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Voici Fab 18, l’usine la plus perfectionnée du monde qui construit les puces des futurs iPhone

La gigafab de TSMC appelée Fab18 est le seul site industriel au monde à être capable de graver les puces en 3 nm. Un site unique, fermé à tous, dont la simple visite des alentours permet de mesurer la puissance de TSMC. Et l’importance de Taïwan en matière de production de semi-conducteurs.

Il y a lire et croire, et il y a aller et voir. Si nous sommes allés à la hussarde dans le sud de Taïwan pour découvrir le site de Fab 18, c’était sans aucun espoir de rentrer dans l’usine ou de découvrir un quelconque secret de ce site. Mais, c’était pour simplement prendre la mesure d’un mot qui anime le monde des semi-conducteurs et qui résume, à lui tout seul, la puissance du Taïwanais TSMC dans le milieu des semi-conducteurs : Gigafab.

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Dans le train express (Shinkansen) entre Taipei et Tainan. © Adrian BRANCO / 01net.com
Dans le train express (Shinkansen) entre Taipei et Tainan. © Adrian BRANCO / 01net.com

Sis à Taïnan, à deux heures de train express – un beau Shinkansen japonais – et une bonne demi-heure de voiture de la gare centrale de Taipei, la Fab 18 n’est qu’une des pièces de la puissance de TSMC. Outre les autres Fab qui la jouxtent, TSMC possède bien d’autres sites : une majorité à Taïwan, et quelques sites moins importants en Chine ou aux Etats-Unis – même si dans ce dernier pays, TSMC est en train de construire une fab de pointe.

Construite à partir de 2018, Fab18 est pour l'heure le joyau de TSMC, la seule usine au monde capable de produire des puces en 3 nm. © Adrian BRANCO / 01net.com
Construite à partir de 2018, Fab18 est pour l’heure le joyau de TSMC, la seule usine au monde capable de produire des puces en 3 nm. © Adrian BRANCO / 01net.com

Mais, dans le portfolio de sites de TSMC, Fab 18 occupe, en ce milieu d’année 2023, une position particulière. De type Gigafab, l’usine est capable de lancer la production de plus 100 000 wafers par mois et fut le premier site de production de masse du 5 nm. Et TSMC a peaufiné ses méthodes de production pour faire évoluer le site en 3 nm. Il s’agit donc du seul endroit au monde capable, à l’heure actuelle, de produire des puces dans cette finesse de gravure.

Les bâtiments de la nouvelle Fab 18 sont flambants neufs... et tournent à plein régime en ce moment pour produire les puces des futurs iPhone 15. © Adrian BRANCO / 01net.com
Les bâtiments de la nouvelle Fab 18 sont flambants neufs… et tournent à plein régime en ce moment pour produire les puces des futurs iPhone 15. © Adrian BRANCO / 01net.com

Si vous suivez un peu la bataille perpétuelle des semi-conducteurs, vous savez sans doute que la finesse des circuits électronique est le nerf de la guerre : plus ils sont fins, plus on en entasse, et moins on consomme d’énergie. Et des géants comme Apple l’ont bien compris : ce dernier a réservé 90% des volumes de production de l’usine, ne laissant que quelques miettes à la concurrence. Une concurrence qui reste de toute façon prudente : le node 3 nm est le plus cher de l’histoire des semi-conducteurs avec un tarif d’environ 20 000 $ par wafer. Des galettes de silicium de pointe qui naissent loin des villes, au beau milieu des champs du sud-ouest de Taïwan.

Un géant au milieu des champs

En plus des défis que représentent la chaleur et l'humidité de cette île tropicale, les ingénieurs qui construisent ces usines doivent aussi les préparer au contexte sismique de Taïwan. © Adrian BRANCO / 01net.com
En plus des défis que représentent la chaleur et l’humidité de cette île tropicale, les ingénieurs qui construisent ces usines doivent aussi les préparer au contexte sismique de Taïwan. © Adrian BRANCO / 01net.com

Comme de nombreux sites industriels par le monde, le gigantisme des bâtiments impose une forte emprunte au sol peu compatible avec la pression immobilière des capitales – les prix de Taipei grimpent en flèche de manière continue depuis des années. C’est donc loin de Taipei, mais aussi de Hsinchu, parc historique de TSMC, que la Fab 18 est venue poser ses murs et a été construite sous la maîtrise d’œuvre d’un autre Taïwanais, Dacin Construction Co. Ltd. Ce Vinci local a, dans sa manche, aussi bien la construction de logements, d’hôpitaux, de bâtiments commerciaux que de sites industriels de pointe.

Et il ne faut pas se fier à l’apparente simplicité de ces gros cubes aux murs et toits parfaitement droits : le site est aussi épuré à l’extérieur qu’il est complexe à l’intérieur. Autant pour la production des puces en tant que telle que pour les contraintes extérieures à laquelle le site doit faire face. Outre l’humidité et la température élevée de la région de Tainan, il faut aussi ajouter les contraintes sismiques fortes de la région qui fut l’une des plus durement touchée par le séisme dit « de Meinong » en 2016. Placée sur une double zone de subduction – plaque des Philippines et plaque eurasienne qui passent, à tour de rôle, au-dessus de l’autre. Dans un tel contexte, l’intérieur des sites de production doit être paré, les machines placées sur des mécanismes qui absorbent les chocs et ondes (quand on grave aussi fin, on se voit contraint de jeter le wafer à la moindre vibration). Ce qui est un défi avec les énormes scanners (ou steppers en anglais) d’ASML, les seules machines au monde capable de réaliser la gravure EUV.

