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Vélos très technologiques

Lyon, Toulouse, Séville, Dublin, Brisbane… JCDecaux déploie son système de location de vélos dans 65 villes à travers le monde. Le plus vaste d’entre eux ? Paris pardi !

Un système de vélo en libre-service… Lorsque JCDecaux lance Vélo’v à Lyon, en 2005, l’industriel français, spécialisé dans la publicité et le mobilier urbain n’en est pas à son coup d’essai. Mais jamais ce concept n’a été appliqué à une si grande échelle. L’idée séduit de nombreuses villes, à commencer par Paris, qui veut elle aussi son vélo. Ce sera Vélib’, lancé le 15 juillet 2007. Il s’agit, et de loin, du plus important système de vélos en libre-service au monde : 20 000 vélos (fabriqués en Hongrie) sont répartis sur les 1 620 stations du réseau, éloignées de 300 m les unes des autres. C’est cinq fois plus qu’à Lyon ! Plusieurs serveurs, dont certains en redondance chaude, assurent le fonctionnement du dispositif. Chacun d’entre eux est capable de supporter une charge correspondant à un million de mouvements par jour. C’est largement plus que nécessaire, même si les chiffres de location restent impressionnants. Ainsi, lors des plus belles journées, plus de 100 000 vélos sont empruntés. Certains ne supporteront pas le traitement que leur infligent les utilisateurs peu soigneux. Chaque semaine, 1 000 vélos sont envoyés vers les ateliers de réparation pour y être bichonnés par les 90 mécaniciens de Cyclocity, la filiale de JCDecaux chargée de l’exploitation de Vélib’.

Vélo’v, le vélo du grand Lyon

JCDecaux avait déjà équipé plusieurs villes européennes, comme Vienne, en 2003, ou Cordoue, mais le dispositif ne comptait que quelques centaines de vélos disponibles pour les abonnés. En 2005, l’entreprise change d’échelle et de technologie avec Vélo’v : les bornes des stations intègrent un système de paiement par carte bancaire, qui offre la possibilité de louer le vélo pour une courte durée, et sans abonnement. Le vélo lyonnais est aussi celui qui embarque le plus de composants électroniques. Contrairement aux vélos parisiens, le guidon intègre une carte électronique capable d’analyser le fonctionnement du vélo (kilomètres parcourus, distance entre deux stations, détection du freinage, surveillance des lampes…). Ces données ont servi à élaborer des statistiques d’utilisation et à optimiser la maintenance. Le réseau Vélo’v compte 4 000 vélos répartis sur 343 stations.

Des composants éprouvés

Comme toute l’électronique intégrée aux bornes (points de location) et aux vélos, la carte électronique de la bornette (point d’attache du vélo) est développée en interne. Les PC intégrés aux bornes de location fonctionnent sous Windows XP et sont équipés en processeurs celeron. Ces derniers devraient être remplacés progressivement par des Atom. La carte mère intègre 10 ports série qui alimentent tous les périphériques (imprimante, lecteur de cartes, modem…). À l’usage, la liaison série a été jugée plus fiable que l’USB. Le PC embarque un disque dur, mais des tests sont en cours pour le remplacer par une carte compact Flash de 4 Go, moins sensible aux vibrations. Une entrée d’air et un système de ventilation permettent de réguler la température, celle-ci pouvant atteindre 65°C en été. La borne intègre aussi un radiateur qui maintient une température positive durant les périodes de grand froid. Les composants sont testés en étuve et portés à des températures allant de ? 40 à + 80°C durant plusieurs semaines avant d’être validés.

Le bureau d’études électronique

Le bureau d’études compte 35 personnes. Une équipe est dédiée au développement des logiciels présents dans les bornes et intégrés aux vélos. Un pôle de qualification des composants est en charge des tests de fiabilité. Le pôle électronique hardware conçoit l’ensemble des cartes électroniques. Les systèmes (Vélo’v, Vélib’…) sont améliorés en permanence pour tenir compte des demandes de la filiale Cyclocity et pour conserver une longueur d’avance sur la concurrence ? notamment Clear Channel, qui propose un système équivalent dans quelques grandes villes, comme Oslo ou Barcelone.

Les tests de freinage

La norme de sécurité pour le freinage d’un vélo est draconienne. Elle prévoit qu’une charge de 100 kg (le vélo et son utilisateur), lancée à 25 km/h, doit s’arrêter en 7 m maximum sur sol sec. Jusqu’à présent, c’est le mécanicien qui, par son expérience, estimait l’efficacité du freinage. Le bureau d’études a développé un banc de tests automatisé, basé sur ceux que l’on rencontre dans les centres de contrôle techniques automobiles. La platine intègre un moteur électrique, couplé à un dispositif qui calcule la vitesse de rotation du rouleau. Le système évalue l’efficacité du freinage des roues avant et arrière en moins d’une minute. Le banc est en préexploitation à Lyon ; lorsqu’il sera validé, il sera déployé sur tous les sites.

