Aujourd’hui, ou demain, vous pouvez : voir des matchs de foot sur internet, photographier avec votre téléphone des ‘ spot-codes ‘ imprimés qui se transforment automatiquement en pages
web dès que vous rapprochez votre mobile de votre PC, télétransporter des données sans aucun réseau physique grâce à des nanoparticules jumelles, utiliser une grille de milliers de PC et de serveurs comme si vous aviez un supercalculateur pour vous
tout seul, parler à votre ordinateur qui vous répond toujours de bonne humeur et dans la langue que vous voulez, stocker gratuitement 1 Go chez quasiment n’importe qui (Google, par exemple), créer votre blog sur le web en quelques clics, y
répandre sans aucune censure vos états d’âme agités ou vos recettes de cuisine compliquées et les soumettre au feu incessant des questions/réponses de vos fans : ‘ Je ne suis pas d’accord avec votre vision de
l’infini ‘ voisinera ainsi avec ‘ Faudrait quand même pas confondre la blanquette et le sauté de veau ! ‘
…Ne vous posez plus de questions. Foncez, tout est gratuit : la techno, le web, l’information, le copillage, le téléchargement… C’est la société digitale qui est en marche, où tout est numérisé, vos désirs, vos fantasmes,
ceux des copains, de la voisine.Le monde n’est plus qu’un vaste réseau de n?”uds qui ne sont plus gordiens, un bourdonnement d’échanges en tout genre, où l’on te répond avant même que tu aies posé ta question. C’est le royaume du pépiement.Y’a que le cerveau qui ne suit pas, quel dommage ! Il a beau être hypercâblé en synapses prétendument plus performants que n’importe quel wifi-adsl-umts, c’est bizarre, il lance quand même des questions idiotes qui grippent la
machinerie cybertechno, du genre : ‘ C’est quoi le bonheur ? ‘ ; ou encore : ‘ Où sont mes vrais amis ? ‘.Il veut faire un break, tout à coup il cherche la vraie signification de ‘ Sois sage ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille ‘ (Baudelaire, évidemment). Et même s’il peut lire la suite
sur le web en un clic, il lui reste comme un goût d’inachevé dans le neurone.Y’a des parasites sur l’antenne, disait une émission radio du siècle dernier. Y’a un bug, dirait-on aujourd’hui. Et ce bug, c’est le cafard. L’Ennui avec un E majuscule, que Baudelaire, toujours lui, qualifiait ainsi :
‘ Dans la ménagerie infâme de nos vices, Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde ! Quoiqu’il ne pousse ni grands gestes, ni grands cris, Il ferait volontiers de la terre un débris, Et dans un bâillement
avalerait le monde… ‘ (J’ai trouvé le texte en un clic sur Google, c’est fabuleux !)
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