Casque et lampe frontale vissés sur la tête, on emprunte l’ascenseur qui va nous mener sous terre comme si on allait à la mine. Nous sommes à Bure en Lorraine, à cheval sur les départements de la Meuse et de la Marne.
Le lieu dans lequel nous venons de pénétrer est surveillé de près par l’Etat : c’est le laboratoire souterrain de l’Andra (l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs en France), une réplique en plus petit du futur centre Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) qui abritera en 2025 les déchets les plus radioactifs émis par la France.
« EDF, le CEA, l’armée, Areva mais aussi des hôpitaux ou des laboratoires de recherches produisent chaque année des tonnes de déchets à base de plutonium, d’uranium ou encore de carbone 14 », nous explique sur place Sébastien Farin, directeur adjoint de la communication de l’Andra.
Voici un aperçu du laboratoire de l’Andra en vidéo
Des robots pour éviter le contact avec les hommes
Nous pénétrons à pied dans une succession de larges galeries bien éclairées. Le site final, lui, sera équipé de voies ferrées, afin que les déchets coulés dans du béton soient acheminés sans que des hommes n’aient à intervenir.
Un train sans conducteur accostera donc devant un opercule où des robots pousseurs prendront le relai pour placer les colis les plus radioactifs les uns à la suite des autres, séparés par des intercalaires dans des alvéoles de 100 mètres de long et de 9 mètres de diamètres.
Les manœuvres seront automatisés au maximum, certaines resteront commandées à distance. Le centre sera construit au fur et à mesure de l’arrivée des déchets et devrait s’étendre sur environ 15 km² au bout d’une centaine d’années.
Des tests sur place et des simulations numériques
Le long des parois du site, on découvre parfois la roche à nue et de drôles de filets qui la couvrent. Les équipes de l’Andra procèdent en effet à des expérimentations sur la roche. Bure a été retenu à cause de la présence d’argile et de ses propriétés favorables/ Elle est en effet peu perméable et très stable géologiquement depuis 135 millions d’années. De quoi maintenir confinée la radioactivité.
En attendant, les ingénieurs font des études de sensibilité et procèdent à des forages. « Que se passera-t-il si de l’eau ruisselle ? Doit-on recouvrir la roche de béton ? Comment réagit l’argile au contact du fer ? », énumère Eric Sutre, chargé de communication à l’Andra.
Le laboratoire ne contient aucun colis à l’heure qu’il est. Une expérience a bien été réalisée avec des testeurs dans une cavité pour voir si de l’iode radioactive se diffusait. Mais pour le reste, il faut se contenter de simulation virtuelle ou de manipulations dans des laboratoires pour tester la radioactivité.
Un centre conçu pour durer 1 million d’années !
Devant le portail du site, on a vu des banderoles d’opposants écologistes. Et la sécurité redoute un coup de force des plus vindicatifs. Mais à l’Andra, leurs arguments ne trouvent pas beaucoup d’écho. « Même si on sortait aujourd’hui du nucléaire, on se retrouverait de toute façon avec une énorme quantité de déchets à traiter. Alors qu’en ferait-on ? », interrogent les équipes de l’Andra.
La plupart des déchets présentent une radioactivité à durée de vie de courte. Le problème, ce sont les déchets HA (Hautement radioactif) et MA-VL (Moyenne activité à vie longue). Ils ne représentent que 3 % du volume total mais concentrent plus de 99% de la radioactivité. On doit parfois attendre plusieurs centaines de milliers d’années, avant de la voir décroître.
Le volume total de ces déchets, produits depuis le début de la mise en service des centrales nucléaires et qui sera émis d’ici 50 ans par les installations actuelles ou en construction, s’élève à 80 000 m3 – soit l’équivalent de plus de 25 piscines olympiques, bien remplies… Jusqu’à maintenant, ils étaient stockés dans des installations en surface comme à la Hague, par exemple. Une solution temporaire et incertaine.
Alors, pour régler définitivement le problème, la France a opté pour l’enfouissement géologique profond. Enfin définitivement, c’est vite dit. Les parlementaires ont exigé un stockage réversible pendant au moins 100 ans. Mais le centre Bure sera conçu pour durer potentiellement… 1 million d’années ! Le temps que la radioactivité décroisse suffisamment pour ne plus présenter de risque. De quoi aussi inquiéter les habitants et les générations futures qui hériteront du projet sans l’avoir choisi…
🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.