Le Neuer Markt est mort. Symbole de la nouvelle économie en Allemagne, il n’aura pas survécu aux diverses turbulences boursières et à ses scandales à répétition. La Deutsche Börse, qui gère la place de Francfort, n’a même pas attendu un éventuel retour en grâce des marchés financiers pour tenter un dernier sauvetage.Le Neuer Markt disparaîtra des écrans à la fin 2003, dans le cadre d’une vaste réorganisation de la place de Francfort. Pour regagner la confiance des divers investisseurs, la Deutsche Börse a en effet décidé de réintégrer les sociétés cotées sur le marché des valeurs de croissance dans un listing commun, avec les autres valeurs du marché francfortois. Celui-ci sera divisé en deux segments, l’un soumis aux règles allemandes de transparence, et l’autre soumis aux règles internationales (résultats trimestriels, bilans établis selon critères internationaux, rapports publiés en anglais).
Une perte de 200 milliards
La Bourse des valeurs technologiques, qui ambitionnait d’être la grande place boursière des entreprises européennes de la nouvelle économie, n’avait plus de projet d’avenir. Analystes et courtiers réclamaient d’ailleurs sa fermeture depuis plusieurs mois déjà. L’indice Nemax 50, qui stagnait sous les 400 points fin septembre, n’avait plus aucun espoir de retrouver son niveau du printemps de l’année 2000, où il avait atteint son sommet avec 9 694 points…Longtemps considéré comme le pendant du Nasdaq américain, le Neuer Markt était finalement devenu le symbole de la destruction de capital en Allemagne. Seuls les spéculateurs les plus acharnés osaient encore s’y aventurer. “Le segment pour les jeunes entreprises à forte croissance était mort depuis longtemps”, constate Wolfgang Gerke, professeur à l’université d’Erlangen, spécialisé dans la banque et la finance.Depuis le mois de mars de l’année 2000, plus de 200 milliards d’euros ont été ainsi anéantis… soit 90 % de la capitalisation. Beaucoup de petits actionnaires risquent de ne plus revenir sur les marchés boursiers. “Cela va nuire à toute l’économie et les jeunes entreprises auront désormais du mal à lever des capitaux”, analyse Wolfgang Gerke. La débâcle des marchés internationaux ne constitue pas toutefois l’unique raison du fiasco allemand. Banques, intermédiaires et institutionnels ont également leur part de responsabilité dans l’effondrement du Neuer Markt.“Des erreurs ont été commises, en introduisant des sociétés qui n’étaient pas mûres pour la Bourse”, regrette Wolfgang Gerke. Par ailleurs, une série de scandales sont venus ruiner la réputation du Neuer Markt. Les bilans tronqués, les faillites surprises, les délits d’initiés, mais également les faux communiqués ont révélé l’ampleur de la fraude sur cette place boursière. “J’ai sous-estimé la malhonnêteté de certains managers”, concède Kurt Ochner, un des anciens responsables de fonds sur le Neuer Markt.On reproche aujourd’hui à la Deutsche Börse d’avoir réagi beaucoup trop tard et d’avoir pris des mesures inefficaces. Résultat : la confiance de milliers de petits porteurs a été brisée et des dizaines d’enquêtes judiciaires ont été ouvertes. Après l’euphorie est venu le temps des scandales. Ironie de l’histoire, le premier procès consécutif à ces affaires s’ouvrira après l’annonce de la mort du marché. C’est le 17 octobre que Bodo Schnabel, le PDG de la société télématique Comroad (système de navigation), sera jugé. Actuellement incarcéré, il est accusé, avec sa femme, de présentation de faux bilans. Le couple Schnabel inventait en effet 90 % du chiffre d’affaires de sa société et il présentait ensuite des faux résultats pour faire monter le cours de l’action.
Des actionnaires trompés
L’autre procès, celui de Thomas Haffa, sera encore plus spectaculaire. L’ancienne star du Neuer Markt est en effet devenue la figure emblématique des scandales. Il passera devant les tribunaux en novembre. Le patron de la société de droits télévisuels EM.TV avait promis à ses actionnaires un bénéfice de 300 millions d’euros en 2000 tout en vendant discrètement ses propres actions. L’exercice s’était achevé par une perte de quelque 1,3 milliard d’euros.Depuis le premier dépôt de bilan, celui de Gigabel, le 15 septembre 2000, la liste des entreprises cotées n’a cessé de se rétrécir et celle des faillites d’augmenter. Sur les 343 entreprises cotées en mars 2000, il n’en reste que 264 aujourd’hui, dont beaucoup sont cotées à des valeurs inférieures à un euro. Face à cette situation, plus aucune entreprise n’osait s’introduire sur le Neuer Markt. La Bourse n’a ainsi enregistré qu’une inscription depuis le début de l’année contre 120 en 2000…* à Berlin
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