Vivendi Universal, c’est fait ! Menée tambour battant, la fusion entre Vivendi (Havas, Cegetel, VivendiNet), Canal+ et Seagram (Universal) a été réalisée en moins de six mois, faisant ainsi du nouvel ensemble le numéro deux mondial de la communication.“Avec panache et bravoure, Vivendi Universal est prêt à affronter les géants Disney et AOL Time Warner”, se réjouit Pierre Lescure, président de Canal+ et membre du comité exécutif de Vivendi Universal.
L’Internet mobile comme nouvel eldorado ?
Au-delà de l’effervescence de ces dernières semaines, le nouveau titan tiendra-t-il la distance ? Autant ses atouts dans le domaine de l’audiovisuel, de la musique, du cinéma – si les coûts ne dérivent pas trop – ou de l’édition avec le groupe Havas (auquel 01 Réseaux appartient) sont solides, autant ses positions dans l’Internet et les télécommunications sont encore fragiles. Bien pourvu en termes de contenus, Vivendi Universal doit désormais gagner la bataille de l’accès et, surtout, de l’audience.Pour cela, le groupe fait un pari aussi audacieux que risqué : celui de l’Internet mobile. Il s’est allié, dans cette perspective, au britannique Vodafone, numéro deux mondial du cellulaire, pour lancer, en juin dernier, son fameux portail multi-accès Vizzavi, qui a encore tout à prouver (à peine quelques dizaines de milliers d’utilisateurs chez SFR), même si le concept est séduisant.Avec un potentiel de quatre-vingts millions d’abonnés en Europe – si l’on cumule ceux de Vodafone, de SFR et de Canal+ -, Vizzavi devrait constituer un formidable débouché pour les contenus de Vivendi Universal. “Mais le problème des spécialistes des contenus, c’est que leur audience est faible”, pointe Nicolas Dufourcq, président de Wanadoo, deuxième dans l’accès à Internet en Europe avec 2,8 millions d’abonnés. Sur ce point, Vivendi Universal est théoriquement déshabillé avec sa sortie programmée d’AOL France (environ 700 000 abonnés contre 1,5 million pour Wanadoo dans l’Hexagone) et avec l’absence de bases installées au niveau mondial, alors qu’AOL compte plus de 25 millions d’abonnés ; et Time Warner, 12,6 millions de foyers raccordés à ses réseaux câblés.“Nous ne recherchons pas le choc frontal avec AOL Time Warner, rétorque Frank Boulben, directeur général de VivendiNet, la structure qui fédère les activités Internet du groupe, mais visons plutôt à nous développer dans les services (jeux, musique, cinéma, éducation, sport et transactionnel). En matière d’accès, le principal moteur d’acquisition de clients, ce seront les mobiles avec SFR ; pour le fixe, Cegetel aura une offre d’ISP sous la forme d’un kit de connexion [le lancement de Vizzavi par Cegetel sur le fixe est prévu pour mars 2001, NDLR]. “
La carte du numérique et de l’interactivité
Autre élément du dispositif : l’arrivée, au second semestre 2001, d’un nouveau décodeur ouvert à Internet (Net top box) pour les abonnés numériques de Canal+. Cette démarche devrait logiquement donner un coup de pouce à Vizzavi. “L’intérêt des bouquets de services numériques comme ceux de Canal, c’est l’interactivité “, insiste Frank Boulben. Reste à relever le défi de l’audience des différents sites ou portails du groupe, moins fréquentés que des ” poids lourds ” comme Voila, TF1 ou Yahoo! Une lacune que Vivendi Universal s’efforce de combler avec l’arrivée de nouveaux dirigeants comme Philippe Bismut, qui pilote depuis six mois le pôle Internet de Canal+.Quant au financement d’Internet par la publicité, ce modèle semble avoir vécu. Il y a donc tout intérêt à se tourner vers les services payants (” ou premiums “), pour lesquels on ne sait pas très bien – notamment dans la perspective de l’UMTS – comment on parviendra à attirer, puis à retenir, le consommateur. Il y a sans doute là une belle carte à jouer dans le contrôle d’accès, compte tenu du savoir-faire de Canal+ (système Mediaguard). Dans ce contexte, Cegetel, filiale télécoms dont Vivendi Universal détient 44 %, cherche à se positionner. Créée il y a un peu plus de quatre ans, cette société a un parcours décevant. Incontestable numéro deux du téléphone tricolore, Cegetel – malgré 2,3 millions de lignes utilisant les services longue distance du ” 7 ” – a du mal à décoller dans le fixe. Il est également largement handicapé par son absence du marché de la boucle locale, où France Télécom donne énormément de fil à retordre à ses concurrents et, en particulier, avec l’arrivée du dégroupage et de l’ADSL, véritable parcours du combattant pour les nouveaux entrants.“Il faut que Cegetel se développe dans les services et les accès hauts débits”, insiste-t-on chez Vivendi Universal, où l’on dément tout infléchissement de la stratégie en matière de télécommunications. “Ce qui compte, c’est d’améliorer nos marges, sachant que les prix pratiqués en France sont les plus bas d’Europe”, reconnaît Frank Esser, le nouveau directeur général de Cegetel, qui entend privilégier les produits et services les plus rentables (“On ne va pas dépenser des centaines de millions de francs pour faire de l’Internet… gratuit”, dit-il encore). Autre chantier : la collaboration avec Canal+ dans les hauts débits, avec des projets d’offres packagées (contenus et accès) autour de l’Internet rapide.Quant au fameux fichier des abonnés à Canal+, désormais propriété de Vivendi Universal, “il n’y aura pas de Grand Soir”, promet Frank Boulben, mais une utilisation sélective.
SFR : l’ombre de Vodafone
Reste SFR (filiale à 80 % de Cegetel), la véritable ” pépite ” du pôle télécommunications, avec son cash-flow et ses dix millions d’abonnés au cellulaire. Bien que sa part de marché cumulée (35 % en septembre dernier) soit régulièrement grignotée au profit de Bouygues Telecom, SFR est valorisé près de 200 milliards de francs, ce qui en fait une belle affaire, qui plus est dans un contexte où les marchés financiers encouragent Vivendi Universal à poursuivre le désendettement de son pôle environnement… Vodafone – qui détient 20 % de SFR – veille au grain. Également actionnaire de Cegetel à hauteur de 15 % et associé dans Vizzavi, l’opérateur britannique est devenu un interlocuteur incontournable pour Vivendi Universal. Un interlocuteur dont le groupe a bien conscience qu’il ne faudrait pas qu’il devienne un jour trop gourmand. Un peu à l’instar du même Vodafone qui, il y a dix-huit mois, jetait soudainement son dévolu sur Mannesmann pour finalement n’en faire qu’une bouchée.“No risk, no fun”, relativise-t-on chez Cegetel…
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