S’il est difficile de dresser le portrait type du parfait directeur e-business, sa mission, d’un groupe à l’autre, peut néanmoins se résumer en quelques lignes : avant tout, identifier les projets prioritaires pour sa société et, ensuite, les mettre en ?”uvre. Pour cela, il doit être à la fois tourné vers le client et vers les collaborateurs. Autant dire que le personnage se doit de posséder de multiples facettes…
Stratèges
La première fonction : stratège. Chez Lapeyre, Thomas Pétuaud Létang, nommé en octobre 2001 au poste de directeur e-business, est ainsi membre du comité de direction, chargé d’élaborer la stratégie e-commerce du groupe. “Nous avons d’abord identifié toutes les opportunités de sites marchands que nous pouvions proposer à nos clients. Parmi nos axes phares, le déploiement des sites Lapeyre : Lapeyre.fr, Lapeyrepro.com, pour les professionnels et GME.fr, un réseau de distribution de salles de bains et de carrelage qui sera lancé en mars 2002″, explique Thomas Pétuaud Létang.À La Poste, c’est Nicolas Lefevre qui tient les commandes de l’e-business. Avec une double casquette : directeur général de Sofipost, holding de filiales du groupe, il est aussi depuis septembre 2001, à la tête de la direction du développement des nouveaux services et reporte directement au directeur général de La Poste. “Mon rôle est de contribuer à définir la stratégie e-business qui doit s’intégrer dans celle de l’entreprise, insiste-t-il. Pour cela, nous avons identifié le commerce électronique comme l’une des priorités de notre développement. Avec le courrier, le colis et la logistique comme c?”ur de métier, l’enjeu est de taille !”Tous les deux mois, il organise le comité des nouvelles technologies (créé en 1997 par Martin Vial alors directeur général de La Poste, et devenu depuis président) qui rassemble les dirigeants du groupe et les patrons d’activités concernés par les projets e-business en cours.
Coordinateurs
Véritables garants de la stratégie de l’entreprise, ces hommes sont aussi responsables de la cohérence des différents projets et de leur bonne coordination dans l’ensemble des départements d’un groupe. Le géant de la métallurgie Usinor a ainsi créé en octobre 2000 le poste de pilote du projet e-business, échu à Vincent Gillet. Dès mars 2000, en effet, un premier site, Steeluser.com, avait été mis en place.Trois mois plus tard, le groupe annonçait la création, avec trois autres partenaires sidérurgiques, d’un site de vente de produits d’acier, baptisé cette fois Steel24-7.com. Les deux sites devraient être totalement intégrés avant la fin 2002. Pour activer les choses, d’ici là, Vincent Gillet joue le rôle d’interface entre les différentes équipes liées aux projets et les quelque 60 000 collaborateurs que compte le groupe… Une mission délicate qui l’a mené à s’entourer de correspondants ” e-sales “, répartis dans les différentes agences commerciales et chargés d’aider les vendeurs à utiliser ces sites dans leur travail.
Pédagogues
Cest qu’insuffler un tel changement en interne implique un véritable travail sur la culture d’entreprise. À en croire Vincent Bonnot, le directeur e-business de la branche emballage de Pechiney, spécialiste de la production et la transformation de l’aluminium, ce n’est pas une mince affaire. “Nous devons surtout favoriser l’adoption des projets par une démarche de formation et d’accompagnement culturel, assure le responsable. Il ne s’agit pas en effet de diffuser la bonne parole de l’e-business mais d’expliquer et de familiariser les gens avec des concepts qui sont parfois fumeux et très mouvants.”
Curieux
Pour cela, des séminaires sont organisés, parfois même à l’initiative d’un patron de division qui veut sensibiliser sa force de vente à la gestion de la relation client. Du coup, l’entretien de leurs connaissances est un autre aspect crucial de l’activité de ces nouveaux managers. Pas question de lésiner sur les heures sup’. Très régulièrement, ces responsables e-business participent à des rencontres, parfois informelles, avec leurs homologues issus de secteurs industriels très variés.Une autre attribution du directeur e-business est d’anticiper, ce qui implique d’assumer une activité de veille importante. Bertrand Lebel, le directeur de l’innovation (e-business development vice president, en anglais !) d’Air France, s’appuie sur les directions opérationnelles pour coordonner les projets e-business de son groupe. Il identifie également les sujets sur lesquels l’entreprise peut tirer parti des nouvelles technologies. Parmi eux, la sécurisation des paiements, qui est la question la plus sensible de tout ce qui touche au commerce électronique.Du rôle de stratège à celui de visionnaire, en passant par ceux de manager ou de conducteur du changement, les différents visages du directeur e-business constituent la principale richesse de cette fonction. Mais ces casquettes multiples compliquent aussi terriblement sa tâche. Sur le terrain, les difficultés sont légion.
Persévérants
A commencer précisément par la définition de leur statut. “Leur positionnement comme leur reconnaissance dans l’entreprise posent des problèmes, reconnaît Jean-Christophe Chamayou, directeur d’Elitis, un cabinet de conseil en ressources humaines. Ils interviennent dans des services déjà bien ancrés dans l’entreprise, comme l’informatique et le marketing : c’est plutôt difficile pour eux d’avoir du poids.”Et ce n’est pas seulement là que le bât blesse. La plupart des directeurs e-business peinent aussi quand il s’agit de faire travailler ensemble des gens qui n’en ont pas l’habitude, informaticiens et acheteurs, par exemple. Passée l’excitation du début, l’usure ne tarde pas à se faire sentir et il faut continuer à lutter contre l’inertie.“Il y a deux ans, l’e-business traversait une période d’euphorie excessive. On parlait d’internet comme de la seule voie de salut, se souvient Jean-Marie Boucher, directeur de Laredoute.fr (groupe PPR, Pinault Printemps Redoute). Aujourd’hui, il n’est plus à la mode, et l’une des difficultés est de tenir le cap. Avant d’entrer dans une phase de maturité et de consolidation, nous avons dû nous démener pour trouver la voie de la rentabilité avec les mêmes contraintes de rigueur budgétaire que celles qui sont imposées au groupe PPR.”
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