Sera-t-il un jour possible de faire facilement réparer son smartphone sans casser sa tirelire ? La question se pose en ce weekend de « journées nationales de la réparation », un événement aussi organisé hors de nos frontières, quelques mois après l’adoption de lois européennes visant à faciliter la réparation des produits électroniques. Et pour « Right to repair Europe », une coalition de 170 organisations européennes regroupant associations, réparateurs, entreprises du secteur et militants, il reste de nombreuses lacunes à combler dans le système européen, pour que le droit à la réparation devienne effectif sur le Vieux continent.
La coalition organisait, mardi 15 octobre, un webinaire auquel participaient des représentants de la Commission européenne. Leur objectif était de faire le point sur ce qui reste à faire en Europe, pour rendre la réparation accessible aux consommateurs. Et pour l’instant, « le droit de décider quand et à quel moment un consommateur renonce à un produit (pour en acheter un nouveau, NDLR), (le droit) d’avoir accès à (…) toutes les pièces détachées à un prix raisonnable (…) » est loin d’être une réalité, résume Ugo Vallauri de Restart Project, une entreprise qui encourage et aide les particuliers à réparer leurs appareils électroniques outre Manche.
96 % des produits électroniques non couverts par la directive réparation
Ces dernières années, des lois européennes ont cherché à faciliter la réparation, a rappelé le Commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, qui intervenait au début de l’événement. L’UE a adopté :
- la directive sur le droit à la réparation,
- le règlement sur l’éco-conception,
- le règlement sur les batteries.
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Pourtant, malgré ces textes, les Européens ont souvent du mal à faire réparer les produits électroniques qu’ils utilisent. Souvent parce qu’il n’y a « pas de véritable réparabilité du produit » en question. Il est parfois impossible d’ouvrir un appareil pour changer une pièce défectueuse, ou de trouver ou d’acheter à « un prix raisonnable » des pièces détachées, souligne Ugo Vallauri de Restart Project.
Car s’il existe bien une directive sur le droit à la réparation adoptée en avril dernier, près de 96 % des produits électroniques courants en seraient exclus, ajoute le chercheur italien. Cette nouvelle réglementation impose aux fabricants de smartphones, de tablettes l’obligation de « fournir des services de réparation rapides et rentables et d’informer les consommateurs de leurs droits en la matière ». Ces derniers doivent aussi « mettre à disposition, et à un prix raisonnable, les produits nécessaires à la réparation » de leurs appareils. Ce qui veut dire que « les pièces détachées, de remplacement » devraient être accessibles, y compris financièrement.
Or cette directive ne couvre que les smartphones et les tablettes, et non « les ordinateurs, les portables, les imprimantes-scanners, les batteries, chargeurs, adaptateurs, les accessoires PC, les consoles de jeux, les caméras », sans compter « les robots ménagers, les petits et gros électroménagers, les montres, les aspirateurs, … », liste Ugo Vallauri… Soit une très grande partie des mille et un produits électroniques que nous utilisons quotidiennement.
De son côté, le Commissaire à la Justice a rappelé que l’exécutif européen travaillait « déjà sur le premier acte délégué qui ajoutera de nouveaux produits à la directive ». « Nous travaillons également sur les imprimantes et les ordinateurs », a-t-il ajouté.
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Le problème des prix des pièces de remplacement
Mais pour Thomas Opsomer d’iFixit, une société qui se présente comme « une communauté en ligne où les gens s’entraident pour réparer toutes sortes de choses », c’est surtout le prix des pièces détachées (de remplacement) qui pose problème. Les fabricants maintiendraient des prix prohibitifs sur lesquels il faudrait agir, plaide-t-il. « Si votre téléviseur tombe, et que vous avez un écran fissuré, le remplacer coûtera 432 euros pour un téléviseur qui ne coûte que 350 euros ». « Inutile de dire que cette réparation n’aura jamais lieu », ajoute-t-il.
La directive sur la réparation impose bien aux fabricants de certains produits de proposer des prix raisonnables, pour leurs pièces de remplacement. Mais en pratique, reconnait le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, cette règle est « difficile à appliquer ». « Elle n’est pas simple à interpréter ou à mettre en œuvre compte tenu de la grande diversité des produits. Nous devrons donc élaborer des lignes directrices pour (…) être plus précis dans la définition de ce que nous appelons “un prix raisonnable” ».
« À ce stade, si vous voulez faire valoir votre droit à la réparation, vous devrez poursuivre le fabricant en justice »
« Donc, à ce stade, en tant que consommateur, si vous voulez faire valoir votre droit à la réparation, vous devrez poursuivre le fabricant en justice et argumenter devant un juge sur ce qu’est un prix raisonnable », estime Thomas Opsomer d’iFixit. « Ce qui n’est évidemment pas une option envisageable pour un consommateur. En l’absence de définition, ce texte reste donc lettre morte », tacle-t-il.
