Un cybercafé chinois est souvent une grande salle d’où partent des rires et des cris de joie. Un lieu où les jeunes, des garçons pour la plupart, se donnent rendez-vous entre amis… pour le prix très accessible de 30 centimes d’euro de l’heure. Dans les petites villes, les jeux en ligne tiennent le haut du pavé, alors qu’à proximité d’universités, tchate, surf sur le Web et courriels ont relativement plus d’importance.Contrairement à ce qui s’est produit en Occident ?” où l’on comptait déjà beaucoup d’ordinateurs personnels avant la popularisation d’Internet et des cybercafés ?”, en Chine ‘ l’ouverture des cybercafés a fait suite à l’apparition d’Internet, et ce n’est que depuis récemment que les gens ont les moyens de s’équiper à domicile ‘, explique Wen Lingxia, manager d’un cybercafé pékinois. Mais l’aventure chinoise d’Internet regorge de péripéties, compte tenu de deux fortes prises de position du gouvernement. D’une part, Pékin affiche clairement sa volonté de protéger la jeunesse de la violence, de la pornographie et de la ‘ déconnexion de la vie réelle ‘. D’autre part, la censure des informations critiquant la politique du parti communiste reste la pratique courante.
Le Net sous haute surveillance
Mais le gouvernement est conscient de l’évolution des mentalités, conséquence du processus d’ouverture relative du pays. Ainsi, on voit tout de même se maintenir certains forums libéraux où l’on critique la politique et les membres du gouvernement.C’est le ministère de la Culture qui établit les décrets et contrôle les licences des cafés où Internet est accessible. Après un incendie volontaire ayant fait 24 morts en juin 2002 dans un cybercafé du quartier des universités de Pékin, le gouvernement les avait fermés pour n’en rouvrir qu’une partie après quelques mois.Depuis, les contrôles sont plus stricts et les cybercafés sont dotés de caméras directement reliées au poste de police. Leurs propriétaires sont aussi encouragés à installer des logiciels de censure. Toutefois, ‘ la technologie utilisée n’est pas très performante, les filtres laissent passer la moitié des informations interdites. Nous devons parfois rappeler nous-mêmes à l’ordre certains utilisateurs qui consultent des sites interdits ‘, témoigne Wen Lingxia. Le filtrage se fait aussi au niveau des serveurs. Ainsi, les versions chinoises des sites d’informations de Hong Kong et Taïwan sont inaccessibles, même depuis chez soi. La loi contraint également les cybercafés à fermer leur porte entre minuit et 8 heures du matin, et l’accès en est interdit aux mineurs.Ces règles sont appliquées avec plus de rigueur dans Pékin, qui reste le centre politique et la vitrine du pays. Dans certains villages, on voit les collégiens s’amuser sur des jeux en ligne durant la pause de midi, avant que le patron ne coupe le courant quand il est temps de retourner en cours.De même, ‘ beaucoup de mineurs partent jouer tout le week-end à la ville voisine de Tianjin (9,5 millions d’habitants),où les règlements sont moins strictement appliqués qu’à Pékin ‘, commente encore Wen Lingxia. Pour le gouvernement chinois, les jeux en ligne constituent un triple défi : économique, social et culturel. Encore récemment, ce marché était dominé par les jeux coréens et occidentaux, mais la Chine a aujourd’hui rattrapé une bonne partie de son retard.
Les jeux en ligne sur la sellette
Peu vulnérables au piratage, les jeux en ligne proposent en effet un modèle économique alléchant dans un pays où la copie est reine. Leur handicap principal est d’avoir plutôt mauvaise presse, rappelant une vague médiatique amalgamant sectes et jeux de rôle en France à la fin des années 90. De la même manière, la presse chinoise se fait aujourd’hui très souvent l’écho d’accidents ou de joueurs ayant perdu tous leurs repères sociaux. En avril dernier, le décès de deux adolescents écrasés par un train à Chongqing au lendemain d’une nuit blanche on line a été suivi d’une série de mesures gouvernementales. Les cybercafés sont depuis interdits dans un rayon de 200 mètres autour des collèges et des lycées. Les programmes et les publicités les concernant sont aussi bannis des télévisions et radios chinoises. ‘ Je ne pense pas que cela soit utile, tout dépend des individus et de leur psychologie propre. Qui peut dire ce qui est bien pour les autres ? ‘ commente en réponse Chen Sijing, un webmaître.
Les produits locaux ‘ insatisfaisants ‘
Ces jeux sont même parfois mis au même niveau que la drogue. Ainsi, dans la province de Sichuan, au centre du pays, un psychologue tibétain utilisant une méthode d’hypnose traditionnelle s’est même spécialisé dans la ‘ désintoxication ‘ des joueurs en ligne.Mais le gouvernement sait aussi parfois aller dans le sens de la vague. Ainsi, en octobre dernier, un programme de 100 à 200 millions d’euros sur quatre ans a été lancé pour promouvoir l’édition de jeux en ligne nationaux. Une centaine de scénarios inspirés d’épopées de la Chine ancienne comme le Voyage à l’Ouest ou les Trois Royaumes, mais également mettant en scène Leifeng, un soldat exemplaire de l’ère communiste , participeront à l’éducation civique des joueurs en ligne et renforceront lidentité culturelle chinoise. Mais selon Chen Sijing, ‘ le graphisme et la jouabilité des jeux nationaux sont insatisfaisants ‘.En attendant mieux, la culture américaine fait encore bonne figure : siroter un coca en pourchassant des terroristes sur Counter Strike reste monnaie courante dans un cybercafé chinois
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