L’héritage culturel privilégiant l’esthétisme au caractère utilitaire, déteint sur la création des sites web. L’effet bénéfique des belles images publicitaires sur le volume des ventes d’un produit n’est plus à démontrer. L’idéal pour la conception d’un site consiste à préconiser un mixage harmonieux entre contenu et contenant. Cette exigence incite l’éditeur de site web à s’adosser à un prestataire disposant d’une expertise complète. Cette large palette de compétences constitue un atout fondamental, car le média internet souffre des excès égocentriques de certains virtuoses de Photoshop, des maîtres d’Illustrator et des divas du Flash. Ces derniers sont flattés dans cet exercice par des donneurs d’ordres, dont l’ego parfois refoulé s’exprime par animations interposées sur la scène du web. Conséquence, l’internaute de passage est dérouté par une polysémie graphique nuisible à la navigation et à la concrétisation de l’ultime acte d’achat. Les médiocres chiffres de fréquentation des sites surchargés en graphisme témoignent de cette contre- productivité. L’approche monacale, qui bannit toutes les fioritures graphiques pour s’en tenir à un style minimaliste, n’est pas non plus une panacée.
UN NOUVEAU MÉTIER
Le paysage français de la création de site demeure disparate, à l’image de ses acteurs. Dans ce melting-pot HTML, des rentiers du Minitel côtoient des Michel-Ange du CD-Rom, des SSII sans dot multimédia, des agences de “com”, de “pub” et de presse ainsi qu’une pléthore de gourous et autres donneurs de conseils adossés à ces précédents prestataires. Les plus convaincus ont assimilé cette activité comme une composante principale de leur métier. Certains n’ont pas hésité à se rebaptiser web agency dans la précipitation. Les plus prudents, grosses agences de publicité en tête, ont placé cette activité en quarantaine, au sein d’une filiale. En toute logique, le turn-over d’employés inhérent à ce secteur naissant aurait dû engendrer une symbiose équilibrée perceptible dans la physionomie des sites web. Le constat se révèle plus décevant. Bon nombre de ces prestataires n’ont fait que transposer des automatismes de leur métier d’origine au contexte internet, sans se soucier de la spécificité de ce média interactif nécessitant une expertise pluridisciplinaire.Ce manque d’ouverture donne un aspect monolithique dicté par le directeur artistique. Il décréte une charte graphique souvent pompeuse, justifiée par des tendances sociologiques et consuméristes du nouvel espace cybernétique, elles-mêmes inspirées par des gourous nord-américains. Le web designer amplifiera le superflu de ce concept visuel à travers des animations en Flash ou une navigation en DHTML (Dynamic HTML). Mais il se peut aussi que l’équipe soit aussi victime des divagations créatrices de certains exécutants. Les graphistes privés de ces jouets se rabattront alors sur du Gif animé et autres artifices visuels. Dans un projet mal gouverné ou soumis à de petits budgets, il n’est pas rare de voir l’informaticien intervenir sur l’aspect du site à coup d’ applets Java par exemple. En définitif, la conception du web se retrouve entre les mains de créateurs qui maîtrisent mal les principes d’ergonomie élémentaires acquis après plusieurs années d’expérience.Le donneur d’ordres a également sa part de responsabilité dans ce débordement créatif. L’acheteur néophyte réagit par mimétisme. Il faut que cela “flashe” comme chez le concurrent. Le connaisseur, quant à lui, en veut plus que pour son argent. Il assimile le possible au facile, parle de streaming video comme de la météo. Il estime que l’image de marque de son site passe par un haut niveau de technicité. Le résultat aboutit parfois à une brochure commerciale luxueuse, sans valeur ajoutée pour l’utilisateur. Dans le cas contraire, l’ouvrage risque d’être bâclé, surtout si l’acheteur impose des délais serrés sous prétexte d’être le premier sur son secteur. Certains prestataires tentent de résister à ces débordements en arguant les mauvaises expériences passées. Mais sur la Toile comme ailleurs, le client est roi.
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