurs. Une boucle positive se crée : plus on clique dessus, plus la vidéo est mise en avant et plus de gens vont ensuite cliquer dessus. Peut-on alors se servir du phénomène pour faire passer un message publicitaire ? Pour Christophe Ginisti, codirigeant et fondateur de l’agence de relations presse Rumeur Publique : ‘ La difficulté du système est que cela ne marche qu’une fois. Nous allons conseiller à nos clients de passer par l’image et la vidéo sur le Web, sans calquer la vidéoTV. Mais s’ils veulent faire du viral, il faut proposer quelque chose de neuf à chaque fois et surtout ne pas copier. Si vous copiez, vous vous décrédibilisez encore plus vite. ‘ Le danger pour les publicitaires est de vite lasser les internautes attirés avant tout par la nouveauté sans cesse renouvelée des vidéos mises en ligne. Bref, les échanges spontanés de vidéos ont encore de beaux jours devant eux
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.