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Vers une redistribution des cartes (à puce) après la crise

Oberthur Card Systems, qui a traversé 2001 sans dégât majeur, s’attend à affronter des acteurs venus des semi-conducteurs. Une nouvelle donne dont le groupe compte bien tirer profit.

Bilan en demi-teinte. Oberthur Card Systems a annoncé vendredi 5 avril un chiffre d’affaires en hausse de 7,3 % (484 millions d’euros), pour une perte nette de 21,7 millions d’euros en 2001. Des chiffres qui clôturent une année sinistrée dans le domaine de la carte à puce et particulièrement éprouvante pour les concurrents d’Oberthur.Dans son étude annuelle sur les tendances du marché de la carte à puce, Schlumberger Sema souligne qu’il s’agit de “la première crise majeure de cette industrie”. En pleine tourmente, le leader du secteur, Gemplus, ne semble pas en mesure de contredire cette affirmation. Avec des pertes de 154 millions d’euros l’an dernier, contre 127 millions de bénéfice en 2000, la société a dû licencier 15 % de son personnel, soit 1 000 salariés. Un plan social dont l’onde de choc a provoqué la chute des deux dirigeants, notamment l’historique Marc Lassus, et qui a entraîné les directeurs financier et scientifique vers la sortie. Pointée du doigt : la déconfiture du marché des télécoms.

Péril SIM et atout banque

Les deux tiers des revenus de Gemplus et la moitié de ceux de Schlumberger Sema proviennent, en effet, des cartes SIM. La dépendance est moindre ?” le tiers de ses revenus tout de même ?” pour Oberthur Card Systems. “Nous sommes en surproduction, reconnaît Thomas Savare, directeur général de l’entreprise, mais nous ne vivons rien d’ingérable”.Et de préciser que, contrairement à ses concurrents, la société a su se retenir d’investir à outrance dans le domaine. Tout en mordant à pleines dents dans leurs parts de marché. “Nous avons commencé l’année dernière avec 10 % pour la carte SIM et nous dépassons actuellement les 13 %”, note Thomas Savare, qui vise 25 % du marché “d’ici à trois ou quatre ans” : “Nous sommes sous-estimés par rapport à la qualité de nos produits “, estime-t-il, ajoutant que certains marchés, comme l’Amérique du Sud, pourraient connaître un prochain envol.Si le challenger a plié, il n’a pas rompu. L’entreprise dispose d’un fort relais de croissance sur la carte bancaire. Un marché qui représente 40 % de son chiffre d’affaires et sur lequel il est leader mondial selon le Crédit Suisse First Boston. Jean-Pierre Savare, président du groupe François Charles Oberthur, maison mère d’Oberthur Card Systems, et père de Thomas y voit la juste récompense d’une politique raisonnée. “Nous avons fait des choix, nous “, s’exclame-t-il en opposant la stratégie de la “famille Savare” à celle de Marc Lassus, le créateur de Gemplus. “Nous avons sacrifié des pans entiers de la carte parce que nous n’estimions pas rentables : notre vocation n’est pas de remplacer le CNRS !” Son groupe ne cherche pas à réaliser “des Formule 1 de la carte, mais des tout-terrain”, précise-t-il.Le choix d’investir le milieu bancaire repose sur les épaules de l’infatigable PDG. En voyage aux États-Unis, en 1987, il constate que dans les hôtels, la carte remplace inexorablement les chèques de voyage, un produit fabriqué par son groupe. “Je me suis dit : on évolue, ou on est foutus !” En trois ans, la société a conquis 65 % du marché de la carte bancaire, cartes à puce et cartes magnétiques confondues.

Pass et cartes d’identité

L’avantage majeur du groupe François Charles Oberthur ? Son activité tricéphale : fiduciaire (impression de billets de banque), de loterie (il est leader mondial) et les cartes à puce. “Quand l’un des secteurs va mal, les autres équilibrent les comptes.” L’activité fiduciaire est, en effet, relativement indépendante de la conjoncture économique. “Et lorsque la carte à puce chancelle, nous sommes sauvés par notre activité loterie, se réjouit Jean-Pierre Savare, car quand le Français est en crise, il demande des jeux !”S’il n’envisage pas de diversification supplémentaire, le président du groupe Oberthur estime que “le secteur de la carte pourrait connaître des bouleversements importants dans les 18 mois à venir. Je ne crois pas beaucoup à l’UMTS pour 2006, mais le combiné contact-sans contact [lire aussi p. 36] pour le transport et la carte d’identité électronique pourraient devenir des marchés importants.”Mais, surtout, le sexagénaire estime que la carte à puce devient de plus en plus complexe. “Je suis frappé par le parallèle qui existe entre la carte à puce et la micro-informatique “, note cet homme qui dit avoir longtemps fait, “comme M. Jourdain, de l’informatique sans le savoir “. Son argument : l’augmentation exponentielle des possibilités de la puce et la séparation inexorable entre spécialistes du matériel et des logiciels. “Pour nous et nos concurrents, faire de la R & D chacun de son côté va devenir impossible “, avance-t-il. Le nouveau souffle ? Il voit bien les acteurs des semi-conducteurs, également chahutés l’an passé, mettre leur nez sur ce marché. Soit en partageant la recherche et développement, soit par association avec des acteurs existants. Après la crise, cet entrepreneur prédit donc une profonde restructuration du secteur.

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Agathe Remoué