Légaliser tous les échanges de fichiers sur Internet. Certains en rêvent, d’autres en font des cauchemars. La différence, cette fois, c’est que l’idée vient d’être émise par un parlementaire, qui plus est UMP, le député-maire de Beaune
Alain Suguenot. Pire : il en a fait une proposition de loi mi-juillet.Ce texte de quatre articles veut en effet modifier le code de la propriété intellectuelle pour permettre un système de rémunération des ayants droit sur les échanges non commerciaux de fichiers. Tous les fichiers, c’est-à-dire même ceux
protégés par le droit d’auteur et actuellement disponibles en peer-to-peer illégalement. Une somme forfaitaire serait ajoutée à l’abonnement à Internet, donnant aux internautes le droit non seulement de télécharger mais aussi de
mettre à disposition des fichiers. Chose actuellement considérée comme illégale par tous les juristes. Les sommes seraient collectées par les fournisseurs d’accès à Internet puis reversées aux artistes par le biais d’une société agréée par le
ministère de la Culture.
Ranimer le débat sur le droit d’auteur
Le député s’inspire là du projet de
licence globale avancée par l’Alliance Public-Artistes regroupant l’Adami, la Spedidam, des associations de consommateurs et des sociétés de gestion de droits. Un projet contre lequel
s’est élevée depuis le début l’industrie du disque, qui dénonce une légalisation du piratage et craint pour le développement des plates-formes légales payantes. Mais aussi les FAI, qui ne se voient guère dans le rôle de collecteur de fonds.En fait, le député cherche surtout à ranimer un débat plutôt éteint depuis que la transposition de la
directive Droits d’auteur et droits voisins a quitté l’ordre du jour du Parlement. ‘ C’est une solution qui a le mérite de fournir un cadre juridique, mais elle
est aussi volontairement provocatrice, reconnaît Alain Suguenot, qui ne se satisfait pas des poursuites judiciaires contre les internautes. Il faut bien qu’il y ait un texte de loi, on ne peut pas continuer comme ça. Quinze ans
après, on a l’impression qu’Internet n’existe toujours pas. ‘Cela dit, dans l’esprit du député, rien n’est figé. Le contenu de son texte peut très bien évoluer au fil de discussions à venir. La loi elle-même n’est pas forcément destinée à en rester une. Alain Suguenot imagine très bien qu’elle
puisse être proposée comme amendement à la loi de transposition de la directive Droits d’auteur. Dont le rapporteur Christian Vanneste, député UMP lui-aussi, s’est déjà dit hostile au système de licence globale… Il avait même rejeté un amendement
du député PS Christian Paul, instaurant un dispositif proche de celui suggéré par Alain Suguenot. Un système un peu trop ‘ collectiviste ‘, dixit le rapporteur…
Un cas particulier, le cinéma
La proposition de loi fait en tout cas un heureux attendu, l’Adami. ‘ On se réjouit qu’un parlementaire, à fortiori de l’UMP, ait travaillé à partir de nos travaux, note Jean Vincent, responsable des
affaires juridiques de la société de gestion, et que d’une certaine manière, il pose sur la table l’examen de cette matière au Parlement. ‘Il reste que cette proposition de loi ne règle pas tout. ‘ Elle acte un principe législatif, mais renvoie aux acteurs la responsabilité de l’organiser, note Lionel Thoumyre, juriste à la Spedidam.
Elle prévoit ainsi qu’une convention devra être passée entre les représentants des consommateurs et des ayants droit pour régler la question de la rémunération et celle du respect de la chronologie des médias en matière
audiovisuelle. ‘ Sur ce dernier point, justement, Jean Vincent souhaiterait des travaux sur l’upload, c’est-à-dire la mise à disposition, mais sur un plan technique et non plus juridique.
‘ Pour limiter les échanges de films. ‘Le texte d’Alain Suguenot n’a cependant pas que des supporters. La Ligue Odebi, fédération d’associations d’internautes, dénonce une contradiction avec la directive Droits d’auteur. Celle-ci légitime en effet les systèmes contre la
copie placés sur les CD et les DVD. ‘ L’honnêteté la plus élémentaire pour les rédacteurs de cette proposition de loi, parfaitement conscients de [son] incompatibilité avec les dispositifs anticopies,
aurait été de demander explicitement l’interdiction de ces dispositifs : on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. ‘
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