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Wikimedia échappe à une condamnation pour diffamation

Poursuivie en justice, l’association qui promeut l’encyclopédie en ligne Wikipédia a été considérée comme prestataire technique et non comme éditeur.

Hébergeur ou éditeur de contenus ? Il n’y a pas que les fournisseurs d’accès à Internet, les sites d’enchères ou les plates-formes d’échange de vidéos à connaître ce débat. La fondation Wikimedia, association qui promeut le
développement de l’encyclopédie collaborative en ligne Wikipédia, a vu sa responsabilité juridique mise en cause fin octobre devant le tribunal de grande instance de Paris.Trois plaignants l’attaquaient pour diffamation. Le tribunal de grande instance de Paris les a déboutés en référé
(l’ordonnance sur Juriscom.net). Non pas parce qu’il a estimé que Wikimedia n’était qu’un hébergeur, mais parce que les parties elles-mêmes étaient d’accord au préalable sur le
statut de l’association !Ce sont trois membres d’une société de conseil pharmaceutique, sa directrice générale et deux cadres, qui ont porté plainte après la publication fin août sur Wikipédia d’un article portant atteinte à leur vie privée. Celui-ci
faisait état de leur homosexualité et évoquait la procédure d’adoption de l’un des plaignants, prétendument facilitée par ‘ son activisme dans l’évolution des droits des couples homosexuels. ‘Après avoir notifié deux fois par mail à Wikimedia Foundation de retirer ces contenus estimés litigieux, conformément à la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), les demandeurs saisissent la justice. Ils demandent
le retrait de certains passages de l’article incriminé, mais aussi que l’association communique les coordonnées de l’auteur dont l’adresse IP a été relevée. Enfin, ils souhaitent une condamnation pour un total de 60 000 euros de dommages
et intérêts et 9 000 euros au titre des frais de procédure.Problème : d’emblée, les plaignants se tirent une balle dans le pied. Dans l’ordonnance de référé, on peut en effet lire que ‘ les parties conviennent que c’est en qualité de prestataire d’hébergement que la
fondation Wikimedia se trouve assignée. ‘
Autrement dit, le juge n’a pas eu à se prononcer sur la question. Par contre, à partir du moment où Wikimedia est considérée par tout le monde comme hébergeur, ce sont les obligations
des uns et des autres qu’il a fallu étudier.

Pas de surveillance des contenus a priori

Pour les plaignants, la responsabilité de l’association ‘ peut être engagée dès lors qu’[elle] a connaissance du caractère illicite des propos tenus sur son site. ‘ La
fondation Wikimedia rétorque qu’en tant qu’hébergeur, elle n’a pas à surveiller ses contenus et qu’en outre, pour intervenir, il lui faut une notification rédigée dans les formes prévues par la LCEN. Or le mail des plaignants ne correspondait pas
aux exigences de la loi.Ainsi, le courriel de mise en demeure ‘ ne fait nulle mention des dispositions légales, essentielles pour la vérification par le destinataire du caractère manifestement illicite que doit revêtir le contenu en
question. ‘
Dans un communiqué, suite à la publication de cette décision, la fondation rappelle qu’elle ne sert que de ‘ soutien technique (serveurs, bande passante) aux projets Wikimedia .
Contrairement à une idée reçue, la Wikimedia Foundation n’est pas propriétaire de l’encyclopédie, cette dernière est disponible sous la licence libre GFDL, donc librement distribuable. ‘
Selon Lionel Thoumyre, juriste et consultant en affaires réglementaires, ce jugement est ‘ cohérent d’un point de vue technique. ‘ En même temps, il n’exonère pas les prestataires de
certaines obligations. ‘ Les hébergeurs ont des responsabilités à deux titres. Ils peuvent retirer les contenus illicites quand on les prévient et ils doivent fournir les éléments d’identification qu’ils
possèdent ‘
pour remonter aux auteurs de ces contenus. Ce qu’a fait Wikimedia en fournissant l’adresse IP du contributeur en cause. De même qu’elle a retiré les passages incriminés de l’historique de l’article.Même si l’association n’est pas éditeur du contenu, ce qui lui imposerait plus de contrôle, l’affaire illustre, pour Lionel Thoumyre, les ambiguïtés du Web 2.0, où ce sont les internautes qui produisent.
‘ On se retrouve quand même avec quelque chose qui peut ressembler à un projet éditorial. Dans ce cadre-là, la jurisprudence peut encore s’affiner. ‘ Surtout qu’ici, il ne s’agit que d’une ordonnance de
première instance, susceptible d’appel.Mais en la matière, Jean-Claude Patin, juriste spécialisé dans les nouvelles technologies, va plus loin : Wikimedia est bien un éditeur de contenu, puisque les articles sont corrigés, certes par des internautes, mais par des
internautes membres d’une communauté à laquelle ils s’inscrivent. ‘ Il y a une politique d’édition. Même si la ligne éditoriale, c’est de ne pas contrôler, c’est une ligne éditoriale, puiqu’on en fait le
choix. ‘
Mais comme les deux parties sont tombées d’accord sur le statut à donner à l’association, Wikimedia n’a pas pu être jugée en fonction des lois sur la presse.

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Arnaud Devillard