Plus de 120 milliards d’euros, soit presque 900 milliards de francs : c’est le prix que coûtera l’acquisition des licences UMTS dans les quinze pays de l’Union européenne. A cette facture, les opérateurs européens devront ajouter celle du déploiement des réseaux.En France, un réseau UMTS est estimé au bas mot à 30 milliards de francs, auxquels s’ajoutent les 32,5 milliards de la licence. Effrayés, certains opérateurs, comme Bouygues Telecom, ont ?” pour le moment ?” préféré renoncer. Et ceux qui se lancent dans l’aventure se retrouvent avec une forte pression sur les épaules. Dans un contexte financier plus que déprimé, équipementiers et opérateurs de télécommunications essayent aujourd’hui de dessiner le visage de cette nouvelle génération de mobiles, qui n’a pas droit à l’erreur.” Ce n’est pas un pari, mais une décision industrielle avec des risques mesurés, tient à souligner Valéry Gerfaud, directeur du programme UMTS chez Cegetel. Les prévisions de revenus sont compatibles avec le prix des licences. Ce serait une erreur que de baisser le budget de développement des services et du réseau au vu du prix des licences. Pour ce qui est de la rentabilité, le risque se situe du côté des tarifs des services, qui seront certainement moins agressifs au départ que ce que nous voudrions. “Le prix à payer n’est pas seulement lourd pour les opérateurs, ” il l’est pour tous les acteurs du secteur “, estime Daniel Leclerc, vice-président en charge des technologies avancées chez Cegetel. En effet, les constructeurs participent souvent au financement des réseaux des opérateurs.Même si l’Internet mobile est le plus médiatisé, les champs d’application de l’UMTS seront variés. ” La localisation ouvre la voie à de nombreux nouveaux services “, affirme Bernard Vaslin, vice-président exécutif d’Alcatel CIT.Elle servira, en effet, à rendre les informations contextuelles, comme par exemple ” trouver une station essence pour laquelle le professionnel a un abonnement “, note Eric Puyot, directeur des ventes chez Siemens. ” Ce sont, en fait, des marchés clés qui en sont à leurs premiers balbutiements avec le GSM, précise Valéry Gerfaud, et de nouveaux usages pour les clients qui utilisent leur téléphone pour la voix. Un autre champ est à défricher, celui des applications de machine à machine. “” Pour tout cela, nous aurons besoin de débits et de sécurité “, indique de son côté Yves Tyrode, directeur de l’activité mobile chez FTM/Orange. Y aura-t-il une application miracle, qui justifie à elle seule l’équipement ? Probablement pas. Il faudra donner aux entreprises les outils qui leur serviront à développer les leurs.En résumé, même si les premiers exemples de services UMTS cités ou les démonstrations sur les salons concernent surtout le grand public, trois grands segments se détachent dans les réflexions des fournisseurs : le premier lié à un style de vie (loisirs ?” vidéo, jeux, musique ?”, informations contextuelles et commerce électronique), le second dédié au milieu professionnel avec un environnement de bureau mobile, et le troisième consacré aux marchés verticaux (la logistique, par exemple).Dans le détail, en revanche, tout reste à inventer. “Un pari sur les usages a aussi été tenté pour le GSM en 1993, souligne Daniel Leclerc. On ne pensait alors qu’au téléphone de voiture, l’idée du terminal de poche n’était pas évidente. Pourtant, le réseau de l’époque a été construit sur ce schéma.”Du côté des terminaux, l’offre n’est pas encore définie aujourd’hui. Les premiers tests sont effectués sur des émulateurs ou des matériels bien plus gros que ceux qui seront commercialisés à terme. Mais les constructeurs prévoient déjà une diversité d’appareils selon les usages. ” Par exemple, un terminal UMTS fournira des services de loisirs d’un côté, mais se connectera aussi à un PC portable ou un assistant personnel en environnement de travail. Il y aura forcément des compromis, personne ne voudra ni de cinq appareils, ni d’un terminal qui fait tout “, estime José Robles, responsable du développement des activités UMTS chez Lucent.Côté facturation, la taxation à la durée du GSM n’aura plus beaucoup de sens, celle de volume davantage. Mais celui-ci n’étant pas très palpable pour l’utilisateur, on peut s’attendre à une facturation en fonction de la valeur de l’information, ” c’est-à-dire selon le type de contenu et le contexte “, précise José Robles.Chacun pourra aussi capitaliser sur l’expérience du WAP : dans la façon de développer les services, de les vendre, mais aussi de communiquer. ” Le WAP a été survendu “, estime Yves Georges, directeur stratégie et marketing de Motorola. Il ne fallait pas vendre la technologie, mais les services.” Le WAP conserve toutefois un avenir. Il fonctionnera avec le GPRS (*) puis l’UMTS “, note Valéry Gerfaud. Mieux vaut aussi s’attacher à convaincre les jeunes et les professionnels d’abord. ” Ce sont les deux cibles qui feront décoller l’UMTS, car ce sont des pionniers : les premiers en raison de l’effet de mode, et les seconds pour le retour sur investissement “, analyse Michel Roquejoffre, directeur marketing de l’activité réseaux mobiles d’Ericsson.Les acteurs des télécoms s’accordent cependant à dire que les premiers utilisateurs seront des professionnels. D’ailleurs, les premiers terminaux UMTS prévus par Nokia pour fin 2002 leur seront destinés. ” C’est par là qu’ont commencé les pays qui ont déjà lancé le GPRS, note Valéry Gerfaud, sans forcément viser uniquement les grandes entreprises, mais aussi les PME et les TPE. Avec le GPRS, le monde professionnel montrera la voie, puis le grand public suivra. On revivra la même courbe d’apprentissage avec l’UMTS “, estime Yves Georges.Le GPRS servira donc d’éducateur et constituera la véritable rupture dans l’évolution des mobiles. ” Cette technologie apportera l’expérience de la connexion permanente et de l’accès instantané aux données. Mais la bande passante sera limitée, et comme les fréquences utilisées sont les mêmes que pour le GSM, les réseaux vont saturer. L’UMTS permettra d’affranchir ces limites “, explique Michel Roquejoffre.Reste un danger : que les clients potentiels ne s’engagent pas dans le GPRS et attendent l’UMTS. ” Ce serait mauvais pour tout le monde “, confirme Yves Georges. C’est là tout le pari de la troisième génération de mobile.
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