A force de dire que les réseaux brouillent les frontières entre sphère privée et sphère publique, cela devait bien arriver. Au printemps dernier, deux salariés de la SSII Alten passaient devant les prudhommes pour contester leur licenciement. Leur employeur leur reprochait des propos tenus sur Facebook. Au mois de juillet, ce sont des employées de SOS Femmes qui étaient mises à pied à cause d’un échange sur le réseau social. Que peut-on faire et ne pas faire sur un réseau social ? Votre employeur ou un recruteur peut-il utiliser les informations que vous postez ?
Un salarié a-t-il le droit de parler de son travail et de son entreprise sur Facebook ?
Salarié ou pas, tout le monde bénéficie de la liberté d’expression. On ne pourra donc pas vous reprocher de dénigrer votre entreprise… du moment que cela reste dans les limites de la loi : pas d’injure publique, pas de diffamation, pas d’incitation à la haine et pas de discrimination. Eventuellement, pas de divulgation de secret professionnel.
Ce qui ne règle pas tout, loin de là. Il se peut très bien que votre employeur vous licencie pour quelque chose qu’il a lu sur votre page Facebook ou sur votre fil Twitter, mais qu’il ne vous le dise pas. « Les salariés doivent être très vigilants quand ils s’expriment sur leurs pages », admet Thibault Grouas, consultant au Forum des droits sur l’Internet (FDI).
Y a-t-il un vide juridique concernant les réseaux sociaux ?
Quel que soit le thème, il n’y a jamais vraiment de vide juridique. Les réseaux sociaux soulèvent les problématiques classiques de vie privée et de liberté d’expression. La nouveauté réside dans le fait de pouvoir agir sur la confidentialité de son profil. Si votre page est en accès libre, ce que vous publiez appartient à la sphère publique. C’est comme si vous vous exprimiez devant tout le monde.
La situation est plus ambiguë si votre profil est verrouillé. En effet, tout dépend du nombre de gens qui ont accès à vos informations. Correspondre avec une quinzaine d’« amis » Facebook, ce n’est pas la même chose que le faire avec un millier. « Dans ce dernier cas, cela relève d’un régime atténué de la correspondance privée, estime Thibault Grouas, du FDI. C’est plus flou. En fait, en cas de litige avec un employeur, les situations seront évaluées au cas par cas. »
Votre employeur viole-t-il votre vie privée en vous reprochant des infos trouvées sur votre page Facebook ?
Les salariés ont le droit à une correspondance privée depuis l’affaire Nikon, qui a créé cette jurisprudence en 2007. Cela s’applique aussi bien aux messages postés sur son lieu de travail qu’à ceux envoyés depuis son domicile. La question est en fait de savoir si les informations utilisées par l’employeur relèvent bien de la correspondance privée.
Ce qui n’est pas le cas si votre profil est ouvert à tout le monde, et pas forcément le cas non plus si votre page est verrouillée mais accessible à un très grand nombre d’internautes (voir plus haut). Ce qui est sûr, c’est que personne n’a le droit de pirater votre compte ni d’usurper l’identité de quelqu’un pour y avoir accès ! Facebook le précise d’ailleurs dans ses conditions d’utilisation : vous devez vous présenter sous votre véritable identité, avec votre vrai nom.
Un recruteur peut-il se servir de votre profil de réseau social dans un entretien d’embauche ?
Sachez-le : il n’est pas interdit de se renseigner sur quelqu’un en consultant sa page Facebook, ses vidéos YouTube ou ses tweets. « Tout dépend des moyens d’obtention d’une information », nuance Ronan Hardouin, juriste et rédacteur en chef de Juriscom.net.
Une entreprise n’a pas le droit de collecter ni de stocker des données sur la vie privée d’un candidat ou d’un salarié. Elle ne peut pas refuser d’embaucher quelqu’un sur la base de ses orientations politiques, sexuelles, religieuses ou philosophiques, y compris si elles ont été trouvées sur un profil de réseau social (autant d’informations que Facebook permet de renseigner et d’afficher). C’est interdit par le Code du travail. Seulement voilà : « En pratique, il sera très difficile (et onéreux) de prouver que tel ou tel recruteur a utilisé les réseaux sociaux pour disqualifier un candidat », note Ronan Hardouin.
Tous les réseaux sociaux répondent-ils aux mêmes règles ?
On peut faire le distinguo entre Facebook, réseau généraliste, et des sites comme LinkedIn ou Viadeo, dédiés à la vie professionnelle. Sur ce dernier type de réseaux, une entreprise a le droit d’utiliser des informations, car elles sont justement publiées pour ça : se présenter à des professionnels, à des recruteurs, à des collaborateurs, à des clients, à des prospects, etc. Il n’y a pas d’ambiguïté. Encore faut-il que l’utilisation du site reste loyale (pas de fausse identité, pas de piratage, etc.) !
Une entreprise peut-elle être votre « amie » sur Facebook ?
Oui. Et non. Oui, si l’entreprise se présente comme telle. Ensuite, à vous de gérer la situation. Non, si l’entreprise avance masquée, se présentant sous une fausse identité dans le but de vous espionner, puis d’utiliser des informations contre vous. Il n’existe pas de cadre légal explicite sur Facebook en France, mais les règles existantes peuvent faire l’affaire.
En revanche, en Allemagne, le ministre de l’Intérieur a déposé un projet de loi interdisant aux entreprises d’utiliser les réseaux sociaux généralistes comme Facebook ou Twitter. Mais encore une fois, difficile de vérifier qu’un recruteur n’a pas dit « Non » à un candidat après avoir lu un statut Facebook qui lui a déplu.
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