Artiste, inventeur ou humanitaire, vous avez une idée de projet, mais les banques refusent de vous accorder un prêt et aucun nom de milliardaire ne figure dans votre carnet d’adresses. Avant de baisser les bras, allez donc explorer les plate-formes de financement participatif, dites de crowdfunding. Des généralistes (Ulule, KissKissBankBank, Mutuzz…) aux spécialistes (Octopousse, par exemple, focalisé sur les projets solidaires), en passant par les mastodontes Kickstarter et My Major Company, elles se multiplient… sans se ressembler tout à fait. Le principe revient dans tous les cas à permettre aux internautes de financer des projets artistiques, de prévente de produits ou d’actions humanitaires. Soit en échange de petites contreparties (une carte postale pour un don de 5 euros, par exemple), soit en vue d’un retour sur investissement (comme une commission perçue sur les revenus issus de la vente d’un disque). Le premier modèle correspond au crowdfunding proprement dit et le second à la production participative. Grosso modo, cela revient à distinguer la fonction de mécénat de celle d’édition. La différence est importante : avec le crowdfunding, le porteur du projet conserve l’intégralité de la propriété intellectuelle ; avec la production participative, il ne perçoit qu’un pourcentage des recettes, 20 % s’il signe un contrat avec la célèbre My Major Company (MMC). “ Vu l’engouement colossal pour le financement participatif, on a décidé de diversifier notre activité et d’explorer d’autres domaines que la musique : patrimoine, cinéma, danse, théâtre… ”, annonce Victor Lugger, directeur financier du site. La nouvelle version, qui devrait voir le jour d’ici cet été, proposera aussi les deux systèmes de financement.
Les Américains en avance sur nous
“ Ce mode de financement participatif n’a rien de nouveau, c’est le même qui a permis la construction de la statue de la Liberté ou la réalisation du premier film de Cassavetes ”, précise Alexandre Boucherot, cofondateur d’Ulule. Et Laurent Bruneau, cofondateur de Mutuzz, de renchérir : “ Il s’agit du principe de souscription, qui existait dans le domaine de l’édition au début du XXe siècle. Internet lui donne une nouvelle ampleur. ” Il y a près de sept ans, ce professeur d’économie menait des recherches sur les modes de financement. Très vite, il a été convaincu que le financement participatif était amené à exploser avec Internet. “ Mais nous nous sommes heurtés à des problèmes juridiques. La collecte de fonds est assimilée à une activité bancaire. Or le métier de banquier suppose toute une série d’agréments. Nous avons effectué de longues recherches pour trouver un statut juridique. Finalement, c’est celui du courtier qui s’est avéré le plus adapté à la collecte de fonds sur Internet. ” Entre-temps, des concurrents se sont lancés dans l’aventure, à commencer par Kickstarter aux États-Unis en 2009. Très vite, le succès a été au rendez-vous. Pour preuve, début février 2012, le développeur de jeux vidéo Double Fine a réussi à récolter 1 million de dollars en seulement vingt-quatre heures sur Kickstarter. Un record que sont loin d’atteindre pour l’instant ses homologues français, pourtant créés à la même époque. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Leader mondial, Kickstarter a réuni 140 millions de dollars de contributions en trois ans aux États-Unis, contre 3 millions d’euros pour les français KissKissBankbank (KKBB) et Ulule réunis, reconnaît Vincent Ricordeau, cofondateur de KKBB. Question de culture. “ En France, le poids du financement public pèse encore beaucoup, alors qu’aux États-Unis tout est financé par le secteur privé, détaille-t-il. En outre, les Américains sont des “ pitcheurs-nés ”, ils ne sont pas dans le pathos. ” En d’autres termes, un Français aura tendance à dire : “ Aidez-moi s’il vous plaît à créer mon projet ” ; tandis qu’un Américain clamera : “ J’ai le meilleur projet au monde ! ”
Beaucoup d’appelés, peu d’élus
Donner envie de participer aux projets, voilà la clé du succès. Mais pas seulement : il faut d’abord passer le cap de l’inscription. KKBB a ainsi reçu 2 000 projets en trois ans, mais seulement 700 d’entre eux ont été mis en ligne sur le site et 300 ont obtenu la somme demandée. La plupart des plateformes aident les porteurs de projets à améliorer leur fiche de présentation, le plus souvent via des échanges de mails. Mais cela ne suffit pas toujours. “ Nous recevons de nombreux projets farfelus ”, confie Laurent Bruneau, de Mutuzz. Néanmoins, aucune plate-forme n’a été victime de tentative d’escroquerie à ce jour. De prime abord, il semble facile, en effet, de monter un projet bidon dans le but de récolter frauduleusement de l’argent. “ C’est le risque majeur, admet Laurent Bruneau. Mais si le porteur ne livre pas le projet, les contributeurs peuvent dans le cadre légal du Code de la consommation porter plainte contre lui. ” Pour se prémunir, certaines plateformes (Ulule, Octopousse et bientôt Mutuzz) obligent désormais le porteur du projet à trouver lui-même de trois à cinq contributeurs parmi son réseau personnel. Il y a peu de chance pour qu’il encourage son entourage à investir dans un projet bidon au risque de se brouiller avec lui, estiment les responsables de plateformes. Avantage aussi pour le porteur du projet : le fait d’afficher d’emblée un certain nombre de contributeurs permet de susciter l’intérêt des autres internautes, inconnus de lui.
Souscription à durée limitée
Toujours dans le but de dynamiser la collecte de fonds, la plupart des plate-formes – à l’exception, pour le moment, de My Major Company – imposent un délai limité pour décrocher la somme demandée, le plus souvent de quatre-vingt-dix jours. En cas de succès, Mutuzz concède une avance au porteur du projet, par exemple à hauteur de 50 %, puis le reste à la livraison dudit projet. Si celui-ci n’est pas réalisé, les contributeurs récupèrent alors la moitié de la somme investie. KissKissBankBank, Ulule et Octopousse ont opté pour le “ tout ou rien ” : si le porteur du projet n’obtient pas la somme requise, il ne perçoit rien, et les contributeurs ne sont pas débités. S’il l’obtient, en revanche, la plateforme prélève une commission variant de 5 % à 8 % et incluant parfois les frais dus à l’utilisation d’un système monétique (Paypal, Paybox, etc.). Le porteur du projet peut alors enfin prendre son envol…
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