Jeudi 25 novembre sort Epic Mickey, sur Wii, un jeu d’aventure et de plates-formes imaginé par Warren Spector, cocréateur de jeux de rôle cultes sur PC (Ultima Underworld, System Shock, Deus Ex). Comment un homme connu pour ses titres extrêmement riches et complexes, réputé pour la liberté morale qu’il donne au joueur s’est-il retrouvé, dans l’univers d’habitude si lisse de Walt Disney, à diriger un personnage aussi droit que Mickey ? Du report in extremis d’un projet avec John Woo à l’exploration des zones d’ombre de l’histoire de la souris, en passant par son rêve de jeunesse de construire des attractions foraines, cet amoureux des bandes dessinées nous raconte la naissance d’un jeu d’aventure hybride et imprévisible…
01net. : Pouvez-vous nous raconter comment est né le projet d’Epic Mickey ?
Warren Spector : Tout a commencé en décembre 2005, quand Disney a proposé que nous fassions un jeu ensemble. Pour tout un tas de raisons assez ennuyeuses liées au business, notamment des histoires de droits, cela ne s’est pas fait tout de suite. Alors j’ai commencé à travailler en 2006 sur le projet « Ninja Gold », un film et un jeu de ninjas, produits par John Woo et par moi [qui n’ont toujours pas vu le jour, NDLR].
Or, à la mi-2007, Disney est revenu me voir avec une proposition précise : faire un jeu sur Mickey. Là, je me suis demandé : est-ce que ce genre d’opportunité se reproduira une autre fois dans ma vie ? Probablement pas ! J’ai dit oui et je ne le regrette absolument pas. Au début, nous avons développé le jeu pour toutes les plates-formes, la PS3, la Xbox 360 et le PC. Puis nous avons pris la décision d’en faire un titre propre à la Wii, c’était le plus logique du fait du genre et du style.
Epic Mickey est une relecture très libre de l’univers de Walt Disney et un jeu de plates-formes qui donne une place aux choix du joueur. Lequel de ces aspects était à la base du projet ?
En fait, les deux. J’avais vraiment plusieurs objectifs en faisant ce jeu. Je voulais d’abord que Mickey devienne une vraie star de jeu vidéo, car, même si on l’a déjà vu plusieurs fois, il n’est pas considéré comme un héros à part entière dans ce domaine comme il peut l’être au cinéma ou dans la bande dessinée. Mais je voulais aussi faire un jeu de plates-formes à ma sauce, qui donne au joueur les clés du monde et lui permette, non pas de se fondre dans mon histoire, mais au contraire de la recréer lui-même.
« Je ne crée pas tout moi-même »
L’un des personnages principaux d’Epic Mickey s’appelle Oswald le Lapin ; c’est la toute première création de Walt Disney, et elle est très peu connue du grand public, car le studio n’en a racheté les droits qu’en 2006. Etait-ce une idée à vous ?
Non, c’est plutôt Disney qui m’a mis dans la confidence. Ils m’ont expliqué qu’ils étaient en train de récupérer Oswald et m’ont demandé si je voulais l’utiliser dans le jeu. Tu parles que je leur ai dit oui ! Il faut savoir une chose : je suis le concepteur de jeux le plus chanceux au monde. Je suis un grand fan devant l’Eternel de Disney, ma femme est une fan d’animation, l’un de mes rêves secrets était de concevoir des attractions pour Disney, et voilà que l’on me propose un jeu sur Mickey. Personne d’autre que moi ne convenait autant à ce projet !
Vous êtes connu comme l’un des plus grands concepteurs de jeux, mais quel a été votre rôle exact dans le développement d’Epic Mickey ?
J’étais impliqué au tout début, puisque j’ai conçu les plans de départ du projet. Puis j’ai délégué sa réalisation à mon équipe, tout en veillant à ce que le jeu avance sur de bons rails, et ce jusqu’à la fin. J’avais un vrai boulot de tortionnaire ! Beaucoup de gens s’imaginent que je crée tout moi-même, mais non, je ne touche pas à la conception du jeu, à la programmation, etc. J’ai la chance d’avoir une équipe très talentueuse. En fait, je crois que je n’ai plus vraiment mis les mains dans le cambouis depuis très longtemps !
Quel public visez-vous ? Les fans de Deus Ex ? de la Wii ? de Mickey ? le très grand public ?
Je veux changer de public, et c’est même le but. J’ai passé ma vie à parler à des rôlistes, et je peux dire que je sais comment faire des jeux qui plaisent aux hommes de 20 à 40 ans. Mais le grand public, c’était un vrai challenge. Au début, je me disais même que je m’adressais exclusivement aux enfants. Petit à petit, ma position a évolué, en parlant avec d’autres personnes. Chez Disney, on ne dit jamais que l’on fait des films pour enfants, mais des films pour la famille. Chez Pixar, on s’adresse aux 7 à 77 ans. Regardez Toy Story 3 [de Disney, NDLR], il a plu à tant de publics différents !
Alors je me suis dit qu’il fallait faire d’Epic Mickey non pas un jeu pour enfants, mais un titre où chacun puisse trouver son compte, y compris moi. Le plus dur, mais aussi le plus intéressant, ç’a été de trouver comment utiliser le monde de Walt Disney. Vous savez, on ne s’en rend pas compte, mais Mickey existe depuis 1920, il a traversé des décennies. Y a-t-il beaucoup d’autres icônes populaires qui en aient fait autant ? Betty Boop ? Coco le Clown ? Le monde de Mickey est bien plus riche qu’on ne le pense.
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