Sur sa carte de visite traduite en japonais, cette inscription : “Antoine Paquin, président-directeur général de Bitflash “. Un patron comme les autres ? Pas vraiment. “C’est un héros national, dont le parcours est sans égal au Canada. Son nom est synonyme de réussite pour les gens d’affaires d’Ottawa, mais aussi de New York ou de la Silicon Valley. Un atout marketing à lui tout seul. ” Frédéric Charpentier, le fondateur de Bitflash, en est convaincu : en offrant, il y a six mois, la direction de sa jeune entreprise à Antoine Paquin, il a réussi un coup de maître.”Je m’amuse bien ici. Il y a beaucoup de travail, et nous venons d’ouvrir deux bureaux à l’étranger, l’un au Royaume-Uni, l’autre au Japon.” Le nouveau PDG, pas encore 35 ans, reçoit dans son bureau du 8e étage, avec vue sur l’Est d’Ottawa. Pour arriver jusqu’à lui, vous êtes passé par Manon, sa secrétaire personnelle, qu’il a recrutée directement au bureau du Premier ministre ?””Elle a la culture du secret “, assure-t-il. Et, rapidement, la conversation s’engage autour d’un maître mot : wireless (sans fil), l’horizon inéluctable de l’industrie des télécoms. Cette industrie dont il est deve- nu l’une des figures un jour de juin 1997.Jusqu’alors, Antoine Paquin est un créateur de start-up parmi d’autres. Sa société, Skystone Systems, fait dans le semi-conducteur. Elle a beau être en bonne santé, la nouvelle de son rachat par Cisco Systems fait l’effet d’une bombe. Il faut dire que le géant américain a mis le prix : 89 millions de dollars (106 millions d’euros), du jamais vu pour une société si jeune. “ Et ce n’est qu’un début “, prévient Paquin.
” Ma force, c’est mon réseau “
Il a raison : en trois ans, une bonne vingtaine de start-up d’Ottawa sont reprises par des multinationales pour des sommes astronomiques. “ La vente de Skystone fut un signal pour le marché américain, estime Dave Furneaux, de Kodiak Venture Partners, un important capital-risqueur de Boston. La preuve qu’il se passait des choses importantes au Canada. Aujourd’hui, Ottawa fait partie du top 10. En partie grâce à Antoine. C’est un leader exceptionnel.“Quatre ans plus tard, le héros siège au conseil d’administration de nombreuses start-up, et ses avis sont recherchés autant que sa fortune, estimée l’an dernier à près de 150 millions d’euros (1 milliard de francs) par le magazine Canadian Business. “Ma force, c’est mon réseau, dit-il. Je sais faire fructifier mes contacts. Tout le monde me disait qu’il était difficile de faire affaire au Japon… J’y suis allé pour la première fois il y a deux ans, et j’y ai développé des liens qui me servent encore.“Né à Montréal, Antoine Paquin a passé son enfance en France et en Afrique du Nord, où son père était consultant pour une grande firme québécoise. Scolarisé dans les lycées français, il est fier de sa culture francophone mais vit aujourd’hui en Ontario. Marié et père de deux jeunes enfants, Antoine Paquin s’épanouit à Ottawa, où il vient de faire construire un palace de 1 500 m2. Tout pour être heureux ? Le prodige sort pourtant d’une période difficile.Après le succès de Skystone, il s’est retrouvé à la tête de Philsar, autre start-up en vogue d’Ottawa. Mais rapidement, l’affaire tourne mal. “J’ai dû prendre des mesures radicales pour redresser la société, raconte-t-il. Comme licencier son fondateur et tout l’encadrement…” Luc Lussier, le fondateur en question, voit les choses un peu différemment : “Antoine était souvent très stressé. J’étais à l’origine de sa venue, mais il mettait des barrières entre nous. Notre collaboration s’est arrêtée là…” Fin de l’histoire ? Pas tout à fait : quelques mois plus tard, Paquin concluait le rachat de Philsar par l’Américain Conexant pour la somme de 186 millions de dollars. Faisant au passage la fortune du fondateur déchu, toujours actionnaire… Malgré cette happy end, Antoine Paquin jure qu’on ne l’y reprendra plus. Il a pris la tête de Bitflash pour construire, et non l’inverse. “ L’argent n’est pas une fin en soi, jure-t-il. Ma véritable passion, c’est d’abord de mener une entreprise vers le succès. Pour ça, J’ai besoin dune guerre. “
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