Pas besoin de boule de cristal pour dévoiler l’avenir des technologies : des auteurs de science-fiction l’ont déjà fait dans le passé, et certains d’entre eux ont vu juste. Alors, quelles inventions majeures envisagent-ils pour
les décennies à venir ?
‘ Il n’est pas exclu qu’en lisant les histoires qui vont suivre, vous trouviez des détails scientifiques qui sont faux en eux-mêmes, ou qui ont été rendus faux par des découvertes postérieures (…) Si vous m’écrivez pour me le reprocher (…), dites-moi aussi que vous avez aimé l’histoire ‘.C’est avec cet avertissement clin d’?”il qu’Isaac Asimov préfaçait l’un de ses derniers recueils de nouvelles. Le romancier, passionné de robotique, rappelait ainsi à ses lecteurs que, même si elle repose sur des faits scientifiques, une fable reste toujours une fable. Et que les auteurs de science-fiction ne sont pas tenus de prévoir le futur…
Des romanciers passionnés de sciences et techniques
Un point de vue que le créateur du concept de ‘ science-fiction ‘, Hugo Gernsback, ne partageait pas. Pour lui, les écrits de Jules Verne ou d’H.G. Wells étaient visionnaires et quand il lança, à la fin des années 20, la première revue américaine de ‘ scientifiction ‘, il la concevait presque comme un laboratoire de recherche prospective. Lui-même imagina le radar avant son invention, en 1935.Depuis, la SF a évolué. Les romans construits sur des bases scientifiques appartiennent aujourd’hui à un genre mineur, la Hard Science, peu prisé des lecteurs et délaissé des auteurs. Pourtant, les récits de Hard Science ont souvent dépeint avec justesse certains aspects scientifiques et technologiques plusieurs décennies avant leur apparition. Sans doute parce que, à l’instar d’Asimov, les auteurs de Hard Science d’hier et d’aujourd’hui ont souvent eu une activité professionnelle liée aux sciences ou aux technologies.‘ L’informatique, commente Laurent Genefort, auteur français de SF, est le domaine dans lequel les romanciers actuels ont le moins de risques de se tromper, tellement cela évolue vite ! ‘ Aujourd’hui, la question de l’intelligence artificielle, récurrente dans la littérature de science-fiction, est systématiquement abordée sous l’angle des nanotechnologies (lire page 120).Aboutissement ‘ naturel ‘ des évolutions technologiques actuelles : le cerveau biologico-électronique. ‘ A terme, nous pourrons sûrement fabriquer des micromachines ayant les aptitudes que leur prêtent les auteurs de SF ‘, commente Jean-Jacques Girardot, écrivain et enseignant à l’Ecole des Mines de Saint-Etienne. Mais, pour lui, transformer une tâche complexe en un ensemble d’opérations effectuées par des milliards de micromachines reste un fantasme. ‘ C’est néanmoins un défi. Il implique divers aspects : calcul distribué, systèmes à agents, etc. Le but étant de créer une intelligence artificielle avec laquelle on puisse dialoguer. ‘ D’autres auteurs se prêtent encore plus volontiers au jeu des prédictions. C’est le cas de Rudy Rucker, romancier et chercheur en informatique, qui nous dit pressentir la commercialisation de gadgets technos pour le grand public. Les ‘ stunglasses ‘, par exemple, une sorte de casque de réalité virtuelle, équipé de minicaméras, qui transforme en temps réel la vision de son utilisateur. ‘ Ainsi vous pouvez voir le monde en dessins animés. Une façon de ” planer ” sans toucher aux drogues ‘, commente l’auteur.Pour lui, la frontière entre le biologique et l’informatique est amenée à disparaître. ‘ Dans l’avenir, nous n’aurons plus de machine, explique-t-il, chaque appareil ou outil sera un organisme biologique bizarroïde ‘. Et Laurent Genefort de conclure : ‘ Les auteurs de SF partagent au moins un point commun : tous considèrent que nous en sommes encore à la préhistoire de l’ère numérique. ‘