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Un blogueur mal identifié, Google est condamné

La justice a condamné le site à verser 15 000 euros à Benetton. Google n’a pas fourni assez d’éléments sur un utilisateur de ses blogs qui mettait en ligne des contenus litigieux.

C’est décidément le mois judiciaire de Google. Après
le Syndicat de la literie, qui a obtenu une condamnation, après l’humoriste
Jean-Yves Lafesse, dont les demandes ont été rejetées, c’est au tour de Benetton et de Bencom, la société qui gère la marque, de
traîner le moteur de recherche au tribunal. Le 12 décembre 2007, ils ont obtenu 15 000 euros chacun devant la Cour d’appel de Paris pour indemnisation de préjudice. En cause, le contenu d’un blog de la plate-forme d’hébergement Blogger,
exploitée par Google directement depuis les Etats-Unis.Un internaute avait mis en ligne deux blogs, l’un chez Microsoft l’autre chez Google, sous le nom de Angela Brozzi. Soi-disant employée par Benetton, elle disait organiser des séances photo de femmes en maillots de bain et lingerie en
vue d’illustrer les catalogues des collections 2006 et 2007. Pour accréditer la chose, les marques Benetton et des photos issues de ses catalogues apparaissaient sur les blogs. Il s’agissait évidement d’une usurpation. Benetton met en demeure
Microsoft et Google pour faire cesser l’accès. L’un s’exécute, le second refuse. Benetton porte donc l’affaire devant le tribunal de grande instance de Paris pour contrefaçon de marque. Fin mai, Google est condamné à fournir les adresses IP, à
empêcher l’accès au blog et à payer des dommages et intérêts. Le moteur de recherche a fait appel.

Le PDG de Google pris au mot

Avec plusieurs arguments. Google ne se considère que comme l’hébergeur du blog, et ne serait donc pas responsable du contenu. Une position classique. Ensuite, les poursuites sont engagées en vertu de la loi pour la confiance dans
l’économie numérique, qui dit qu’un prestataire technique doit retirer des contenus ‘ manifestement illicites ‘ quand il en est prévenu. Or, selon l’intérprétation qu’ne fait Google, la loi ne concerne
pas les atteintes à la propriété intellectuelle. Enfin, Google estime avoir fourni toutes les données nécessaires pour identifier le responsable du blog, ‘ sans qu’aucune désinvolture puisse lui être
reprochée ‘
peut-on lire dans le jugement.Mais la Cour d’appel confirme que Google aurait dû réagir. Surtout, les juges estiment que Google aurait dû fournir plus que l’adresse IP du blogueur car, pour créer un blog, un internaute doit fournir des données personnelles pour
ouvrir un compte. A l’appui de sa réflexion, la Cour d’appel cite le PDG de… Google, Eric Schmidt. Celui-ci déclarait dans Le Monde du 19 septembre 2007, que ‘ l’adresse IP, numéro attribué à
un ordinateur ne permet pas d’identifier réellement une personne ne donnant
[…] aucune indication sur son identité ou son lieu de résidence. ‘ La Cour d’appel l’a pris au mot en citant cet
article.Pour le juriste, Lionel Thoumyre, ce jugement (disponible sur son site
Juriscom.net) confirme le statut d’hébergeur de Google mais innove sur la notion du ‘ manifestement illicite ‘, qui porte
généralement sur des choses comme la pédopornographie ou l’apologie de crimes de guerre. ‘ Lorsqu’elle est dûment établie, la contrefaçon rentre dorénavant dans le domaine du manifestement illicite. Si cette décision
était confirmée, cela obligerait les hébergeurs à répondre promptement aux demandes de retrait dûment établies en cas de contrefaçon de marque, mais aussi d’?”uvres (photographiques, musicales,
cinématographiques…). ‘
Le juriste est plus réservé sur la demande d’autres éléments d’identification que l’adresse IP. Le jugement impose aux hébergeurs de collecter les éléments d’identification de ses utilisateurs. Mais ‘ l’IP a une
valeur bien plus certaine que les déclarations volontaires fournies par les personnes hébergées ‘.
En clair : les internautes donnent le nom et la localisation qu’ils veulent quand il ouvrent un compte. Demander aux
hébergeurs de chercher ces données ne servirait pas à grand-chose.

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Arnaud Devillard