Les médias traditionnels ont perdu une grande partie de la confiance du public. C’est cette confiance que Jimmy Wales, fondateur de Wikimedia dont Wikipedia est le fleuron, veut rétablir avec Wikitribune. Dévoilé lors d’une interview qu’il a donné au quotidien anglais The Guardian (il faisait partie du directoire du quotidien jusqu’à aujourd’hui), Wikitribune fait passer la fondation Wikimedia de l’organisation à la production de l’information.
Ce qui met naturellement cette entité en compétition avec les médias traditionnels – Jimmy Wales a donc annoncé qu’il quittait le comité de direction du Guardian ce mardi 25 avril pour se consacrer à Wikitribune.
Public et journalistes main dans la main
Après avoir connu la période du «citoyen journaliste», modèle qui a eu le mérite de mettre en lumière les limites de l’exercice, le web est prêt à passer à l’étape suivante selon Jimmy Wales. Avec Wikitribune, « ce sera la première fois que des journalistes professionnels et des citoyens journalistes travailleront côte-à-côte, d’égal à égal, à écrire des sujets pendant leur déroulement, les éditant au fur et à mesure qu’ils se développent, tout en étant à chaque instant soutenus par une communauté vérifiant et revérifiant tous les faits », professe au Guardian ce docteur en finances, père du projet Wikipedia, plus grande encyclopédie du monde.
Démarche de transparence
Dans le clip vidéo au fronton de la page d’accueil du projet, Jimmy Wales expose les défis et missions de ce projet. Un projet qui ambitionne de venir au secours des journalistes mais surtout de la vérité. Une vérité qui passera par une approche radicale : les journalistes devront partager non seulement l’intégralité de leurs sources, mais aussi l’entièreté de leurs notes et interviews, qu’elles soient audio ou vidéo. Une bonne démarche, mais qui limitera un peu la latitude de travail de certains interlocuteurs pour des sujets sensibles – même une source prête à parler ne veut pas forcément être reconnue et certaines informations ne sont partagées que parce qu’elles le sont en «off».
Issue du monde de Wikipedia où rien ne peut être affirmé sans preuves, liens et sources, cette démarche de transparence a pour volonté de briser le cercle infernal des fake news.
Contrer les fake news
Dans son interview au Guardian, Jimmy Wales explique que « quelqu’un [qu’il] connaît [l’a] convaincu de donner 100 jours à Trump avant de [se] faire un avis », mais « quand [il] a vu dès le premier jour Kellyanne Conway utiliser sa posture de «faits» alternatifs […] [il] a décidé d’agir ». Une action qui passe dans un premier temps à lever des fonds pour recruter les journalistes.
Financer, c’est soutenir et décider (un peu)
Tout comme Wikipedia et les autres projets de la sphère Wiki, Wikitribune sera en accès gratuit. Le financement des différents sujets fonctionne uniquement par les dons du grand public. Pas de groupe de presse, de société d’investissement, de levée de capitaux, tout l’argent doit provenir du grand public. Mais quand le fait de donner de l’argent à Wikimedia ne vous arroge aucun droit spécial, les donateurs à Wikitribune pourront orienter les sujets de travail prioritaires.
Et tout le monde sera le bienvenu pour signaler les erreurs et remonter des informations non seulement aux journalistes, mais aussi aux équipes de bénévoles qui entourent ce «gardien» de l’information, qu’ils soient vérificateurs (fact checkers), relecteurs, lanceurs d’alerte, etc.
Ou comment étendre l’expérience d’intelligence collective acquise par le biais de Wikipedia à la production d’une information encore plus vérifiée – et vérifiable – qu’elle ne semble l’être.
A l’heure à laquelle nous bouclons cet article, plus de 1659 personnes avaient déjà fait un don (récurrent ou pas) et le site avait déjà pu recruter 1 des 10 journalistes de l’équipe qu’il doit constituer pour lancer l’aventure. Si l’objectif n’est pas atteint, tous les donateurs seront remboursés à la manière de toutes les autres campagnes de financement participatif.
Trois conseillers
En bas de page de la une du site, on trouve une rubrique dédiée aux conseillers : Guy Kawasaki, Jeff Jarvis et Lily Cole.
Le profil de Guy Kawasaki est intéressant pour le projet : outre son passé de marketeux – « inventeur » de l’évangélisme tech dans sa forme actuelle pour Apple – il a fondé en 2007 (et revendu en 2008) Truemors, un site qui agrégeait des rumeurs et qui laissait le soin à la communauté de voter et de les valider. Une expérience qui pourrait bien profiter à Wikitribune.
Jeff Jarvis est à la fois professeur de journalisme et éditorialiste. Spécialiste de la presse en ligne et de ses enjeux, il a notamment écrit sur Google («What Would Google Do», «La méthode Google : que ferait Google à votre place ? » en français) et s’avère très actif en ligne, notamment sur Medium.
Lily Cole est une mannequin et actrice anglaise, dont on a peu d’informations sur son savoir faire numérique – sa page Wikipedia mentionne essentiellement sa carrière publique et ses engagements citoyens au profit des animaux, et autres organismes caritatifs. On peut penser que l’équipe de Wikitribune compte sur elle pour faire la promotion du site auprès d’un public plus large que les geeks.
Wikitribune se donne 30 jours pour recruter l’équipe qui lancera le projet, un projet qui est pour l’heure uniquement en langue anglaise.
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