Un rapprochement entre Alcatel et Lucent Technologies est peu probable car il nécessiterait des restructurations de grande ampleur, déclarent les spécialistes du secteur interrogés par Reuters. Citant des sources proches du dossier, le quotidien américain Wall Street Journal a rapporté dans sa dernière édition que les deux groupes avaient eu des discussions sur une éventuelle fusion mais que celles-ci avaient pris fin. Alcatel et Lucent se sont refusés à tout commentaire sur cette information publiée au lendemain de l’annonce par le PDG du groupe français, Serge Tchuruk, du dépôt d’une “offre initiale” pour la division fibres optiques de Lucent.Selon des sources bancaires à Londres, Alcatel a proposé 5 milliards de dollars pour cette activité et a commencé à mettre au point un crédit syndiqué de 7 milliards d’euros. Le prix évoqué, sur lequel Alcatel n’a pas voulu se prononcer, est jugé très élevé par les analystes financiers interrogés qui soulignent que cela reviendrait à valoriser la filiale de Lucent deux fois et demi son chiffre d’affaires annuel (2 milliards de dollars pour l’exercice 1999/2000) soit presque autant que Corning, leader mondial du secteur.” Ça ne vaut pas la même chose que Corning. On ne comprend pas pourquoi Alcatel, qui se paie un peu plus d’une fois son chiffre d’affaires, accepterait de payer un tel prix pour la fibre optique de Lucent alors que ce marché est mature “, souligne un spécialiste travaillant pour un grand courtier parisien. Un tel rachat permettrait à Alcatel d’accroître ses positions aux Etats-Unis, où il réalise 23 % de son activité. Une éventuelle fusion avec Lucent lui donnerait le leadership mondial dans les équipements de télécommunications avec un chiffre d’affaires de près de 70 milliards d’euros.Une telle perspective aurait été jugée irréaliste il y a un an.Mais la chute boursière des valeurs technologiques peut provoquer une restructuration, en particulier dans les télécoms. En présentant ses résultats trimestriels jeudi, Serge Tchuruk a assuré qu’une consolidation toucherait les opérateurs, les plus grands avalant les nouveaux entrants fragilisés. ” La consolidation va s’opérer. Va-t-elle également toucher les équipementiers ? Il n’est pas exclu que différentes choses se passent mais pas avant un certain temps “, a-t-il dit.Lucent, issu des laboratoires du géant ATT et longtemps dominant sur son marché, affiche une capitalisation inférieure à celle d’Alcatel (38 milliards d’euros contre 40 milliards sur la base des cours de clôture de jeudi). “La question d’un rapprochement pour Lucent se pose à ce niveau de valorisation. Mais ce ne serait pas très facile à intégrer”, estime François Travaillé, responsable de la recherche sur le secteur des télécoms chez BNP Paribas.Pour un autre analyste d’un intermédiaire parisien, ” c’est une opération qui serait très difficile à mener. Lucent est malade. Alcatel vient d’en terminer avec cinq ans de restructuration. Je ne suis pas sûr que Serge Tchuruk ait envie de replonger dans des restructurations immédiatement “.Un analyste fait état de redondances entre les deux groupes, notamment dans les commutateurs et dans les transmissions. Il estime que, en reprenant éventuellement Lucent, Alcatel n’aurait d’autre choix que de dépecer le groupe américain, ce qui prendrait plusieurs mois et pèserait sur le cours.Cette opinion est partagée par un consultant industriel. ” Je serais très étonné par une fusion. Il n’y a pas de complémentarités extrêmement fortes en dehors du fait que Lucent est solidement implanté sur le marché américain “, avec des relations historiques avec les opérateurs régionaux. Pour les experts interrogés, Alcatel devrait plutôt acquérir certaines activités de Lucent mais à bon prix.
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