Ecouter Guillaume Apollinaire lisant Le Pont Mirabeau en 1913 à la Sorbonne ou Nelson Mandela parlant d’idéaux le dernier jour de son procès en 1962 ; redécouvrir d’anciennes émissions de radio ; entendre des langues d’ethnies disparues : les archives sonores représentent une partie essentielle du patrimoine de l’Humanité et en alimentent la mémoire collective. Or, selon l’Unesco, près de 200 millions d’heures de programmes audiovisuels sont en danger de disparition à très brève échéance. Si récemment encore, la préservation permanente des archives était pratiquement impossible à mettre en ?”uvre à cause de la dégradation physique des supports et de la difficulté d’accès aux collections, la technologie permet maintenant de numériser et de sauvegarder des millions de documents sonores et de les rendre accessibles à un large public.Doté de plus d’un million et demi d’euros par le ministère de l’Education britannique, l’Archival Sound Recording Project est un exemple dans la bataille pour la pérennisation des fonds sonores. En effet, la British Library, pendant de notre Bibliothèque nationale, a dans ses archives quelque 550 millions d’heures d’enregistrements de toutes sortes, sur tous supports. Archives qui s’abîment et dans lesquelles il n’est guère aisé de se retrouver.
Les archives voyagent au frais
D’où ce projet : ‘ Il s’agit sans doute du contrat le plus complexe en Europe dans le domaine de l’archivage numérique ‘, affirme Michel Merten, de l’entreprise belge Memnon, engagée, avec d’autres, par la British Library pour passer ses archives à la moulinette de la numérisation. ‘ Notre contrat concerne 4 000 heures d’enregistrement et représente un an et demi de travail. Nous avons dû numériser, entre autres, 4 800 bandes magnétiques, des disques 33 et 78 tours. On a dû aller chercher les archives à Londres en camion climatisé… ‘, précise Michel Merten, aux commandes à Bruxelles de cette jeune société qui compte déjà parmi ses clients la BNF, l’Ina et le parlement européen.En vrac, il s’est agi pour Memnon de restaurer et d’archiver sur support numérique des joyaux du patrimoine national anglais tels cent ans d’interprétation de quatuors à cordes de Beethoven, 1 700 heures d’interviews sur les arts visuels et 400 chansons représentatives de l’histoire de la pop. Un travail tout aussi dantesque que primordial. ‘ Notre métier est d’optimiser la lecture des vieilles sources analogiques, ainsi que leur format et leur support. La problématique est de transformer les archives avec économie et qualité. C’est d’ailleurs le fil directeur du projet européen global d’archivage de plus de 100 millions d’heures de sons ‘, explique Michel Merten, entouré d’une quinzaine de salariés dans les anciens bâtiments bruxellois de l’Institut national de radio-diffusion.Le décor est planté, les enjeux cernés. Mais plus concrètement, ça signifie quoi, exactement, archivage numérique ?‘ La problématique des archives audio porte sur trois facteurs : primo, la dégradation physique du support ; secundo, l’obsolescence technologique ; tertio, la difficulté d’accès aux sources. Dans les années 60 ou 70, tout le monde avait un lecteur de bande magnétique, aujourd’hui on ne fabrique plus de tels supports. Le DAT par exemple est obsolète, Sony ayant arrêté la fabrication des lecteurs. La pérennité des fichiers numériques est une problématique essentielle : comment le faire sur du long terme ? Nous avons opté pour des formats dits ouverts, comme le Wav qui n’est pas propriétaire. Dans 10, 15 ou 20 ans, on pourra l’utiliser gratuitement et c’est ce qui le rend intéressant ‘, explique avec passion Michel Merten.
Transposées pour le Web
Une fois l’archive numérisée en Wav, en haute qualité, elle est mise à disposition dans d’autres formats (MP3, WMA, etc. ) selon les souhaits des entreprises et institutions pour leur site Web.‘ Passer de la bande analogique au MP3, c’est dix ou quinze étapes intermédiaires à suivre impérativement ‘, assure-t-il alors aussitôt. Parmi elles, l’indexation, la segmentation, le stockage. Mais bien avant ça, la restauration, étape primordiale, nécessite une gamme complète de lecteurs de sources.
Les supports les plus exotiques
Memnon développe pour cela une politique d’acquisition permanente d’équipements audio de tous les types et de tous les temps. Ce qui lui permet d’offrir des services de numérisation pour pratiquement tous les supports sonores, de l’analogique, tels les disques vinyles ou shellacs (le support utilisé au début des années 1900), à l’Umatic audio wou, système denregistrement à fil, en passant par le VHS digital, le CD-R et le CD-Audio. ‘ Pour la British Library, nous avons dû acheter des aiguilles supplémentaires, ajoute pourtant Michel Merten. Il y a eu de tout en termes de supports. Ce qui a induit une méthodologie et le développement en interne de logiciels spécialisés. ‘Après un an et demi de ce labeur méthodique, Michel Merten était à Londres, fin septembre, pour la cérémonie de lancement du site Internet, nouvelle génération, de la British Library. Celui sur lequel les documents numérisés seront à disposition des étudiants du royaume de sa Majesté
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