Argos n’est pas uniquement le chien d’Ulysse, un géant, un argonaute ou un système de balise GPS, c’est aussi une puce d’encodage vidéo entièrement développée par les équipes de YouTube dont la seconde génération vient juste de voir le jour. Le titan de la vidéo en ligne a des besoins d’encodage uniques au monde puisqu’il doit encoder 500 heures de vidéo chaque minute — oui, vous avez bien lu. Pour cela, YouTube développe donc des VCU, pour Video Coding Unit.
Et on parle ici non pas d’un seul encodage : selon la définition d’envoi, chaque fichier envoyé dans les serveurs de YouTube peut être transcodé jusqu’à 15 fois pour être affiché aussi bien sur des téléviseurs 8K que sur des features phones d’entrée de gamme affichant du 144 p. La tâche est énorme et demande beaucoup de ressources.
Une carte, deux puces, vingt processeurs d’encodage
Si les équipes de YouTube n’ont pas donné d’informations quant à la finesse de gravure de la puce, elles ont communiqué quelques détails quant à sa structure et son usage. Chaque Argos Gen.2 consiste en une puce intégrant dix cœurs d’encodage vidéo, deux équipes de cinq cœurs puisant chacune dans un pool de RAM de type LPDDR (mémoire basse consommation). Le tout piloté par un tout petit CPU casé dans un coin de la puce.
YouTube a développé un système de carte PCI-E embarquant deux puces Argos Gen.2, refroidies de manière passive avec un simple radiateur. La carte est capable d’encoder jusqu’à 20 flux 4K60p en temps réel. Une performance non seulement en termes de puissance, mais aussi en termes d’efficacité énergétique : les équipes de YouTube affirmant que, par rapport à la précédente solution classique (GPU/CPU + logiciel), « nous affichons des améliorations d’efficacité énergétique sont de l’ordre de x20 à x33 ».
Faire baisser les factures matérielle, énergétique et logicielle
Le développement d’une puce personnalisée est un procédé compliqué et complexe et représente des risques financiers importants. En cas d’échec, c’est l’entreprise qui paye seule les pots cassés alors que les puces « sur étagère » sont validées par des acteurs spécialisés et voient leur coût amorti par la somme des clients. Mais dans le cas de YouTube, les besoins de l’entreprise sont uniques. Et les factures sont énormes, tant du point du matériel, du logiciel que de l’énergie.
Côté matériel, en cas de succès — comme c’est le cas pour la puce M1 d’Apple — les économies sont substantielles quand le volume de puces est suffisant puisqu’il n’y a plus à payer la marge au fournisseur. En matière de logiciel aussi, plus précisément de licence de codec, YouTube avait besoin de faire des économies. Les codecs de type H.264 et H.265 imposent à YouTube de verser, d’une manière ou d’une autre, des royalties. Si YouTube le fait toujours pour des raisons de compatibilité, la puce Argos Gen.2 encode aussi en VP9, libre de droit et désormais aussi en AV1. Deux codecs qui ne coûtent donc rien à l’usage, mais qui économisent aussi beaucoup de bande passante.
Finalement, c’est aussi du côté de l’énergie qu’il faut regarder. En développant une puce optimisée à 100% pour sa mission, YouTube améliore l’efficacité énergétique de ses serveurs. Économisant en bout de chaîne des millions de watts au bout d’une année.
… et faire décoller le codec AV1
Outre la maîtrise matérielle et logicielle totale de son service, YouTube et Google poussent ici des pions dans leur affrontement face aux ténors du marché classique de la vidéo. Avant l’émergence des géants de la vidéo, Hollywood et les électroniciens régnaient en maître sur les codecs par le biais de consortiums de type MPEG. Tout lecteur DVD ou Blu-ray intègre ces codecs et les constructeurs (et donc les consommateurs) payent un droit de licence.
Avec l’avènement du partage de la vidéo, les entreprises de la tech comme Google, Facebook, Apple et autres répliquent avec des groupes de travail open source afin de développer des codecs sans royalties — une démarche évidemment intéressée, puisque leurs frais de licence sont très importants.
Mais pour pousser de nouveaux codecs comme le très performant AV1, il faut commencer à amorcer le mouvement. Et l’intégration hardware du codec au sein même d’Argos va faire économiser à YouTube non seulement des frais de licence, mais aussi des frais de stockage et de diffusion (meilleure compression).
Sources : blog YouTube via Ars technica
Article scientifique complet (PDF)
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