01net. : pouvez-vous nous raconter comment est né le projet Winter Voices ?
Kevin Lehénaff : Pendant le développement de notre jeu en ligne [qui est toujours en cours de conception, NDLR], nous nous sommes dit qu’il serait intéressant d’en donner une sorte d’aperçu. Notre première décision, ça a été de rester dans les standards que nous nous sommes donnés : innovants, adultes, enrichissants. L’univers du MMORPG était déjà prêt, à partir de là, il a fallu bâtir un jeu.
Le jeu raconte l’histoire d’une fille qui vient de perdre son père, et qui pour faire son deuil, doit affronter, en guise d’ennemis, ses propres souvenirs. Pourquoi ce pitch ?
Je voulais une histoire simple, et j’ai moi-même une histoire particulière avec mon père. Ce jeu, cette œuvre, c’est quelque chose de très personnel. J’ai écrit tous les textes du jeu moi-même. De ce point de vue là, il s’agit d’un jeu où la part de l’auteur est très importante. Même si chaque membre de l’équipe a apporté quelque chose qui lui est propre.
Quelle était votre expérience en jeu vidéo avant ce projet ?
Je travaillais sur des jeux en ligne, à l’origine, notamment sur Dofus, d’Ankama. Mais Winter Voices est mon premier jeu de rôle solo.
« On a passé beaucoup de temps à la BNF »
Apparemment, une grande partie de la conception s’est déroulée… à la Bibliothèque nationale de France. Expliquez-nous.
C’est vrai, on a passé beaucoup de temps à la BNF [la Bibliothèque François Mitterand, à Paris XIIIe, NDLR]. Nicolas (le principal game designer) est un chercheur de formation. De mon côté j’ai fait beaucoup de recherches sur la mythologie nordique, j’ai épluché de nombreuses traductions de La Voluspa, un poème nordique écrit en vieux norois. Il a été très influent dans le jeu. En fait, j’ai voulu en faire une relecture, c’est pourquoi on le cite dans chaque chapitre.
Vous semblez avoir une formation atypique…
J’ai une formation en lettres et en informatique, une double licence. Mais je suis surtout un autodidacte. J’ai 22 ans, je suis plutôt jeune. Mais j’ai créé des règles de jeu de rôle papier à 6-7 ans, et j’ai commencé à faire mes premières maps sur Alerte Rouge à 10-11 ans. Beaucoup d’entre nous sont universitaires. Mais nous n’avons pas la prétention de faire un jeu universitaire. Même si nous pensons que nos recherches peuvent être utiles à d’autres, ce serait d’ailleurs flatteur…
Si on veut un peu caricaturer, on peut dire que Winter Voices est le premier jeu freudien ?
Oui et non. Je ne suis pas un grand partisan de Freud, mais des éléments sont présents. Ceci dit, ce qui m’a intéressé, c’est la relation fille-père, dans laquelle on aborde de nombreux thèmes, y compris la sexualité. C’est une relation complexe.
« Traumatisé par la fin de Braid »
« Déni », « acceptation », « humour »… L’arbre des talents est très étonnant…
On s’est appuyé sur des livres, mais il y a surtout beaucoup de vécu derrière. On voulait faire une carte des réactions possibles à un traumatisme, un mauvais souvenir. Bien sûr elle n’est pas exhaustive, mais je pense que nous avons abouti à un système intéressant.
Ca n’a pas été difficile de convertir des concepts venus de la psychanalyse en des éléments de jeu ?
Au contraire, à mon sens, le vrai travail amusant du game designer, c’est ça, c’est convertir la réalité en système de jeu intéressant.
Durant le développement, il y a eu des dialogues avec d’autres jeux qui se rapprochent de votre thème ?
On a joué à Braid, que j’aime beaucoup. J’ai été traumatisé par la dernière scène de Braid, c’est un modèle de conception. Mais il est trop récent pour que nous ayons pu nous en inspirer. Pareil pour Limbo, je n’ai même pas eu le temps encore d’y jouer. Nos références, c’est plutôt Baldur’s Gate.
Il y a un jeu que vous auriez rêvé de faire ?
En tant qu’auteur, il y a le jeu de l’esprit que l’on retrouve dans le premier volume du Cycle d’Ender, le roman de science-fiction d’Orson Scott Card. Tout les questions que le jeu pose sont basées sur le subconscient de la personne qui l’utilise.
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