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Un patron de gauche

Sans doute n’est-il pas trop tard pour saluer la mémoire d’Antoine Riboud, décédé le 4 mai, sans attendre les résultats du second tour. Encore un mauvais…

Sans doute n’est-il pas trop tard pour saluer la mémoire d’Antoine Riboud, décédé le 4 mai, sans attendre les résultats du second tour. Encore un mauvais signe démocratique. Un “patron de gauche “, comme l’écrivirent les journaux du 6 mai, mourrait le jour même où la gauche prenait l’une des plus grandes claques de son histoire. “Patron de gauche” : ma foi, on goûtait l’expression, on se la mettait en bouche, on savourait son amère ancienneté. Ainsi des concepts pareils avaient-ils existé. Au siècle dernier, il y avait eu des patrons qu’on affirmait, et qui s’affirmaient de gauche. Comme cela paraissait loin, perdu dans les brumes du passé. Cela faisait penser à cette autre expression, “milliardaire rouge” qu’on utilisait pour qualifier les riches qui finançaient le Parti communiste. Aujourd’hui, même le monopole de la vente du muguet ne suffisait plus à renflouer les caisses de Fabien, et encore moins ses failles idéologiques. Riboud était un patron, immense : il avait bâti l’un des plus grands groupes de l’agro-alimentaire. En même temps, il était de gauche. Lors d’un congrès du CNPF, il avait stupéfait ses congénères en déclarant que la bonne santé économique d’une entreprise passait par le bien-être de ses salariés. Il s’était battu pour sauver Lip. Lire sa nécrologie, c’est comme lire la légende d’un autre temps, celui d’un capitalisme antique, beau comme une machine neuve, encore rutilante, et dont on pouvait s’intéresser au mode d’emploi. On pouvait le lire de gauche à droite, ou inversement. Mais aujourd’hui, on a égaré le mode d’emploi, le capitalisme est une machine folle dont on espère juste qu’elle s’autorégule. Il n’y a plus de patrons de gauche. Il y a juste des patrons. Qui visent désormais à gouverner le pays, puisque le capitalisme est devenu ingouvernable. Après avoir tâté dun désir de présidentiable, Christian Blanc entend présenter sous sa bannière une centaine de candidats aux législatives. Il est étiqueté socialiste, mais son programme est à droite. Mer est devenu ministre. Bébéar sort un livre blanc assez noir, et foncièrement droitier, pour peser sur les politiques. Antoine Riboud est mort.* Journaliste et essayiste

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Arnaud Viviant*