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Vania Joloboff (Groupe Silicomp) : ‘ L’informaticien doit apprendre le métier du client ‘

Vania Joloboff, d’une société grenobloise de solutions en technologie informatique, précise les moyens de conjurer l’éventuel déclin de la profession d’informaticien.

Formation tout au long de la vie et approfondissement de la connaissance du métier client. Pour l’entreprise iséroise Groupe Silicomp, qui se considère tantôt comme un ‘ équipementier
informatique ‘
, tantôt comme une SSTI (société de solutions en technologie informatique), l’avenir de l’informaticien français passe par une recherche obstinée de l’excellence technique et managériale. Condition sine qua non
pour ne pas être supplanté, sans scrupule excessif, par un exécutant moins cher. Et tout aussi performant.01 Informatique : Comment assurer, sur le long terme, l’employabilité de l’informaticien français ?Vania Joloboff : Il faut approfondir l’apprentissage métier du client et savoir valoriser ces compétences. Les informaticiens les plus facilement employables sont ceux qui ­ au-delà de leurs compétences en
informatique ­ auront une bonne connaissance du métier de l’entreprise dans laquelle, ou pour laquelle, ils travaillent.La formation vous paraît-elle bien adaptée en France ?Les lycées et les universités préparent généralement bien à l’approche scientifique. On y apprend, entre autres, à vérifier la concordance entre théorie et expérimentation, les bases à retenir, la maîtrise du processus
scientifique… Dans l’ensemble, c’est plutôt bien fait. Même chose pour les écoles d’ingénieurs. Dans des domaines aussi divers que l’autoformation et la veille technologique, on peut estimer que les outils fondamentaux sont bien enseignés. Ce
qui manque, en revanche, ce sont les formations à des techniques pointues ­ surtout celles à faible durée de vie. C’est un problème très difficile à résoudre. Prenez l’exemple du GSM. Il y a dix ans, on ne trouvait pas du tout de spécialistes.
Maintenant, il y en a plein, mais c’est un peu tard : le GSM, c’est bientôt terminé ! C’est le cas pour de nombreuses technologies : le temps de former les personnes à celles qui vont
‘ monter ‘, et c’est déjà fini.Pour aider les informaticiens à rester à niveau, faut-il alors les faire bénéficier d’un nombre d’heures de formation continue supérieures aux vingt heures annuelles prévues par la loi Fillon ?A n’en pas douter. Le volume d’heures prévues est trop faible. Surtout dans l’optique de ce que j’évoquais à l’instant : si l’on veut que les étudiants qui sortent de l’université aient non seulement de bonnes bases, mais aussi
la possibilité de s’approprier la maîtrise de technologies qui changent très vite, il faut prévoir davantage d’heures de formation continue.Faut-il également augmenter les crédits alloués à la recherche ?Je ne suis pas un fou de l’intervention étatique. Mais là, il y a urgence. D’abord, la fuite des cerveaux à bac + 8 se poursuit. Or, c’est de ceux-là que nous avons le plus besoin. Ensuite, dans nombre d’entreprises, le budget
alloué à la R&D est en diminution. Certes, c’est en partie conjoncturel. Mais il faut néanmoins être vigilant. Je suis donc partisan d’un soutien de la recherche. A une condition, toutefois : que celui-ci soit bien ciblé. Il faut continuer
d’aller dans le sens des transferts de technologies, de la coopération public-privé, etc. Et veiller à ce que les pouvoirs publics ne favorisent pas la R&D dans certains secteurs, aux dépens d’autres. Par exemple, ils accordent des aides
substantielles à la construction du ‘ dur ‘, c’est-à-dire des bâtiments, mais insuffisantes à la production, à la matière grise, au logiciel. Cela dit, il ne faut pas être catastrophiste : aux
Etats-Unis, la désaffection pour les filières scientifiques est encore plus forte qu’en France !Passons aux phénomènes géographiques. Observe-t-on des mouvements de population chez les informaticiens ?Je suis partagé sur la question. Les SSII peuvent créer des centres de développement en province. Mais cela n’augure pas automatiquement d’une amélioration de l’emploi en région, puisque l’on assiste par ailleurs à des suppressions
d’emplois. Disons simplement que l’emploi devrait, logiquement, se dégrader plutôt moins vite en province qu’en région parisienne. De là à parler de reprise des embauches dans les régions, cela me paraît prématuré. On est loin d’être passé à la
pratique.On parle d’offshore, mais aussi d’entreprises qui ont commencé à ‘ rapatrier ‘ des programmeurs : qu’en pensez-vous ?Plusieurs choses. D’abord, si l’on veut externaliser une tâche, il faut être capable de rédiger un cahier des charges. Or, un certain nombre de sociétés, ayant à gérer des urgences, n’ont ni le temps ni les moyens de le faire et
d’engager un processus d’outsourcing. Dans ce cas, l’assistance technique reste donc le seul moyen. Dans d’autres cas, l’externalisation est préférée à d’autres formules. Conclusion pratique pour les informaticiens : dans les entreprises, les
ingénieurs bac + 5 ne sont pas surqualifiés, bien au contraire. On recherchera surtout des ingénieurs bac + 8. Toutefois, on voit déjà que beaucoup d’entreprises utilisatrices seront amenées, à terme, à se séparer des développeurs ayant
des compétences bac + 2 ou bac + 4. Car ceux-là seront en compétition avec l’offshore.Pour résumer, êtes-vous optimiste ou pessimiste ?Ce qui est amené à disparaître ? Le métier d’informaticien programmeur à faible compétence métier. Ce qui est amené à progresser ? L’informaticien ayant une bonne maîtrise du métier dans lequel l’informatique est utilisée.
Autrement dit, même si la fonction informatique va tendre à se dissoudre dans les métiers, tout n’est pas perdu. En effet, pour appliquer l’informatique dans le champ du métier, il faudra toujours avoir une compétence pointue dans la technologie
exploitée par ce métier. Or, les hommes du métier, eux, ne l’auront pas. Donc, le rôle de l’informaticien restera essentiel.

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Pierre-Antoine Merlin