L’arrivée des nouvelles technologies de l’information a provoqué un électrochoc pour les trois géants de l’édition professionnelle européenne : Reed Elsevier, Wolters Kluwer et VNU. Aujourd’hui, ils évoluent dans un climat de restructuration permanente. Actionnant toutes les manettes à leur disposition, ils annoncent pêle-mêle, depuis plusieurs années, plans sociaux, programmes d’acquisitions ou de cessions d’activités, pour se mettre au diapason de la nouvelle économie. Reed Elsevier s’est singularisé avec son plan d’investissement et de restructuration portant sur 750 millions d’euros (près de 5 milliards de francs) et la suppression de 1 500 emplois. Mis en place début 2000, il a permis à l’entreprise de réaliser une économie de 235 millions d’euros sur l’année.
L’éditeur ne s’arrêtera pas là. Il est décidé à se délester des activités sortant de son c?”ur de métier, articulé autour de quatre pôles : éditions scientifiques et médicales, publications juridiques, pôle éducatif et presse professionnelle. Reed Elsevier est d’ailleurs à la recherche d’un acquéreur pour ses activités de formation. Sa filiale OAG, qui propose des services liés aux voyages, pourrait être également répudiée. Des réajustements sont aussi possibles, notamment dans le pôle médical, où les affaires se sont tassées en 2000, ou dans les éditions juridiques, à l’origine de la chute libre du résultat opérationnel l’an dernier.Mais ce régime, nécessaire après deux années de baisse des bénéfices, n’a pas entravé les appétits de croissance externe du groupe. Reed Elsevier a procédé à une cinquantaine d’acquisitions l’an dernier, dont deux belles prises : Harcourt General, gros éditeur américain (toujours en observation, a priori jusqu’en juin, par les autorités américaines et britanniques de la concurrence), et l’organisateur de salons, Miller Freeman Europe.À l’inverse, Wolters Kluwer ne s’est pas encore illustré par une opération d’envergure, comme s’il s’était rendu compte, un peu tard, que la fusion maintes fois évoquées avec Reed Elsevier n’aurait finalement pas lieu. Ainsi, ce n’est qu’en mars 2000 que l’éditeur a enclenché la vitesse supérieure dans l’information électronique. Outre l’annonce d’un investissement de 250 millions d’euros sur trois ans, Wolters Kluwer a procédé à un audit de ses activités pour améliorer sa rentabilité qui s’effrite et il a décidé la cession de son pôle formation, une opération aujourd’hui achevée. Le nettoyage va continuer : sept ou huit implantations sont visées, notamment sur le pôle européen juridique et fiscal dont le résultat opérationnel a chuté de 18 % l’an dernier. D’où les suppressions d’emplois prévues, qui devraient toucher la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Décapante en interne, la stratégie de Wolters Kluwer manque un peu de panache à l’extérieur. Le groupe s’est jusqu’à présent borné à collectionner des acquisitions, certes nombreuses (37 en 2000) mais plutôt modestes. “Question de conjoncture “, précise en substance la direction du groupe qui ne serait pas opposée à une acquisition ” respectable “.Un problème déjà résolu chez le numéro 3 de l’édition néerlandaise VNU, qui a mis la main sur l’institut d’études américain AC Nielsen pour 2,3 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros environ). Mais le jeu en valait la chandelle : ce faisant, VNU est devenu une des pointures mondiales de la mesure d’audience sur internet. Intervenue à la fin 2000, cette opération a conclu une période de trois ans où la taille du groupe n’a cessé de jouer de l’accordéon. En effet, après une période intensive d’acquisitions, en 1998 et 1999, et avant le rachat d’AC Nielsen, VNU avait dû faire des choix stratégiques et se délester de pans entiers d’activités. Deux secteurs ont été sacrifiés sur l’autel des nouvelles technologies : la presse grand public et le pôle éducation. L’épurement du groupe a commencé en mars 2000 avec la cession d’une large gamme de quotidiens régionaux néerlandais à l’éditeur Wegener (par ailleurs attendu dans l’Hexagone). Puis s’est confirmé avec l’annonce en décembre de la cession de toute sa presse magazine, soit une cinquantaine de titres. Cette opération devrait se boucler dans les semaines à venir. Quant au pôle éducation, il est sur le point d’être acquis par l’éditeur britannique 3 i.Mais cette profonde restructuration n’a pas anesthésié les velléités de croissance externe de VNU, qui a dépensé 3,55 milliards d’euros en 2000 pour mener à bien plusieurs grosses acquisitions : l’organisateur de salons américain Miller Freeman pour 650 millions d’euros ?” Reed Elsevier a récupéré ses opérations Europe ?” puis les 10 titres européens du groupe de presse américain Ziff Davis, l’éditeur hongrois EKH, et enfin AC Nielsen. Les grands de l’édition doivent digérer ces chambardements. Leur situation financière a fini par se dégrader, d’où l’actuel statu quo sur le terrain de la croissance externe. La compétition ne sen annonce que plus féroce dans les duels en vue.
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