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Un ‘ buzz ‘ en ligne pour les élections prud’homales

Deux vidéos, amateurs en apparence, montrant un patron menaçant salariés et syndicat ont fait le tour du Web. Il s’agit en fait d’une opération de marketing viral de Force ouvrière.

Jean-François Daigneron a fait l’Essec et Sup de Co Lille, est allé à l’université de Stanford et travaille depuis vingt ans dans le secteur de la pétrochimie. Il dirige Critalec, groupe international de 15 000 salariés,
‘ leader mondial de la téréboxyne ‘. Mais, depuis dix jours, Jean-François Daigneron est surtout connu pour deux vidéos sur Internet où on le voit péter les plombs. Dans la première, il hurle à la
face de ses salariés en grève et les menace de délocaliser son entreprise en Chine s’ils ne reprennent pas le travail dans les cinq minutes. Dans l’autre, il insulte Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, lors d’une réunion avec les
syndicats.Les deux films, réalisés au téléphone portable, ont fait le tour du Web. Mais ont rapidement alimenté un doute : tout cela paraît bien trop gros, bien trop outré. Le groupe Critalec a bien un site, mais on ne trouve pas grand-chose
sur lui sur le Net, et personne ne sait ce qu’est la téréboxyne. Et puis Jean-Claude Mailly semble réciter un texte. C’est le cas : ces deux vidéos font partie d’une vaste campagne de marketing viral initiée par Force ouvrière pour
sensibiliser les salariés aux élections prud’homales du 3 décembre prochain. Petit résumé.

FO parle aux internautes

C’est la première fois que FO se livre à une opération de ce genre, et peut-être la première fois qu’une organisation syndicale se donne de tels moyens. FO a fait appel à plusieurs petites sociétés spécialisées dans le marketing, la
communication, le développement de sites et le design (Elixir, Youzweb, Peek A Boo, Mobilis Productions, Kumquats), installées à Lille et dans ses alentours.‘ FO voulait communiquer un peu différemment et auprès des jeunes, des internautes, des gens qui n’étaient pas adhérents et pas sensibilisés aux prud’hommes ‘, explique Catherine
Vanderbeken, de Youzweb, la société qui a piloté la campagne marketing (*). Les prestataires avaient plus ou moins carte blanche et ont opté pour une opération du type ‘ serious game ‘.

La création de Critalec

La campagne commence avec la création du groupe Critalec et de son site Web dès le mois d’août, afin qu’un référencement naturel par les moteurs de recherche ait le temps de se mettre en place. En parallèle apparaissent des pages
Facebook et
Viadeo de Jean-François Daigneron (d’où sont tirées les informations biographiques figurant dans cet article) et un blog de salariés de Critalec,
VictimeOtravail.skyrock.com. Sur ce dernier, les posts sont factices, mais les commentaires, eux, sont bien réels. On constate d’ailleurs que certains internautes ont des doutes.

Le scénario

Critalec est spécialisé dans la téréboxyne, mais personne ne connaît bien cette matière. Or plusieurs salariés présentent des affections de la peau. Devant l’inertie de la direction, ils se mettent en grève. C’est alors qu’apparaît la
première des vidéos (les deux sont réalisées par Elixir, déjà créateur du clip Marly-Gomont, de Kamini), le 3 novembre dernier. Elle est censée être tournée par un gréviste avec son téléphone mobile. La deuxième est lancée
le 7 novembre.

Le ‘ buzz ‘

FO a relayé les films par e-mail auprès de ses adhérents, ‘ mais on a joué le jeu, explique-t-on au syndicat, on les leur a envoyés sans leur dire d’où ça venait ‘.
Effet immédiat : les adhérents, choqués, transfèrent les vidéos. Le ‘ buzz ‘ prend. Des fils de discussions sont créés, comme sur un forum d’Aufeminin.com, où Sophie5793, fausse salariée de Critalec, déclenche une
série de réactions réelles.Selon Rue89, une page Wikipédia sur la téréboxyne avait même été créée. Flairant quelque chose et craignant que l’encyclopédie collaborative ne serve involontairement de support à une éventuelle publicité, les administrateurs ont
supprimé la page. Pour mettre tout ça en place, les prestataires ont rencontré et interviewé de vrais juges des prud’hommes. La campagne est donc inspirée de situations et de faits réels, mais compilés, d’où l’effet d’exagération.

Dernier acte : la révélation

Si les doutes sont nés très tôt, FO n’a dévoilé le fin mot de l’histoire que la semaine dernière, par le biais de plusieurs sites Internet ludiques : Poureviterca.com, Jevoteauxprudhommes.com, Uneboiteformidable.com. On y voit
Jean-Claude Mailly expliquer les enjeux des élections prud’homales pendant que Jean-François Daigneron tente de perturber la présentation.Quatre personnages expliquent eux aussi l’intérêt des prud’homales, mais à leur manière. Comme dans ce téléachat vantant les mérites d’un fond d’écran ‘ Jean-Claude Mailly ‘ (idée inspirée là aussi d’une
situation réelle, selon Youzweb !) ou d’une fausse e-card signée du secrétaire général de FO, pour impressionner vos amis. Sur le site de Critalec, la rubrique ‘ Recrutement ‘ propose un parcours
d’embauche interactif où, à travers un ‘ Jeu de la gnak ‘, vous apprenez à vous faire exploiter… ou à mieux vous défendre. Comment ? Aux Prud’hommes, bien sûr.(*) Contrairement à ce que nous indiquions, c’est Mobilis Productions qui a piloté l’ensemble de l’opération, écrit le scénario de la campagne et rencontré des juges des prud’hommes, pas Youzweb, qui a piloté le volet marketing.

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Arnaud Devillard