Le capitalisme est-il moral ? A tout ceux qui se poseraient encore la question, on conseillera au choix la lecture du philosophe André Comte-Sponville (1) ou bien, dans un style plus direct quoique plus déprimant, le
compte-rendu de la dernière assemblée générale des actionnaires du groupe Yahoo!.A l’occasion de ce grand raout annuel, un fonds de pension new-yorkais avait déposé, comme il l’avait déjà fait pour Google au début du mois de mai, une motion demandant à ce que Yahoo! cesse de stocker des données personnelles sur des
serveurs informatiques situés dans des pays où l’accès à Internet est contrôlé par l’Etat. En ligne de mire de cette résolution, un pays comme la Chine, connu pour les fermetures de cybercafés et les condamnations infligées à des internautes
coupables de s’être exprimés un peu trop librement sur le Net.Portés par les recommandations de Yahoo!, les actionnaires de la société américaine ont rejeté cette motion à une majorité écrasante. Et dans un registre similaire, une seconde résolution déposée par un actionnaire californien,
John C. Harrington, de créer une commission indépendante sur le respect des droits de l’homme, n’a recueilli que 4 % des votes. Que ne ferait-on pas pour un bon dividende à la fin d’année ?
Respecter la loi au mépris des droits de l’homme
Pour Yahoo!, qui a été accusé à plusieurs reprises d’avoir
communiqué aux autorités chinoises des informations ayant conduites à l’arrestation d’internautes, l’essentiel est semble-t-il de garder le cap. ‘ Yahoo! est
préoccupé par l’emprisonnement de citoyens chinois qui expriment leurs opinions politiques sur Internet ‘, a déclaré un porte-parole du groupe américain, cité par le site britannique The Telegraph.Mais la société d’ajouter que ‘ l’obligation de respecter les lois dans un pays qui bafoue la liberté d’expression est un sujet qui dépasse de très loin le niveau de responsabilité d’une société, voire d’une
industrie toute entière ‘. Enfin, pour se justifier pleinement, Yahoo! explique que ‘ les sociétés qui opèrent en Chine doivent absolument respecter les lois locales car, dans le cas contraire, leurs
employés s’exposeraient à des poursuites civiles ou pénales. ‘Pour Amnesty International, qui avait apporté son soutien aux deux résolutions, la pilule est une fois de plus difficile à avaler. Mais l’organisation de défense des droits de l’homme entend plus que jamais poursuivre sa campagne
d’information lancée sur le site
irrepressible.info. En continuant à dénoncer l’attitude complaisante de sociétés comme Google, Microsoft, et Yahoo! vis-à-vis des régimes les plus répressifs de la planète. Et ce, pour le plus
grand profit de leurs actionnaires respectifs.
(1) Auteur du livre Le capitalisme est-il moral ?, publié en 2004.
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