« Nous créons des entreprises pour fabriquer des produits qui servent les gens, et non pour assister à des réunions avec des avocats ». Dans un long et passionnant billet de blog, Noam Bardin, patron de Waze entre 2009 et 2021, se confie enfin sur tout ce qu’il a sur le cœur depuis de longues années.
Selon lui, vendre Waze à Google n’a pas été une mauvaise chose. En revanche, la culture d’entreprise du « monstre » a peu à peu dévoré celle de sa petite start-up. Au final, même en conservant son indépendance, Waze a sans doute perdu de sa magie.
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Le rachat de Waze a-t-il freiné sa croissance ?
Lors du rachat de Waze en 2013, Google avait promis à l’entreprise qu’elle conserverait son indépendance. Dans son billet de blog post-Waze, Noam Bardin affirme que Google a tenu sa promesse.
Les équipes de Waze sont restées séparées de celles de Google et l’entreprise n’a jamais été absorbée. Il n’y a que juridiquement que Waze n’existe plus, ses employés travaillent légalement pour Google.
Cependant, Noam Bardin se demande si cette indépendance n’a pas été trop importante. Lors de la vente de l’entreprise, il espérait profiter de la force de Google pour promouvoir l’application, en la préinstallant par exemple sur les smartphones Android.
À cause de mauvais rapports avec certains dirigeants de Google, rien de tout cela ne s’est jamais fait. Waze a été traité comme une application tierce et a vu certaines de ses fonctions régulièrement absorbées par son concurrent Google Maps.
Le problème est que les règles marketing de Google sont si strictes que Waze n’a pas pu réaliser autant de promotion qu’espéré. Résultat, Noam Bardin se demande si Waze n’aurait pas grandi plus vite en restant indépendant.
Certes, l’entreprise est passé de 10 millions d’utilisateurs mensuels en 2013 à 140 millions aujourd’hui, mais à combien serait-elle si Google ne l’avait pas freiné ? Toute sa croissance actuelle est seulement le fruit de son propre travail.
Une culture d’entreprise toxique
« Je suis convaincu que l’acquisition de Waze a été un succès. Le problème vient de moi, qui croyais pouvoir conserver la magie de la start-up au sein d’une entreprise, malgré toutes les preuves du contraire. ».
Autre constat de Noam Bardin, la culture d’un géant de la Tech n’a rien à voir avec celle d’une start-up. Ne serait-ce que financièrement, les deux modèles sont totalement incompatibles.
L’ancien patron donne notamment l’exemple des salaires. Dans une start-up, le risque pris par un employé peut être récompensé. Chez un géant de la tech, les employés sont si bien payés qu’ils n’ont aucun intérêt à prendre le moindre risque, ce qui incite à la fainéantise et au manque d’investissement.
Autre problème colossal, il est impossible de virer quelqu’un pour mauvais travail dans une entreprise comme Google. Si quelqu’un n’est pas assez bon, on le change d’équipe. Noam Bardin explique notamment avoir découvert que quand quelqu’un vous recommande un excellent employé pour votre équipe, cela signifie qu’il souhaite s’en débarrasser. Waze a donc perdu en flexibilité en ne pouvant recruter de nouveaux talents.
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Autre problème, la culture de Google mettrait trop l’employé au centre, ce qui nuirait à l’esprit d’équipe. Selon lui, ce que les géants de la tech appellent « l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle » tend beaucoup trop vers la vie personnelle.
Beaucoup de jeunes talents sortis d’écoles intègrent Google et deviennent odieux. Le cours de yoga de 11 heures devient plus important que le développement d’une nouvelle fonction. Noam Bardin donne notamment l’exemple de son premier jour à la cantine de Google où un employé est entré en criant « Quoi ? Encore des sushis ? ». Cette phrase est devenue un running gag dans les bureaux de Waze… jusqu’à ce que les employés de Noam Bardin se mettent eux-mêmes à critiquer les plats de la cantine.
L’ex-patron explique que tout cela le rendait fou et que l’ogre Google a fini par dévorer la magie de sa start-up. La plupart des jeunes recrues n’ont jamais vraiment travaillé et se plaignent de conditions de travail formidables.
Un aspect juridique trop important
Enfin, parmi les autres critiques mises en avant par Noam Bardin (si vous comprenez l’anglais, on vous incite à lire tout son article), Google consacrerait beaucoup trop de temps aux affaires juridiques selon lui. Certaines fonctions toujours indisponibles pour les utilisateurs nécessitent des dizaines d’heures de discussions avec des avocats, ce qu’il trouve tout simplement insupportable.
Noam Bardin a aussi souvent été critiqué par sa hiérarchie pour ses conférences un peu trop libres, parfois parce qu’il n’utilisait pas le bon pronom ou avait utilisé un gros mot (la forme plutôt que le fond).
Au final, Noam Bardin se demande comment il a pu tenir sept ans chez Google. Après avoir réalisé en 2017 qu’il voulait partir, il a initié une longue formation de trois ans de ses équipes pour les rendre indépendantes de lui (ce qu’il aurait aimé faire plus tôt s’il n’avait pas passé trop d’années à tenter de combattre la culture de Google). Il conclut cependant en affirmant que vendre Waze n’était pas une erreur même si les géants de la Tech sont plein de vices.
Source : billet de blog de Noam Bardin
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