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Une nouvelle loi de Moore pour le transistor moléculaire ?

Si vous suivez l’actualité nanotechnologique, vous avez pu constater une accélération du rythme des annonces. Et, souvent, une convergence dans la finalité des recherches : mettre au point de nouveaux procédés destinés à pallier les limites bientôt atteintes par la gravure de silicium.

Pour concevoir les microprocesseurs du futur, la recherche se tourne naturellement vers de nouvelles solutions, et en particulier vers l’utilisation des plus petits éléments que nous sachions manipuler, les atomes et les molécules.Un peu plus de cinquante ans après avoir mis au point le premier transistor (1947), les laboratoires Bell surenchérissent en créant le premier ” transistor moléculaire “.Ce transistor organique se compose d’éléments de carbone, capables d’effectuer les mêmes tâches élémentaires qu’un transistor normal, c’est-à-dire amplifier un signal et aiguiller des informations. Le procédé mis au point par Bell Labs a permis de réaliser une sorte d’onduleur convertissant des ” 0 ” en ” 1 ” et inversement. Ce circuit d’un nouveau genre, environ un million de fois plus petit qu’un grain de sable, laisse entrevoir des possibilités infinies, ou presque.Chez Bell Labs, on imagine déjà qu’un composant moléculaire puisse avantageusement remplacer plusieurs milliers de transistors traditionnels, tout en prenant moins de place et en allant beaucoup plus vite. Et même si les applications commerciales du procédé mettront plus d’une décennie à nous parvenir, on parle déjà de facteurs 1000 pour quantifier les gains de puissance.Pourtant, si la nanotechnologie est bien la voie la plus prometteuse pour l’avenir de l’informatique, on peut se demander si elle correspond à ce qu’attendent les utilisateurs.Depuis bien longtemps maintenant, la fameuse loi de Moore impose son rythme de progression aux générations successives de processeurs. Une belle prédiction, d’abord technologique, puis marketing. Car le simple fait de pouvoir fabriquer des processeurs qui vont de plus en plus vite n’implique pas forcément de devoir le faire.Sous bien des aspects, cette loi est davantage un diktat imposé aux utilisateurs par les fabricants de processeurs, dont la finalité inavouée ?” mais facile à comprendre ?” est de faire acheter des ordinateurs, en réduisant leur durée de vie.Avec l’arrivée des transistors moléculaires, va-t-on voir s’imposer une nouvelle loi de Moore, prédisant que la puissance sera multipliée par cent ou par mille tous les dix-huit mois ? On peut le penser, et même le regretter.Car la vitesse n’est pas tout, surtout sur un ordinateur. Combien d’entre nous utilisent la totalité des capacités de leur microprocesseur ? Certes, si on prend l’analogie désormais classique entre l’informatique et l’automobile, on peut arguer qu’il n’est jamais mauvais de disposer d’une réserve de puissance, même si l’on n’est pas un fou du volant. Mais alors que les processeurs ont dépassé cette année le seuil du gigahertz, les chercheurs visent, avec les composants moléculaires, le terahertz. Est-ce bien nécessaire ?Du reste, si l’on veut poursuivre l’analogie, on peut s’inquiéter du fait que les ordinateurs d’aujourd’hui présentent des lacunes qui ne seraient pas acceptables sur des voitures. Prenez la sécurité, par exemple. Est-il normal de pouvoir recevoir un e-mail anonyme, abritant un programme capable de s’exécuter de son propre chef et d’effacer l’intégralité de mon disque dur ? Dans nos ordinateurs, où sont les airbags, l’ABS, les dispositifs antipatinage ?Les perspectives offertes par la nanotechnologie sont fabuleuses et enthousiasmantes. Mais il faudrait que l’ensemble des pans de l’informatique suivent le rythme. Car, sans amélioration de la sécurité, des interfaces ou de l’intelligence des ordinateurs, laugmentation exponentielle de la puissance de leur moteur reviendra à installer des turbines sur des diligences. Et à devoir énoncer de nouvelles lois pour légitimer cette course effrénée.Prochaine chronique mardi 13 novembre

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Cyril Fievet