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80 000 heures de télé à stocker par an !

Les archives audiovisuelles de l’Ina doivent être stockées en respectant des critères de qualité et de coût. Des choix complexes et régulièrement redéfinis.

Les programmes audiovisuels collectés par l’Ina représentent chaque année 80 000 heures. Un volume de données tout à fait exceptionnel, qui doit non seulement être conservé, mais également mis à la disposition des chercheurs, des professionnels, et, depuis 2006, du grand public, via le site ina.fr.Depuis le Plan de sauvegarde et de numérisation (PSN) commencé en 1999, la stratégie d’archivage de l’Ina est définie par un comité transversal réunissant, autour du département Recherche et Développement, des représentants des départements des Archives et du Dépôt légal.Car chaque entité a une mission bien définie : conservation et mise à la disposition des chercheurs pour le Dépôt légal, conservation et commercialisation auprès des professionnels de l’audiovisuel en ce qui concerne les Archives. Des missions fondamentales, qui appellent des technologies appropriées.Si les cassettes Bêta numérique ont été privilégiées par les deux départements pour la conservation, les documents sont aussi enregistrés au format Mpeg1. Ainsi, ils peuvent être regardés sur disques durs par les professionnels au sein du département des Archives, et sur DVD par les chercheurs au sein du département du Dépôt légal. En effet, le standard Mpeg présente l’avantage d’être défini par une norme Iso. Un gage de stabilité par rapport au DivX, un format en constante évolution, qui nécessiterait des mises à jour fréquentes.

Des envois dans l’urgence

Enfin, c’est le format Mpeg2 (celui des DVD-Vidéo) qui permet de vendre aux professionnels des extraits en qualité ‘ broadcast ‘. Ceux-ci sont envoyés aux réalisateurs sur support vidéo Bêta numérique, sur DVD ou, en ce qui concerne TF1 et France 2, via une liaison directe par fibre optique. Le débit du Mpeg2, huit fois supérieur à celui du Mpeg1, permet aussi une plus grande réactivité. Car il arrive couramment qu’une archive soit demandée à l’Ina à 19 heures pour être diffusée au journal télévisé dès 20 heures !

Vers une solution open source

Ces choix technologiques ne sont pas figés et peuvent être remis en question par l’Ina, afin de suivre l’évolution rapide des supports de stockage numériques.En 2000, c’est le format DTF qui avait ainsi été choisi pour le stockage des archives. Un format appelé à évoluer au fil des ans, de la version DTF 2 vers le DTF 3, puis 4. Pourtant, Sony décide deux ans plus tard de stopper net l’évolution des cassettes DTF. A l’Ina, le directeur de l’exploitation des Archives, Bernard Rocher, se voit contraint de faire l’acquisition d’un nouveau format : ‘ J’ai choisi de privilégier désormais un format open source, le LTO, afin de ne plus dépendre d’un unique constructeur ‘, explique-t-il.En 2006, le contenu des cassettes DTF 2 fait donc l’objet d’une migration vers le format LTO 3, ce qui représente cinq mois de travail pour transférer près de 154 000 heures de programmes. Et pour plus de sécurité, un doublon au format SDLT est conservé sur un autre site de l’Ina situé à 800 mètres du site principal des Archives.

Un critère de pérennité

Pourquoi le SDLT ? Il s’agit d’un format classique, utilisé pour l’archivage par de très nombreuses administrations à travers le monde : ‘ Ce format est tellement répandu qu’aucun constructeur ne prendra le risque d’arrêter sa fabrication ‘, considère Eric Rault, directeur des moyens techniques pour le Dépôt légal. C’est pour les mêmes raisons qu’Eric Rault a choisi de privilégier le support DVD pour la mise en consultation des documents du Dépôt légal.Pour des raisons de pérennité, mais aussi de coût : un critère important lorsqu’on grave près de 150 000 DVD chaque année. Si un DVD coûtait encore 150 francs en l’an 2000, son prix est aujourd’hui de 0,14 euro. Résultat : un budget pour le stockage qui n’a pas bougé depuis 1995, puisque l’augmentation du périmètre enregistré par l’Ina est passé de 6 à 58 chaînes…L’avenir réserve à l’institution de nouveaux défis à relever. En 2009, l’Ina montera encore en puissance : de 58 chaînes de télévision et 17 stations de radio, le Dépôt légal passera à une centaine de chaînes et 20 radios enregistrées. Pour se préparer à cette explosion en termes de volume, Eric Rault s’est d’ores et déjà équipé en lecteurs Mpeg4, un format basse définition. Résultat : 24 heures de programmes sur un DVD au lieu de 8 heures avec le Mpeg1. Le support de stockage idéal ? Très forte densité d’information, accès rapide aux données, mais aussi faible consommation électrique, voire faible échauffement :‘ Avec 2 000 Go de données collectées chaque jour par le Dépôt légal, il serait difficile d’envisager un stockage sur disque dur, explique Eric Rault. Le coût en termes d’espace de stockage, de climatisation et d’entretien serait absolument prohibitif. ‘ Et puis des données enregistrées sur disque dur doivent être lues au moins une fois par an, sous peine de vite perdre leur qualité.‘ La mémoire flash est un support génial qui nous permettrait de loger 24 heures de télévision dans un espace de moins d’un centimètre carré, considère Eric Rault. Tout en multipliant le budget de stockage de l’Ina par 30, ce qui est absolument impossible. ‘

Rendez-vous en 2010

Reste le Blu-Ray, un super-DVD à la capacité de stockage six fois supérieure à celle du DVD classique : ‘ On y réfléchit, concède-t-on à l’Ina. Même si l’investissement reste là encore trop important pour l’instant. ‘Aux Archives, Bernard Rocher envisage toujours l’avenir de la conservation sur cassettes Bêta numérique. En ce qui concerne le format de visionnage Mpeg1 et le format ‘ broadcast ‘ Mpeg2, ils devraient bientôt être remplacés par le format Mpeg H.264. Un standard plus performant, qui permettrait de diviser par deux l’espace physique actuellement occupé par les disques durs dédiés à la consultation.‘ Notre métier consiste à effectuer des migrations ‘, considère Bernard Rocher. ‘ Même le format SDLT ne durera pas éternellement, ajoute Eric Rault. Il sera probablement nécessaire d’envisager une migration aux alentours de l’année 2010, même s’il est rigoureusement impossible de savoir aujourd’hui ce dont la technologie sera capable dans trois ans. ‘

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Judith Bregman