À lire aussi : Visitez avec nous l’usine d’Intel qui a (peut-être) produit votre processeur d’ordinateur (décembre 2022)

Cela, on le tient de notre visite de l’usine israélienne de Kyriat Gat, en Israël, et non pas de TSMC. Avec ses centaines de clients différents dont certains paranoïaques comme Apple, ce n’est pas le genre de la maison de faire visiter son site. D’ailleurs, pour la petite anecdote, les photos que vous voyez dans cet article – des murs extérieurs et des logos – nous ont valu de nous faire contrôler par les services de sécurité, alors que le site est visible sur Google Maps. Mais la culture du secret est à ce point chez TSMC que nous avons (rapidement) dû écourter notre séance photo.

Une fab ne vient jamais seule

La Fab 18 est construite dans le prolongement d'une précédente usine appelée Fab 14. Et tout autour de ce parc technologique, un écosystème de fournisseurs, de partenaires et de concurrents. © Adrian BRANCO / 01net.com
La Fab 18 est construite dans le prolongement d’une précédente usine appelée Fab 14. Et tout autour de ce parc technologique, un écosystème de fournisseurs, de partenaires et de concurrents. © Adrian BRANCO / 01net.com

Avec des côtés de l’usine dépassant le kilomètre et un site dédié à TSMC mesurant plusieurs kilomètres carrés, on mesure avec nos pieds les dizaines de milliards de dollars investis par le géant taïwanais. De part et d’autre des routes, on marche sur des trottoirs immaculés, ceints d’un gazon parfait – une horde de jardiniers s’activent à arroser, fleurir, entretenir le site. Alors que nous l’avons visité aux alentours de 13h – par 32°C et 90% d’humidité – nous avons vu régulièrement passer des camions de livraison de matériaux ou encore de substance, comme ce camion de l’entreprise française Air Liquide, un des géants des gaz industriels.

Et sur le chemin de l’aller et du retour autant qu’en naviguant avec Google Maps, on mesure le poids direct et indirect d’un tel site : en plus du site de TSMC, ce sont une horde de fournisseurs, sous-traitants, restaurants, sites de stockages ou encore des concurrents ou industriels de la même veine (production de panneaux LCD, etc.) que l’on croise. Faisant de cette zone du nord de Tainan un point focal majeur des briques technologiques qui composent les productions électroniques que nous achetons et utilisons au quotidien.

It’s the ecosystem, stupid

Circulant en permanence, de petits bus avec des pancartes en façade. Ici, il s'agit d'un bus d'Applied Materials, un des plus grands équipementiers du monde des semi-conducteurs et un des fournisseurs majeurs de TSMC. © Adrian BRANCO / 01net.com
Circulant en permanence, de petits bus avec des pancartes en façade. Ici, il s’agit d’un bus d’Applied Materials, un des plus grands équipementiers du monde des semi-conducteurs et un des fournisseurs majeurs de TSMC. © Adrian BRANCO / 01net.com

Après avoir sué et usé nos chaussures – sans trop se rapprocher à nouveau des gardes de sécurité de l’entrée du site – le bilan de cette visite extérieure est que ce n’est qu’en allant se mesurer aux dimensions de ces gigafabs que l’on peut mesurer « physiquement » le poids de TSMC dans le monde des puces. Alors que l’Europe, les Etats-Unis, mais aussi la Chine et le Japon accélèrent leurs plans de sites de production de puces pour rattraper Taïwan et la Corée du Sud, nous avons pu mesurer un peu l’ampleur de la tâche.

Ces gigantesques sites doivent être remplis de milliers d’ouvriers, techniciens et ingénieurs formés. Les infrastructures externes doivent être de grande capacité. Pour limiter les coûts, le site doit être loin des centres-villes afin de garantir un prix des sols (et les salaires) plus modérés. Et de tels titans de la production ne peuvent vraiment voir le jour qu’au sein d’un écosystème de fournisseurs, concurrents et partenaires, tous agglomérés en un écosystème, où tout est à portée de main. Des composés chimiques jusqu’à la précieuse eau, incontournable dans le domaine de la production des semi-conducteurs.

Une des entrées de la Fab 18 de TSMC à Tainan, Taïwan. © Adrian BRANCO / 01net.com
Une des entrées de la Fab 18 de TSMC à Tainan, Taïwan. © Adrian BRANCO / 01net.com

Il ne suffira donc pas de mettre l’argent sur la table pour construire ces titans à plusieurs dizaines de milliards de dollars, il faudra d’autres dizaines, voire centaines de milliards pour mettre sur pied des zones industrielles ou consolider des écosystèmes existants (comme à Grenoble, sur le site de Crolles appartenant à ST Micro). Et il faudra le faire avec en face de nous, des titans comme Samsung et TSMC. Et pour avoir vu de près les réalisations de ce dernier, autant en visitant les abords de ces usines qu’en utilisant des appareils qui sont propulsés avec les puces qui en sortent, on est en droit de se dire que la bataille de la réindustrialisation des semi-conducteurs est loin d’être gagnée. Et que Taïwan a le savoir-faire pour rester devant pendant un bon moment.

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