Quel point commun existe-t-il entre la Biélorussie, l’île de Sainte-Lucie dans les Petites Antilles, les États-Unis ou le Kirghizstan ? Ils font tous partie de la liste des trente pays qui se soumettront, à partir du 6 mars, au traité international sur le droit d’auteur numérique (*). Adopté en 1996 dans le cadre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), sa ratification, intervenue en décembre dernier, par un trentième état, le Gabon, va permettre enfin l’application de ce texte. “Il s’agit d’assurer une protection minimum des auteurs, explique le directeur de la division droits d’auteur de l’OMPI, Jorgen Blomqvist. Comme, par exemple, le droit pour ces derniers de revendiquer la paternité d’une ?”uvre. Charge aux États, ensuite, de leur accorder une protection plus forte.” Mais ce traité ne tranche pas la guerre larvée qui oppose depuis toujours les tenants du droit d’auteur à l’européenne, c’est-à-dire avant tout un droit moral attaché à une ?”uvre, aux partisans du copyright cher aux Anglo-Saxons, qui se résume essentiellement à un droit patrimonial. Avec cet accord, les États signataires sont tenus de reconnaître “un ensemble de droits essentiels, qui permettent aux créateurs de réglementer les diverses manières dont leurs créations sont utilisées et appréciées par des tiers et, le cas échéant, d’obtenir une rémunération à ce titre “. Et cela concerne l’ensemble des ?”uvres artistiques : les livres, les programmes d’ordinateurs, les ?”uvres d’art ou encore les films. Un autre traité, déjà ratifié par 28 états, mais auquel il manque encore deux signatures gouvernementales pour entrer en vigueur, protégera les droits des producteurs de phonogrammes ou d’enregistrements sonores ainsi que ceux de leurs artistes interprètes.À la lecture de la liste des signataires du document de l’OMPI, on peut toutefois s’interroger sur l’empressement des autorités burkinabées, costariciennes ou gabonaises à participer à une assemblée internationale relative au droit d’auteur numérique. En pensant que leurs priorités politiques et économiques se situent ailleurs. “Au contraire, rétorque Me Étienne Drouard, spécialiste de la propriété intellectuelle au sein du cabinet d’avocats Gide Loyrette Nouel. L’adoption d’un tel traité leur permet de rassurer les investisseurs étrangers qui y voient une volonté de leur part de respecter les standards internationaux.” Et cela ne remet pas en cause leur législation nationale existante, puisque celle-ci traitait rarement de ce sujet. “De plus, le fait de disposer d’un cadre juridique performant est un atout pour ces pays en développement lorsqu’ils négocient leurs financements avec la Banque mondiale, explique Me Drouard. Par exemple, lorsqu’il faut encadrer les conditions du transfert de technologies lors de l’installation d’infrastructures de télécommunications.” Pour preuve, nombre d’entreprises, confiantes dans la ratification prochaine dudit traité, avaient déjà commencé à faire des affaires dans ces régions. À l’instar, par exemple, de Vivendi Universal en Afrique ou USA Networks en Amérique du Sud.Autre intérêt pour les entreprises : la lutte contre les hackers. “Grâce à ce traité, les trente états signataires ne pourront pas laisser totalement impunis des pirates informatiques qui interviendraient depuis leur territoire, se félicite Me Xavier Buffet Delmas d’Autane, associé du cabinet Freshfields Bruckaus Deringer. Même si ce n’est pas parce qu’un texte existe qu’il est forcément toujours appliqué à la lettre.” Et de rappeler le cas de la Chine, plateforme privilégiée en matière de piratage technologique, qui vient, par son entrée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) mi-décembre, d’affirmer son intention de faire respecter le droit d’auteur. “Dans ce même souci de lutter contre la contrefaçon, le traité de l’OMPI demande aux signataires de prévoir une protection juridique appropriée et des voies de recours efficaces pour sanctionner les personnes qui chercheraient à contourner les systèmes de protection anticopie”, explique Jorgen Blomqvist. Une disposition critiquée par certains chercheurs qui étudient le chiffrement et qui y voient une possible entrave à leur travail.(*) Disponible sur le site www.ompi.org
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