J’ai revu récemment une amie de longue date qui a acheté une maison à Woodside. C’est un endroit ultra-chic de la Silicon Valley. Je m’explique. Là où il y a de l’argent, on trouve, à proximité, un ou plusieurs quartiers résidentiels (il y a des statistiques là-dessus) et souvent des propriétés d’exception. Toujours d’accord ? Maintenant, attention : quand on se promène dans le saint des saints, il y a Woodside. Vous voyez le tableau ?Donc, mon amie a acheté une maison de rêve dans cet endroit, à deux pas de celle qui a vu naître la société Netscape, une des premières idoles de la net économie. D’après ma copine, le précédent occupant des lieux vivait entouré d’animaux sauvages. Surtout des lions, qui faisaient leur gym sur les moquettes épaisses en effleurant, au passage, les bibelots rares de leurs généreuses moustaches. Aujourd’hui, tout a changé. Mais pas le mode de vie : leur fils (ma copine est mariée) va au lycée en Ferrari, l’établissement qui a l’honneur de l’accueillir se trouvant être juste au pied de la propriété. Étonnant, non ? Et appréciable, de surcroît. Certes, tout n’est pas parfait dans ce paradis. Voilà qu’on se met à construire à droite, à gauche, avec des accès goudronnés à chaque maison en lisière de la propriété. Les gens exagèrent… Mais mes hôtes se consolent. Le mari de mon amie, un homme charmant au demeurant, me raconte que, sur les quatre boîtes qui ont essayé de l’embaucher à sa sortie de Stanford, trois sont mortes. Une seule est restée : la sienne. Avec l’argent des stock-options, sa femme et lui ont acheté la maison. Ils reconnaissent, devant moi, qu’ils ont eu bien de la chance. En regardant les chênes centenaires s’étendre derrière la véranda, juste après la roseraie, je suis tenté de leur donner raison. Et même de les envier, moi qui sue sang et eau à écrire des articles, envoyés sans relâche par messagerie électronique… Mais je vous entends déjà me dire : de quoi je me mail ?
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