Passer au contenu

Vers la reconnaissance juridique du courrier électronique

Aujourd’hui, le courrier électronique n’a pas de véritable statut juridique L’adoption d’une loi modifiant le droit de la preuve et réglementant la signature électronique pourrait faire évoluer cette situation

Directive européenne sur la signature électronique, discussion prochaine d’un projet de loi adaptant le droit de la preuve aux nouvelles technologies de l’information et notamment à la signature électronique, les actions destinées à encadrer le développement du commerce électronique se multiplient. Dans tous les cas, c’est le courrier électronique et son régime qui sont appelés à évoluer. “La valeur juridique du courrier électronique est liée au problème de la preuve apportée par un e-mail et à celle de la signature électronique, commente Marine Janiaud, juriste à l’Association des fournisseurs d’accès et de services Internet (AFA). Et la question de la signature électronique est, elle-même, liée au chiffrement, dont le régime évolue vers une plus grande libéralisation.”Et de rappeler quelques principes : un e-mail ne peut produire que de l’imprimé, qui n’a pas la même valeur que l’écrit. Or, pour prouver des engagements supérieurs à 5 000 F le régime français de la preuve repose sur l’écrit (article 1341 du code civil). De ce fait, le courrier électronique n’apporte, au mieux, qu’un commencement de preuve, sauf dans le cadre des contrats commerciaux, où la preuve est libre. “Aujourd’hui, un e-mail n’a de valeur que celle accordée par les parties. C’est surtout vrai dans le cadre des échanges commerciaux “, reprend Cyril Tisserand, responsable juridique de World Online. Sur les sites commerciaux, l’engagement du client peut être reçu par e-mail, ce qui en renforce la valeur probatoire.

Une loi pour reconna”tre l’e-mail

Pour renforcer le poids juridique d’un e-mail, un projet de loi du 1er septembre 1999 “portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relatif à la signature électronique “, a été présenté en Conseil des ministres et transmis au Sénat. Il devrait être discuté courant février. Ce texte, qui modifie le code civil, anticipe la transposition au droit français de la directive européenne sur la signature électronique, tout en prônant une évolution par étapes.
La première vise à la reconnaissance de la valeur juridique du document numérique, liée à une redéfinition de la preuve par écrit, qui serait désormais indépendante du support. Le texte donne la même force probante au document numérique signé qu’au document écrit signé. La seconde étape concerne a redéfinition de la notion de signature. “Ce texte reconna”t expressément une valeur probante à l’écrit et à la signature sous forme électronique, rappelle Éric Caprioli, avocat au barreau de Nice et professeur associé au groupe Edhec et à l’université de Sophia-Antipolis, dans un article publié sur Juriscom. net. Désormais, on ne devrait plus faire de distinguo entre les supports de l’écrit et ses modalités de transmission. L’écrit électronique associé à un paraphe électronique sera admis en tant que preuve, au même titre qu’un écrit sur support papier, à condition que l’identité de la personne dont il émane soit assurée et que son intégrité soit garantie. ” D’où le besoin de recourir au chiffrement. Il reste aussi à définir un cadre pour les e-mails privés pouvant être amenés à servir de preuve dans un cadre professionnel. “La valeur d’un e-mail dépend de la politique en vigueur dans l’entreprise, rappelle Isabelle Teillier, du cabinet Alain Bensoussan Avocats. Mais il ne peut y avoir de surveillance des salariés à leur insu. Elle doit se faire en plein accord avec les instances représentatives de l’entreprise.”

Quelques mois de patience

Dans le projet de loi, la signature est définie comme “l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache “. Il institue une présomption de fiabilité pour les signatures électroniques respectant des dispositions fixées par décret du Conseil d’État qui fixera les conditions de fiabilité technique du procédé utilisé et régira un système d’accréditation volontaire des autorités de certification, identique à celui des tiers de confiance. “Reste que la reconnaissance de la valeur d’un e-mail dépend du consensus qui pourrait voir le jour au Parlement, observe Thaima Samman, avocat chez August &Debouzy. De plus, les États auront dix-huit mois pour transposer dans leur droit national les principes de la directive.”Le procès Microsoft l’a montré, le courrier électronique peut se retrouver au centre de démêlés judiciaires. Il est temps de lui donner le statut juridique qui lui revient. La suspicion que suscitent les systèmes de sécurité doit être relativisée. De tout temps, les signatures manuscrites ont été contrefaites…

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


PIERRE BOUVIER