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Voyage dans les labos d’Intel

Comme tous les ans, les chercheurs d’Intel partagent leurs connaissances et présentent aux journalistes du monde entier les prototypes de leurs applications. Voici notre sélection des plus prometteuses

C’est au cœur de la Silicon Valley, en Californie, au musée de l’informatique de Mountain View, que s’est tenue, le 18 juin dernier, la septième édition de l’Intel Research Day. Cet événement donne l’occasion aux chercheurs du groupe d’exposer les projets et les prototypes d’applications futures de l’informatique. Parmi les projets présentés cette année, certains ont retenu notre attention. Par exemple, l’un des ateliers montrait une salle de classe où les enfants et leur professeur, équipés de Classmate PC, partagent leurs travaux et s’organisent en groupes de travail en quelques instants avec une simplicité désarmante. Sur l’écran de chaque ordinateur s’affiche un plan virtuel de tous les PC de la classe. Pour créer un groupe de travail, il suffit, à l’aide du stylet, de tracer un cercle autour de plusieurs d’entre eux. Les élèves peuvent alors découvrir le contenu des ordinateurs du groupe nouvellement constitué, travailler en commun ou s’échanger des données. En traçant un trait depuis son ordinateur vers celui du maître, l’élève peut afficher, sur le tableau électronique, le contenu de son propre écran.Après le collaboratif, place à l’interface homme machine. L’ingénieur Glen Shires nous a présenté un système de reconnaissance vocale basé sur la reconnaissance faciale. Ce dispositif repose sur une réflexion toute simple. Si vous voulez piloter un appareil à la voix, vous devez employer une bibliothèque de mots identifiables, comme “ Allume ” , “ Éteins ”, etc. Le problème, c’est que vous pouvez utiliser ces mots lorsque vous parlez à quelqu’un situé à proximité, ce qui peut être interprété par l’appareil comme une instruction. Par exemple, vous lancez un “ Allume la télé, s’il te plaît ” et le four se met en marche ! Et il ne s’agit que d’un seul appareil. Imaginez le cauchemar, lorsque, comme le prévoient les chercheurs d’Intel, l’ensemble de votre électroménager et de vos appareils électroniques sera piloté à la voix ! Glen et son équipe ont imaginé un garde-fou aussi simple qu’efficace. Chaque appareil est doté d’une webcam couplée à un logiciel de reconnaissance faciale et vocale. Il n’accepte les instructions qui lui sont adressées qu’à la condition de détecter le visage et le mouvement des lèvres, preuve que l’utilisateur regarde bien dans sa direction. Il suffisait d’y penser ! Autre domaine de recherche, pour le moment au début de son stade de développement : la transmission de courant électrique par résonance magnétique. En diffusant un champ magnétique à une fréquence précise, il peut être capté et amplifié par un récepteur réglé sur cette même fréquence. À l’avenir, cette forme d’électricité sans fil pourrait alimenter à distance des téléphones ou des ordinateurs portables. Le signal n’étant pas perturbé par les obstacles, l’émetteur pourrait être intégré à un objet, ou placé directement dans un mur.

Vendre toujours plus de processeurs !

