Début octobre, le tribunal de commerce de Paris a vu ses bureaux se couvrir de trois tonnes de papier : 12 500 demandes en dédommagement déposées par des clients de Bouygues Telecom, Orange et SFR. Reconnus coupables d’ententes illicites, les trois opérateurs ont été condamnés à verser 534 millions d’euros à l’Etat… et zéro centime à leurs clients lésés. Pour démontrer l’absurdité de la situation, l’association UFC-Que Choisir a décidé d’aider financièrement les usagers à demander en justice réparation de leur préjudice. En effet, en droit français, seules les parties civiles présentes à un procès ?” et ayant engagé les frais d’une procédure ?” peuvent obtenir réparation, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays où le système de l’action de groupe ?” ‘ class action ‘ aux Etats-Unis ?” existe depuis longtemps. Dans ce cas, un représentant unique (victime, association ou avocat selon le pays) entame une action devant les tribunaux au nom de toutes les victimes, qu’elles soient ou non au courant du procès.
Les deux solutions possibles
Suivant les pays, deux solutions sont possibles. La moins contraignante pour le consommateur est ‘ l’opt-out ‘, appliquée aux Etats-Unis, au Portugal et au Québec. Suite à la première action, le procès est mené à son terme et des dommages et intérêts décidés. Une fois le jugement publié, il suffira à toute personne de prouver qu’elle a subi un préjudice identique dans un même laps de temps pour recevoir la compensation établie par le tribunal.D’autres pays, tels la Suède et le Pays de Galles, ont préféré ‘ l’opt-in ‘. Ici, une première décision de justice est rendue publique, qui établit la responsabilité du fabricant ou du fournisseur de services. Les victimes intéressées se font connaître et se joignent à la fin du procès pour que les juges déterminent l’étendue des dommages et intérêts à leur payer.En France, le droit suffisait jusqu’à présent à résoudre les principaux conflits opposant un client non professionnel à un commerçant (voir l’encadré). Mais l’irruption des nouvelles technologies et de leurs services a changé la donne. Dans sa proposition de loi du 26 avril dernier visant à introduire le recours collectif, le député Luc Chatel considère que ‘ la nouvelle révolution consumériste concerne aujourd’hui l’explosion des services au particulier. Elle se caractérise par une multiplication et une mondialisation de l’offre de services traditionnels (banques, assurances) ou liés aux nouvelles technologies (téléphonie, Internet…) et une complexification des contrats. Si on ne peut nier que ces innovations ont profité au consommateur, force est de constater que de nombreux dysfonctionnements se développent dans les relations commerciales ‘.Pour l’UFC-Que Choisir, il est temps d’autoriser des actions de groupe en France. En effet, ‘ à l’heure actuelle, les associations de consommateurs ne reçoivent des dommages et intérêts que s’il y a préjudice à l’intérêt collectif ‘, explique Gaëlle Patteta, directrice juridique de l’association.
Une procédure plus dissuasive
‘ Ceux-ci vont dans les caisses de l’association et jamais aux victimes. De plus, les victimes ne peuvent s’appuyer sur cette décision pour se faire indemniser. Du coup, le risque financier encouru par l’accusé est faible par rapport aux bénéfices frauduleux engrangés. Avec l’action de groupe, il devra rendre l’argent. Cette procédure sera plus dissuasive. ‘Ce n’est pas l’avis de tous. Le Medef, qui n’a pas voulu répondre à nos questions, est contre le recours collectif, argumentant que le droit de la consommation actuelle suffit et que cette procédure serait dangereuse pour les entreprises. ‘ Nous considérons que le principe de class action favorise des formes de chantage, puisque la publicité qui est donnée dans le cours de la procédure permet facilement de porter atteinte à la réputation d’une marque, d’une entreprise, avant même que le résultat de la procédure ne soit connu. Parfois ces dégâts peuvent être irréparables ‘, affirme le syndicat patronal dans un communiqué du 13 juillet dernier. En privilégiant la solution de l’opt-in, la proposition de loi française devrait éviter les dérives constatées aux Etats-Unis où, percevant un pourcentage non plafonné des dommages et intérêts versés, certains avocats ont parfois intérêt à introduire des class actions sans réel bénéfice pour les consommateurs. Selon Sylvie Jonas, avocate au cabinet Lexvia spécialisé dans les nouvelles technologies, ‘ il faut offrir au consommateur un moyen de faire valoir ses droits même si le préjudice est faible ‘. Examinée actuellement par le Conseil d’Etat, la loi peut encore être modifiée avant son vote définitif
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