Les plans de conception

Ce classeur de plusieurs centaines de pages regroupe les plans correspondant à chacune des pièces qui composent la borne Vélib’. Ces documents permettent au fabricant de réaliser chaque pièce. Les plans indiquent aussi bien les cotes, que le type de matériau ou les indications de peinture qui entrent dans sa composition. Moins de quatre mois ont suffi aux ingénieurs du bureau d’études pour réaliser une borne opérationnelle à partir de l’objet 3D imaginé par Patrick Jouin. Malgré toutes leurs précautions, il arrive que de petits détails échappent à leur attention. Ainsi, se sont-ils rendu compte que le plan de quartier en papier figurant sur chaque borne s’avérait difficile d’accès en cas de maintenance. Ce petit défaut d’ergonomie a été corrigé depuis.

Du design à la CAO

C’est le designer Patrick Jouin qui a imaginé tous les éléments du projet Vélib’, depuis le vélo jusqu’à la borne présentée ici en 3D. Son équipe a réalisé la forme extérieure de l’objet et transmis le fichier 3D au bureau d’études de JCDecaux. Les ingénieurs ont alors intégré à l’objet les différents éléments fonctionnels : lecteur de carte, trappe d’accès ou système d’attache au sol. Ils ont aussi réalisé l’agencement intérieur de la bornette, en déterminant la place précise de chaque composant. Sa modélisation est réalisée sur le logiciel Pro-engineer de PTC, un outil de CAO intégrant des fonctions de calcul et de simulation en temps réel. Tout changement susceptible de modifier l’apparence extérieure de l’objet, telle la taille de la trappe d’aération, fait l’objet de discussions avec le designer. Le fichier numérique de chaque pièce est ensuite envoyé au fondeur. Il permettra la fabrication automatisée des différents moules.

La régulation

C’est au siège de Cyclocity, à Cachan, qu’opèrent les superviseurs régulation. Ils surveillent l’état de remplissage des stations et orientent les camions de régulation qui sillonnent la capitale 24 h sur 24 pour répartir les vélos de manière homogène. En effet, les utilisateurs sont concentrés dans les arrondissements de la périphérie mais travaillent plus largement dans le centre de la capitale, et le long de la Seine. L’application Dynamo, développée en interne, récupère les données de la base Kiwi pour établir une cartographie de la répartition des vélos en temps réel. Les données étant mémorisées, il est possible de “ rejouer ” en accéléré les mouvements des vélos sur une journée, et d’établir des statistiques de flux pour optimiser l’itinéraire des camions de régulation. Le régulateur dispose également de l’application Masternaut pour localiser les camions via une liaison GPRS, et connaître leur état (en mouvement, en intervention, à l’arrêt moteur en marche…).

La location du vélo

La carte Vélib’ (ou le pass navigo) intègre une puce RFID. Pour l’activer, il suffit de l’approcher du PSC, le Pass sans contact de la borne. Contrairement au système Vélo’v, Vélib’ dispose aussi d’un lecteur de cartes sur chaque bornette. certaines stations ne comportent que des bornettes et sont réservées aux seuls abonnés longue durée. Dès qu’elle détecte une carte RFID, la borne ou la bornette interroge les serveurs Vélib’, situés à Plaisir et au Blanc-Mesnil, via une liaison GPRS, pour vérifier la validité de l’abonnement. Afin d’éviter qu’une panne de réseau ne paralyse les stations, JCDecaux a confié la gestion du réseau à Bouygues et SFR. Une fois que l’abonnement a été contrôlé, le vélo est libéré du point d’attache. Lorsque l’utilisateur le restitue, la bornette d’arrivée communique avec le transpondeur RFID intégré au vélo pour connaître le temps d’utilisation. Au-delà de 30 min, le client devra payer. La durée moyenne de location d’un vélo est de 22 min.

L’atelier de réparation de Cachan

Chaque semaine, environ 1 000 vélos rentrent dans les huit ateliers de réparation de Vélib’, dont celui de Cachan. Quatre fois plus de vélos, dont la réparation demande moins de 15 min (remplacement d’une chaîne, d’une selle, d’une chambre à air…), sont restaurés sur le terrain. Dès son arrivée, chaque vélo est placé devant la borne d’identification. La lecture de la puce RFID permet de lui attribuer une affectation en atelier pour éviter qu’il n’apparaisse comme manquant dans Kiwi, le logiciel de gestion des Vélib’. Puis un code lui est affecté en fonction du type d’intervention. Si la puce RFID n’est pas reconnue lors du contrôle, il faut la remplacer. Le nouveau transpondeur est programmé via un boîtier électronique, qui associe le code RFID au numéro du vélo, gravé sur le cadre.

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Philippe Fontaine