Un site d’information doit-il être assimilé à un organe de presse ? Et à ce titre être soumis aux lois et règlements qui régissent l’activité des médias écrits ou audiovisuels. “La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et celle du 30 septembre 1986 sur la communication audiovisuelle sanctionnent les délits commis par la voie de presse ou par tout autre moyen de communication, rappelle Me Christiane Féral-Schuhl, auteur de l’ouvrage Cyberdroit (Dunod). Ces textes trouvent logiquement leur application dans le cadre de la diffusion sur Internet.” Fait nouveau, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris n’a pas retenu cet argumentaire dans une ordonnance de référé rendue le 5 juin dernier. Dans cette affaire, Paul de Hohenzollern poursuivait le journaliste Stéphane Bern à la suite d’articles le mettant en cause, et publiés en février 2002 sur son site www.gotha.fr.Le spécialiste des têtes couronnées y avait signé des textes contenant des informations erronées relatives à la filiation de Paul de Hohenzollern ainsi que des contestations de son titre princier. S’estimant diffamé, celui qui est l’un des descendants du roi de Roumanie a demandé en vain la publication à l’amiable d’un droit de réponse. C’est alors qu’il a saisi la justice en référé afin de faire cesser son préjudice. Reste à déterminer le texte juridique qu’il fallait invoquer pour appuyer sa demande.
Pas de support papier
À ce sujet, la présidente du TGI, Catherine Bezio, a pris soin d’écarter les textes de lois spécifiquement consacrés aux médias, notamment celui sur la communication audiovisuelle, au motif que, ” par la forme de sa diffusion, le support Internet est plus proche du support écrit qu’audiovisuel “. Et le magistrat ne considère pas ledit site comme relevant de la législation sur la presse au motif, cette fois, qu’il ne dépend justement pas d’un organe de presse.” Plus simplement, le tribunal a invoqué l’article 809 du nouveau code de procédure civile, explique Me Bruno Ducoulombier, avocat au sein du cabinet Oppenheimer Wolff & Donnelly et défenseur de Paul de Hohenzollern, qui lui confère le pouvoir de faire cesser un trouble manifestement illicite. “ Une disposition qui n’indique toutefois pas comment le préjudice peut être réparé. Car contrairement aux journaux imprimés qui sont en mesure de diffuser des droits de réponse au même emplacement que l’article jugé diffamatoire, le mode opératoire sur la toile est plus incertain.Faut-il publier un texte de même grandeur ? Faire retirer la page en question ? Mais alors qu’adviendra-t-il des pages qui auraient pu être déjà enregistrées par les moteurs de recherche lors de leurs séances périodiques d’archivage… Dans l’affaire Gotha.fr, le TGI de Paris a transposé le droit de la presse au net en imposant, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la publication d’un communiqué de correction sur la page d’accueil de la rubrique contenant l’article litigieux. L’affichage devant durer un mois.Au-delà de ce dossier, il est intéressant de noter l’appréciation retenue par le juge en termes de proportionnalité par rapport au dommage subi : même si un mois peut paraître long à l’échelle du temps Internet.
Le cas compliqué des forums
L’émergence de contentieux relatifs aux informations diffusées en ligne devrait peut-être inciter le législateur à préciser les responsabilités de chacun en la matière. Ainsi, les organisateurs du site www.defense-consommateur.org ont été récemment condamnés à verser 80 000 euros de dommages et intérêts à la société Pere-noel.fr qui s’estimait diffamée par des propos tenus sur leur forum. Une jurisprudence qui inquiète la communauté internaute qui y voit un risque d’auto-censure.Les animateurs de forum préfèrent, eux, un filtrage systématique des échanges. À l’instar du directeur de la publication d’un journal, qui doit soupeser chacune des informations qu’il diffuse, étant donné que sa responsabilité personnelle peut être mise en cause, tant sur le plan pénal que civil.
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