S’il est bien sûr impossible de déterminer lesquels de ces projets trouveront un débouché dans les prochaines années, la quarantaine de démonstrations présentées au cours de cette journée s’avéraient, pour la majorité d’entre elles, ancrées dans la réalité. Et pour cause : chez Intel, un groupe de recherche n’a rien du laboratoire du professeur Tournesol. Pour chaque projet, une équipe est constituée, dans laquelle peuvent intervenir en fonction des besoins, ethnologues, ergonomes, sociologues ou designers. L’objectif est clair : trouver sans cesse de nouvelles applications permettant d’écouler du silicium en très grande quantité. Mais, pour cela, Intel a compris qu’il est indispensable de comprendre la mentalité, la culture et les besoins des populations visées afin de leur proposer des solutions technologiques adaptées. C’est dans ce but qu’a été menée en 1999 une large étude visant à étudier le fonctionnement des systèmes de santé et de prévention dans une vingtaine de pays. Le fondeur a ainsi constitué une équipe de chercheurs composée d’ethnologues et de psychologues qui ont visité plus de 1 000 foyers et 150 hôpitaux afin de cerner les besoins des populations en matière de santé. Trois ans plus tard, a été créé le Proactive Health Lab où sont réunis, au sein d’une même équipe, les chercheurs qui ont mené les études de terrain, des designers et des ingénieurs. Leur but, concevoir des outils permettant à des malades d’évaluer leur état de santé et d’en référer instantanément à leur médecin traitant, sans avoir à quitter leur domicile. De cette réflexion, qui se poursuit toujours aujourd’hui, est né l’Intel Health Guide, un mini-PC à écran tactile destiné aux patients souffrant de maladies chroniques (voir encadré ci-contre).Parmi les autres projets issus des enquêtes menées par les ethnologues du centre de recherche figure l’Intel Learning Series. Cette entité regroupe toutes les solutions matérielles et logicielles destinées à la formation des enseignants et à l’éducation des élèves de primaire et de secondaire. D’après l’Unesco, sur le milliard d’élèves du primaire et du secondaire scolarisés dans le monde, seuls 5 % disposent d’un accès à un ordinateur. L’Intel Learning Series a pour objet d’améliorer cette situation, en s’appuyant à la fois sur la formation des enseignants aux Tice (Technologies de l’information et de la communication pour l’éducation), via le programme Intel Teach, et sur la diffusion des Classmate PC, des netbooks “ durcis ” destinés aux élèves du primaire. Ce projet s’apparente donc à l’opération OLPC (One Laptop per Child ou Un portable par enfant), qui vise à équiper en ordinateur les enfants des pays défavorisés. Le Classmate PC existe en plusieurs versions. Les deux plus récentes intègrent un écran tactile, la dernière disposant en outre d’un écran orientable permettant de le transformer en Tablet PC.L’appareil et l’infrastructure logicielle qui l’accompagne n’intéressent pas uniquement les pays émergents, mais aussi les nations industrialisées. Ainsi, le Portugal a lancé l’an passé un projet très ambitieux baptisé Magellan qui vise à équiper de Classmate PC tous les élèves scolarisés en école élémentaire. 500 000 portables ont été réalisés par la société portugaise JP Sa Couto. En effet, Intel ne produit pas les Classmate mais fournit les caractéristiques techniques et de design de l’appareil, que le fabricant adapte ensuite en fonction des demandes du gouvernement. La France aussi aura le droit à ses Classmate rebaptisés “ Cartables numériques ” (voir encadré ci-contre). Assemblés par le constructeur français Archos, ces PC durcis équiperont les 5 000 écoles présentes dans les communes de moins de 2 000 habitants. Intel Learning Series représente un bon exemple de la stratégie “ gagnant-gagnant ” chère au fondeur de Santa Clara : d’un côté, il élabore les Classmate, assure bénévolement la formation d’un million d’enseignants chaque année, propose des contenus éducatifs sur son site multilingue Skoool.com… et, de l’autre, garantit la diffusion massive de ses composants électroniques, à commencer par les processeurs Atom.

Du sable à la puce

Il ne faudrait pas oublier, en effet, que, pour préserver ses parts de marché, il faut sans cesse imaginer de nouveaux produits et leur trouver de nouveaux débouchés. Depuis plusieurs années, Intel a adopté un calendrier de développement de nouveaux processus technologiques et de micro-architectures dénommé Tick-Tock (tic-tac, en français), basé sur un cycle de deux ans. L’année Tick, le fondeur réduit la taille des transistors sur le processeur commercialisé l’année précédente par augmentation de la finesse de gravure (die shrink). Cela se traduit par un doublement de la densité des transistors qui le composent. L’année Tock, Intel commercialise une nouvelle micro-architecture de processeur, qui tire parti du nouveau procédé de fabrication mis en place l’année précédente. Par exemple, en 2006, année Tock, Intel a lancé les processeurs Core 2 Duo gravés en 65 nm. L’année suivante, Tick, le fondeur a présenté un nouveau procédé de gravure en 45 nm pour ces mêmes Core 2 Duo (processeur Penryn). En 2008, nouvelle micro-architecture de puce avec Nehalem, gravé en 45 nm. Pour l’anecdote, les noms de code s’inspirent de sites géographiques des pays où Intel est implanté, États-Unis, Irlande, Israël… Doublement du nombre de transistors tous les deux ans… cela vous rappelle forcément quelque chose. La loi de Moore, bien sûr ! Édictée en 1965 par le cofondateur d’Intel, elle reste aujourd’hui d’actualité. Il suffit de se rendre sur le site du fondeur pour s’en persuader. Gordon Moore y est présenté comme un visionnaire et sa prédiction fait l’objet d’un culte au sein de la compagnie. Il faut doubler le nombre de transistors sur une puce tous les deux ans, quoi qu’il en coûte. Et même si cette exigence s’apparente parfois à une fuite en avant et met la société en péril. Souvenez-vous de l’entêtement d’Intel à poursuivre le développement des Pentium 4 basés sur la micro-architecture NetBurst, annonçant des fréquences de fonctionnement allant jusqu’à 10 GHz, et ce, malgré d’insurmontables problèmes de dissipation thermique et de consommation électrique. Cette persévérance à honorer la prédiction du “ gourou ” a, en tout cas, sans doute contribué à maintenir un niveau de développement constant depuis près de 40 ans. Une vraie gymnastique technologique ! Et cela n’est pas près de s’arrêter, Intel ayant levé le voile sur son Tick-Tock jusqu’en 2012 (voir tableau page suivante). Autre innovation, le fondeur devrait dévoiler d’ici à la fin de l’année une nouvelle génération de puces qui intégreront au sein d’un même boîtier (ou packaging) un processeur gravé en 32 nm (nom de code Westmere) et un circuit graphique en 45 nm, ce dernier étant jusqu’alors intégré à la carte mère.Cette technologie présente le double intérêt de réduire le coût de fabrication des jeux de composants et la taille de la carte mère. Enfin, Intel lancera, au début de l’année prochaine, une carte graphique haut de gamme, intégrant le nouveau circuit graphique massivement multicœur dénommé Larrabee et, grosse nouveauté, compatible x86. Le but : allier la puissance et la sophistication des CPU pour les opérations complexes à l’efficacité des circuits graphiques pour les calculs simples, afin de garantir une excellente rapidité de traitement, quel que soit le type d’application ou de jeu vidéo.