Autre problème : le fait qu’à compter de 2025, la réglementation sur l’éco-design impose aux fabricants d’indiquer le prix des pièces détachées, sur un site Web public. Si la mesure est saluée, elle n’est qu’indicative – les fabricants ne sont pas tenus de garder ce prix. « Vous pourriez donc acheter un produit en pensant que les pièces (de rechange) sont bon marché, mais lorsque vous aurez besoin d’une pièce, celle-ci pourrait s’avérer très coûteuse », explique Thomas Opsomer.
En France, l’indice de réparabilité institué par une loi de 2020 prend en compte le prix des pièces détachées, mais il va être remplacé par l’indice de réparabilité européen qui… ne le fait pas. Pour autant, la Commission ne doit pas considérer que « la volatilité des prix des pièces détachées est inévitable. Nous demandons des critères ou des lignes directrices spécifiques pour déterminer si un prix est raisonnable, et nous demandons des exigences en matière de stabilité des prix des pièces détachées », plaide Thomas Opsomer.
« Un certain nombre d’études a déjà montré qu’un prix raisonnable ne peut pas aller au-delà de 30 % du prix d’un produit neuf. Si les pièces de rechange ou la réparation complète coûtent plus que cela, les gens ne réparent pas, ils remplacent le produit », note Cristina Ganapini, de Right to Repair Europe.
Les restrictions à la réparation des fabricants
Autre problème relevé : la directive interdit aux fabricants de « pratiquer des restrictions injustifiées pour les réparations », sans définir précisément ce que serait une telle restriction. La politique actuelle d’Apple en matière de réparation, que la marque à la pomme justifie par des impératifs de sécurité, en fait-elle partie ? En avril dernier, l’Eurodéputé allemand René Repasi, qui était alors rapporteur de la directive sur la réparation, expliquait, lors d’une conférence de presse :
« si un réparateur indépendant ouvre aujourd’hui un iPhone avec ses propres outils, et pas des outils Apple, ou s’il n’utilise pas des pièces d’origine, le consommateur perd ses garanties chez Apple. Certaines applications ne fonctionnent alors plus. Ce type de barrière sera interdit, normalement, au titre de la directive sur le droit à la réparation », à mois qu’Apple ne prouve « qu’il est absolument nécessaire de maintenir cette barrière pour protéger sa propriété intellectuelle ».
Pour le commissaire européen à la Justice, l’UE doit « essayer de mieux définir ce que cela signifie », cette restriction injustifiée. « La question de savoir si le fabricant peut appliquer certaines restrictions à la réparation des produits, sur la base de considérations de sécurité, ne peut être résolue de la même manière pour tous les produits », ajoute-t-il.
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D’autres lacunes du système européen de la réparation sont aussi évoquées, à l’image des mises à jour des systèmes d’exploitation, dont certaines s’arrêtent sans que l’utilisateur puisse en demander la prolongation – un problème qui ne serait pour l’instant pas pris en compte dans les législations existantes. Si les « premières étapes » ont été franchies en Europe, la route vers une réparation facile et accessible, pour des produits qui durent le plus longtemps possible, semble encore bien longue.
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On ne parle que du hardware et les mises à jour système et sécurité ? À quoi bon réparer un smartphone avec 2 à 3 ans de mise à jour ???
C’est une grande farce car tout est mis en oeuvre afin que les clients changent régulièrement d’appareil, de la part des fabricants avec la mise à jour de l’OS et suivi logiciel et des opérateurs mobiles, avec l’ancienneté vous pouvez acheter un nouveau smartphone à un prix avantageux. Je possède un smartphone Xiaomi à 160 euros, aucun intérêt de le faire réparer en cas de panne ou accident.
Quelques fourchettes de prix, en tenant compte du bonus réparation de -25 euros (aide financière de l’État) :
batterie de 39 à 99 euros
coque arrière de 29 à 109 euros
appareil photo de 39 à 289 euros
écran de 69 à 449 euros
iPad Air 5ème génération acheté en 2022, avec garantie dépassée de 5 mois, le bouton Touch ID n’est plus reconnu malgré le fait qu’il fonctionne toujours pour l’allumage/extinction. Apple ne répare pas, mais peut l’échanger pour 475 euros !!! Si le remplacement du capteur est effectué par un réparateur tiers, il ne sera pas reconnu par le système d’exploitation…
Un bel exemple de respect de la directive sur le droit à réparation !
Pourtant, il existe au moins un fabriquant de smartphone qui va dans ce sens, Fairphone. Leur dernier model, le fairphone 5, est un produit arrivé à maturité, avec 8 de mise a jour. Concernant les pièces détachées, non-seulement ils les garantissent sur cette période mais en plus, le smartphone est pensé pour être réparé facilement soi-même.
La conséquence de cette philosophie, est un prix globalement plus élevé sur le ratio/performance et un cycle de sortie plus lent (1 model tous les deux ans).