En France, la neutralité du Net est un sujet très à la mode… depuis au moins deux ans. Si on prend comme date de départ la création de la mission parlementaire chargée du sujet, qui fut lancée en septembre 2010. Les politiciens se sont succédés, avec eux les propositions de loi. Les instances françaises ou européennes (le Parlement ou la Commission) se sont saisies du dossier plus d’une fois.
A tel point qu’on se demande parfois si l’enjeu est si important que cela. A croire que les internautes sont finalement les seuls qui risquent d’y perdre. Et puis évidemment vient la question : qu’est-ce que la neutralité du Net ? Une interrogation simple qui aboutit pourtant à une diversité de réponses et parfois d’errements, voire de hors sujets, comme celui de Fleur Pellerin en juillet 2012.
Un point de repère
D’un point de vue technique, c’est l’égalité de traitement de tous les flux de données sur Internet, quelles que soient leurs sources, quels que soient leurs utilisateurs, à la mise en ligne ou à la consultation. Mais, au-delà de cette définition simplifiée, au-delà même des enjeux politiques, il semble important de connaître l’état actuel de la « neutralité du Net ».
Un besoin d’avoir un repère qui peut paraître trivial, mais qui renvoie pourtant à certaines positions de la Commission européenne. Celle-ci a tendance à déclarer qu’il y a trop peu d’informations chiffrées sur le sujet et sur les éventuelles violations de la neutralité du Net. Un manque d’information qui encourage évidemment un certain attentisme.
C’est de cette constatation que sont partis des activistes autrichiens de l’EDRi (European Digital Rights), un regroupement d’ONG et d’associations de défense des droits civils et du respect de la vie privée. Ils ont donc mis en place une carte qui met en valeur les résultats du Measurement Lab, soit plus de 700 gigaoctets de données. Ce Lab offre différents outils aux internautes, dont Glasnost, qui « évaluent si certaines applications ou trafics sont bloqués ou bridés sur votre connexion haut débit à Internet ».
Site Web du Max Planck Institute à partir duquel il est possible d’exécuter le test Glasnost.
L’objectif de cet outil n’est pas d’entrer dans un débat partisan : « Nous ne cherchons pas déterminer si des différences de traitement selon les trafics devraient être autorisées par des textes de régulation. Notre motivation est plutôt de montrer aux utilisateurs ces différences en toute transparence », peut-on lire dans la documentation (PDF) qui explique le fonctionnement et les enjeux du projet Glasnost.
Une belle mise en perspective
La carte, elle, est consultable sur le site NetNeutralityMap.org. Au-delà de quelques petits bugs de fonctionnement sous Chrome, on y découvre d’un seul coup d’œil les différences de traitement de la neutralité du Net dans les divers pays du monde. Sans trop de surprise, la France se sort plutôt bien des tests, mieux que la Libye, le Mozambique ou la Chine.
En revanche, quand on cherche à savoir si les débits sont bridés pour un usage spécifique, comme BitTorrent, on découvre que la France lève le pied et ralentit les débits. Pour eMule, on constate ainsi que les fournisseurs d’accès des Etats-Unis ne brident pas leur bande passante (avec 0 % de filtrage), alors qu’en France, la situation est un peu moins bonne (avec 10 ou 20 % de réduction des débits).
Affichage sur une mappemonde des résultats des tests de “neutralité du Net” pour tous les services testés.
Pour approfondir l’observation et affiner sa vision, on peut cliquer sur un pays. S’affiche alors la liste des fournisseurs d’accès et des opérateurs testés avec leurs résultats. On note alors que Free, par exemple, ne limite pas les débits pour eMule, tandis que Numericable semble réduire un peu la voilure. Evidemment, la pertinence de ces chiffres est inféodée au nombre de tests réalisés. Pour certains services et certains opérateurs, on ne compte pas plus de deux ou trois tests. Pour autant, la démonstration est faite. Dès qu’un résultat est supérieur à 0 % de limitation, la neutralité du Net est mise à mal et la complexité de sa réalité prend alors forme. Entre fantasme technologique et enjeu politico-économique.
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