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Yves Lasfargue (chercheur et consultant) :” Au travail, internet n’est pas la panacée “

L’ère numérique n’a pas que du bon pour les salariés, qui sont de plus en plus stressés.

Il a fondé l’Observatoire de l’ergostressie ( Ergostressie.com), intervient comme expert auprès du Conseil économique et social européen, participe au Forum des droits sur l’internet et prépare un livre sur le réseau : chercheur et consultant, Yves Lasfargue démystifie le net et évalue son impact sur les conditions de travail. Rappelez-nous ce qu’est l’ergostressie et pourquoi vous avez créé ce concept…Dans la société de l’information, la charge de travail est imparfaitement mesurée par la seule prise en compte du temps de travail et de la pénibilité physique de l’activité professionnelle. L’ergostressie vise à mesurer la charge de travail physique et mentale, ainsi que le degré de stress et de plaisir, tant il est vrai qu’avec les technologies, ce qui est contrainte pour les uns est jubilation pour les autres. Les réunions que je mène en entreprise révèlent que 20 à 30 % des cadres sont des technomordus, 40 à 50 % ne perçoivent ni dégradation ni amélioration de leurs conditions de travail liées aux technologies, et 20 à 30 % souffrent de stress induit par l’usage de ces dernières. De quoi se plaignent ces réfractaires ?La première difficulté rencontrée tient à l’abondance d’informations. Les salariés trouvent ingérable et chronophage le traitement d’un volume de données numérisées de plus en plus conséquent. Je vois actuellement poindre dans les entreprises une réflexion critique sur l’e-mail, notamment autour de la multiplication des destinataires en copie des messages électroniques, souvent abusive et agaçante.Faut-il incriminer les nouvelles technologies de tous les maux dont souffrent aujourd’hui les salariés ?Bien-sûr que non. Les sociétés qui font remplir mes questionnaires sur l’ergostressie à leurs cadres ?” EDF, par exemple ?” constatent que les principaux ” ergostresseurs ” sont liés aux méthodes d’organisation et aux relations interpersonnelles : le management par projet et par objectifs est ainsi très largement incriminé. Le monde du travail est passé d’une logique de l’honneur, où les performances étaient évaluées tacitement et les objectifs fixés oralement, à une logique contractuelle, où tout est écrit, évalué, chiffré par une batterie d’indicateurs.Vous préparez un livre sur la ” cybersecte “. De quoi s’agit-il ?Je veux dénoncer tous ceux qui, à l’instar des candidats à l’élection présidentielle, prétendent qu’il y a urgence à combler la fracture numérique. Internet permet la diffusion de données numérisées. Or, tout le monde n’a pas absolument besoin d’en transmettre, et tout le monde n’est pas à l’aise avec l’idée de traiter de l’information abstraite.

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Propos recueillis par Sophie Janvier-Godat