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Y a-t-il un pilote dans la navette ?

Durant deux mois à La Rochelle, des navettes électriques sont à la disposition du public pour lui permettre de se déplacer dans la ville. Des véhicules qui se dirigent tout seuls.

Il y a des premières mondiales à l’allure modeste. Comme celle qui a pris place en mai pour deux mois, à La Rochelle, dans le récent quartier des Minimes. Cybus est l’aboutissement d’un des projets de véhicules dits autonomes, c’est-à-dire capables de se déplacer sans conducteur, lancés par la Commission européenne au début des années 2000. A deux pas de l’ancienne criée, deux navettes électriques aux airs de barques sont à la disposition du public. Inutile de chercher le volant, il n’y en a pas. Les véhicules se dirigent et évitent les obstacles grâce à des capteurs laser sur leurs pare-chocs, tandis qu’un ordinateur les renseigne à distance via un réseau Wi-Fi sur leur destination. Des tests similaires de transports en commun automatiques ont cours à l’aéroport londonien de Heathrow, dans la capitale italienne et dans la ville espagnole de Castellón.

100 % autonomes

A La Rochelle, la nouveauté de l’expérience tient au fait que les véhicules évoluent en pleine ville, au milieu des piétons, des vélos, et même des voitures, et non dans un couloir protégé ou réservé. Le circuit des navettes est de 800 m “ dans les deux sens ”, précise Michel Parent, l’enthousiaste conseiller scientifique de l’Inria. C’est l’équipe Imara de l’institut qui développe les logiciels de Cybus nécessaires au calcul du trajet, au pilotage des véhicules et à la gestion de la flotte. Le parcours compte cinq stations, de la médiathèque au technoforum, bâtiment de l’université, et deux croisements. Ce nouveau transport en commun est une combinaison entre le taxi et le bus. Des bornes permettent d’appeler un véhicule pour se rendre à l’arrêt de son choix.Tout n’est pas encore au point. Il suffit d’embarquer dans une navette pour se rendre compte qu’elle peine à filer droit. “ La programmation ne pose pas de problème ”, assure Julie Gaudin, ingénieur de recherche de l’EIGSI, école d’ingénieurs de La Rochelle, chargée de superviser le test. “ C’est la fiabilité des composants qui est en cause ”, notamment celles des capteurs lasers. Une expérimentation plus ambitieuse est programmée pour la rentrée. Le circuit sera étendu, deux nouveaux véhicules plus performants circuleront, cette fois en même temps. Avant de retrouver, peut-être, Cybus en démonstration aux J.O. de Londres, l’an prochain.

Transports en commun à la demande

Cinq stations ponctuent le circuit de 800 mètres que parcourt Cybus. A chaque arrêt, une borne permet d’appeler une navette. “ Ça fonctionne comme un ascenseur ”, résume Michel Parent. Grâce à l’écran tactile, la personne qui désire se déplacer active le système et précise où elle veut se rendre. La borne transmet les informations à l’ordinateur du centre opérationnel, lequel s’occupe de réserver le véhicule, de l’envoyer et de calculer le parcours le plus efficace le long du circuit. Durant l’expérimentation, Cybus est accessible en libre-service trois heures par jour (de 15 h à 18 h), soit la durée d’autonomie de sa batterie actuelle. Un mois après le lancement de Cybus, les navettes de quatre places assises embarquent une vingtaine de personnes par jour, essentiellement des personnes âgées qui ont pris l’habitude de les utiliser pour se rapprocher du centre-ville. L’idée prend forme de les mettre à disposition la nuit, quand les bus municipaux s’arrêtent.

Réseau routier sans fil

Contrairement à d’autres recherches sur les véhicules autonomes, Cybus ne nécessite aucun équipement sous la chaussée. Il utilise un réseau Wi-Fi, repérable aux antennes qui jalonnent le parcours. Le réseau sans fil permet aux navettes de dialoguer avec l’ordinateur central situé dans un hangar qui fait office de poste de contrôle de Cybus, derrière un fast-food. A proximité du PC, un boîtier Wi-Fi reconnaissable à ses deux antennes est posé sur une armoire et un empilement de cartons, à hauteur de la fenêtre, pour un meilleur signal. “ Comme vous le voyez, c’est encore du travail de labo ”, s’amuse le chercheur. Le réseau est capricieux. Sur le parcours, il arrive que la navette Cybus stoppe net parce qu’elle a perdu la communication. Le rôle de l’ordinateur de contrôle est aussi de reconfigurer le réseau en permanence afin d’éviter ce type de désagrément.

Conduite assistée par laser

Pour se diriger dans l’espace, la navette utilise deux lasers, un à l’avant, un à l’arrière, reconnaissables à leur forme courbe. Les deux faisceaux tapissent l’environnement de quelque 2 000 points et offrent une vision respective à 180° et 150°. Pour se repérer, à son premier passage, la navette Cybus crée, grâce aux capteurs laser, une carte virtuelle du parcours et des obstacles fixes, tels les bâtiments, trottoirs et réverbères. Ensuite, un opérateur repère sur la carte l’emplacement des stations. La navette, dès lors, est capable de s’arrêter à chaque borne avec une précision de 10 cm, un résultat bien meilleur qu’avec un GPS classique. La législation actuelle interdisant aux véhicules sans conducteur de circuler sur la voie publique, Cybus bénéficie d’une dérogation de la ville de La Rochelle, à la condition que la sécurité soit optimale. Trois boutons d’arrêt d’urgence équipent la navette, un à l’intérieur et deux sur les capots avant et arrière, ainsi que des pare-chocs sensibles. S’ils s’enfoncent, le véhicule stoppe net. De plus, bien que Cybus soit conçu pour fonctionner en mode automatique, il est possible de le piloter manuellement grâce à un joystick.

Sous le capot

Qui dit véhicule “ intelligent ”, dit cerveau électronique. Celui du Cybus se dissimule sous l’espace réservé aux bagages. Une centrale inertielle (un assemblage d’accéléromètres et de gyroscopes) enregistre les mouvements de la navette tandis que des microcontrôleurs, véritables petits ordinateurs, commandent le moteur, la direction et le freinage en conséquence. Les informations circulent jusqu’à l’ordinateur tactile embarqué, situé dans le toit du véhicule. Côté performances, le moteur d’une puissance de 4 kilowatts (un peu plus de 5 chevaux) suffit pour grimper des pentes de 20 % avec quatre passagers.

Course d’obstacles

La couleur jaune de la bande de stop peinte de chaque côté des deux carrefours que compte le circuit de Cybus avertit du caractère provisoire de l’opération, aussi signalée par un panneau. Les voitures doivent laisser la priorité à la navette électrique, laquelle déboule de l’avenue des Amériques, semi-piétonnière, à la mirifique vitesse de 10 km/h. “ Cybus peut rouler jusqu’à 30 km/h ”, ajoute Michel Parent. La navette électrique est peu bruyante. Au moindre obstacle, elle émet des bips d’autant plus vigoureux qu’il est proche. Son ordinateur de bord modifie la trajectoire afin d’éviter la collision. Le système, à l’heure actuelle, ne fait pas de distinction entre une poubelle abandonnée, un piéton, un vélo ou une voiture.

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Olivier Lapirot