La mobilité, le nouveau relais de croissance

Si Intel demeure le premier fabricant mondial de microprocesseurs, avec 80 % de parts de marché, son chiffre d’affaires annuel n’a guère évolué au cours des dernières années. Le fondeur mise sur le développement du marché des smartphones (les mobiles dits intelligents comme l’iPhone ou le Blackberry) pour écouler ses processeurs et s’assurer les “ next 10 billions dollars ”, les prochains 10 milliards de dollars de bénéfice, qui lui permettront de poursuivre ses investissements. Le moyenb : livrer en six mois au maximum des puces clés en main pour répondre aux besoins des fabricants de smartphones qui en font la demande. La solution : une puce tout-en-un dite monochip. Compatible avec le jeu d’instructions x86 et munie d’un cœur de processeur Atom de prochaine génération, cette puce intégrera une multitude de composants dédiés au traitement de tâches variées : le guidage par satellite (GPS), l’accès aux réseaux de communication sans fil (Wi-Fi, 3G, Wimax, etc. ) ou encore les interfaces et les jeux vidéo en 3D (GPU intégré). L’astuce : la puce monochip est standard et incorpore tous les composants pouvant intéresser les fabricants de smartphones. Ils sont activés en fonction des demandes des clients dans une logique de “ prix par fonctionnalités ”. Avec cette technologie, Intel vise clairement le marché trusté par les processeurs ARM qui équipent la plupart des smartphones actuels, notamment l’iPhone ou la série des N9X de Nokia. Intel et Nokia ont d’ailleurs signé un partenariat visant à optimiser le développement de cette puce et à réfléchir à de nouvelles applications.Apple, en revanche, semble s’orienter vers une autre solution. En effet, la firme de Steve Jobs est en train de constituer une équipe d’ingénieurs spécialisés dans la conception de puces basse consommation, comme le démontre le rachat, en début d’année, de PA Semi. Une annonce bien gênante pour Intel, qui espérait fournir en processeurs Atom la prochaine génération d’iPhone. Outre l’aspect hardware, le fondeur développe de nouvelles applications et concepts destinés aux appareils nomades, à l’instar du “ Carry small, live large ” (porter léger, vivre grand), que nous avons pu découvrir lors de l’Intel Research Day. Dans un décor de salon cosy, deux ingénieurs munis, l’un d’une tablette Internet (ou MID pour Mobile Internet Device), l’autre d’un portable, démontraient qu’il était possible d’interagir avec les appareils électroniques situés dans la pièce (un décodeur TV, une console de jeu et un écran LCD) sans effectuer le moindre branchement. À terme, les appareils devraient être capables de se connecter aux objets proches en tenant compte des besoins de l’utilisateur. Par exemple, un lecteur MP3 dialoguera automatiquement avec la chaîne hi-fi pour profiter de ses enceintes stéréo ; un netbook proposera de transférer son affichage sur un plus grand écran détecté à proximité… Le concept Carry small, live large, tout comme les autres projets que nous avons présentés ici, démontre clairement la principale préoccupation d’Intel : occuper tous les terrains, être visible partout, devenir incontournable. Au risque, peut-être, d’agacer…

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Philippe Fontaine