Les données numériques qui acheminent à la fois toutes les communications téléphoniques et le trafic Internet parcourent la planète à la vitesse de la lumière. Et pour cause : elles circulent sur des ‘ voies
express ‘ constituées de fibres optiques, qui offrent un débit variant entre 1 et 12 térabits par seconde (un térabit équivaut à 1 024 gigabits). Cet immense réseau fait le tour de la Terre… par la mer !
600 000 kilomètres de câbles en fibres optiques tapissent ainsi le fond des océans, pour relier les continents. Un luxueux serpent de mer, le mètre de fibre optique coûtant entre 4 500 et 20 000 euros, selon son diamètre !On s’en doute, l’installation de ces câbles est un vaste chantier qui nécessite des ressources techniques très particulières. Et qui s’étend sur de longues périodes.France Télécom Marine, une filiale de l’opérateur national France Télécom, a achevé, en juillet dernier, la pose du SMWE 4 (South East Asia ?” Middle East ?” West Europe), une liaison de 20 000 km qui relie
Marseille à Singapour.Le René-Descartes, un navire-câblier de 160 mètres de long, a procédé à la partie la plus délicate du travail : la pose de 1 000 kilomètres de fibres optiques dans les eaux peu profondes de la Méditerranée,
là où les filets de pêche et les ancres des navires peuvent endommager les câbles.Ce bateau, pas comme les autres, ne se cantonne d’ailleurs pas à la pose initiale des câbles : après l’installation des fibres, il passe le plus clair de son temps dans des missions de réparations…
Elodie, la charrue laborieuse
La charrue Elodie (30 tonnes) est chargée de la pose des câbles. Capable de descendre jusqu’à 2 000 mètres de fond, elle travaille en deux temps : elle creuse un sillon, d’une profondeur de un à trois mètres, puis enterre le
câble (c’est ‘ l’ensouillage ‘) afin de le protéger des ancres de bateaux et des filets de pêche. Par temps calme, Elodie pose 1 km de câble par heure.
Hector, le robot inspecteur
Une fois le câble posé par Elodie, le robot Hector (7 tonnes) vérifie que le travail a été bien fait. Comme Elodie, Hector est téléguidé depuis le bateau. Muni de trois caméras et d’un projecteur (sous l’eau, il fait très
sombre…), il filme et retransmet les images des fonds sous-marins sur les écrans du navire. Ce qui permet aux techniciens restés à bord de vérifier que le câble est correctement ensouillé ou de détecter une éventuelle déchirure.
6 000 km de câbles à bord
Le René-Descartes possède trois immenses cuves d’une hauteur de 16 mètres et d’une capacité de 1 000 m3, ainsi qu’une réserve de 200 m3, chacune pouvant
contenir 2 000 km de câble. Il existe trois sortes de câbles (grand fond, simple armure et double armure), dont les diamètres varient de 18 à 45 mm. Les câbles les plus épais sont destinés aux eaux peu profondes, là où les risques
d’endommagement par les bateaux sont élevés. Quand toutes les cuves du navire sont remplies, le poids des câbles atteint 5 800 tonnes.
Téléguider sans se mouiller
Le robot Hector a plusieurs missions : il vérifie que les câbles sont posés correctement, sectionne les parties endommagées et installe les Branching Units (les intersections d’où partent les liaisons vers la terre). Télécommandé
depuis le navire, il dispose de quatre caméras. Les images sont transmises, via un cordon de fibres optiques, dans une cabine de pilotage située sur le pont du navire. Les techniciens manipulent ainsi à distance, à l’aide d’un joystick, la pince
coupante et les deux tenailles du robot.
Réparation à domicile
Si le René-Descartes se charge de la pose des câbles, il sert aussi, et surtout, à la maintenance des fibres optiques. Quand une chute du débit est détectée sur une liaison sous-marine, le bateau se rend sur les
lieux de la ‘ fuite ‘. Le robot Hector repère la partie de câble abîmée et la sectionne. Il remonte ensuite sur le bateau les deux extrémités du câble à réparer pour remplacer la section manquante par
du câble neuf. Les deux jointures nécessaires à la mise en place du nouveau tronçon sont effectuées à bord, dans l’atelier de réparation. Le nombre de fibres optiques contenues dans un câble varie, selon les fabricants, de quelques dizaines à une
petite centaine. Leur diamètre ne dépasse pas 125 microns ! Dans l’atelier, les techniciens opèrent vite : ils dénudent les fibres, les nettoient dans un bac à ultrasons, les coupent de façon parfaitement rectiligne, puis les soudent. Une fois
la résistance des soudures validée par des tests de traction, ils insèrent les fibres dans des moules en polyéthylène étanches, également fabriqués à bord. Le passage de ces moules aux rayons X permet de vérifier qu’ils ne contiennent pas de bulles
d’air. Les réparations, effectuées par des équipes de deux techniciens, nécessitent entre 16 et 20 heures de travail.
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