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Turbulences en ligne

Crise de l’internet, puis crise du tourisme : les 18 derniers mois ont bousculé les sites de voyages. Aujourd’hui, le maître-mot est devenu la fidélisation du client, alors que le secteur se prépare à une prochaine concentration.

L’été sera chaud ! Pour les agences de voyage en ligne, la formule prend tout son sens. Cette saison est celle qui devrait doper leur chiffre d’affaires. Alors les stratégies s’affinent, la communication s’accentue, les positionnements se précisent.Fin mai, Promovacances/Karavel a lancé l’offensive. Sa campagne d’affichage sur les murs d’Île-de-France, de Lille, Lyon et Marseille annonce la couleur : “Plus besoin de partir au dernier moment pour partir moins cher.” Amusé, Lastminute/Degriftour s’est senti visé. Le slogan a le mérite de mettre le doigt là où ça fait mal. Car en trois ans, le marché du voyage online a évolué, et les acteurs aimeraient que la perception du public en fasse autant. “Le prix n’est plus un élément de différenciation ni de fidélisation, il est une condition de base”, assène Lionel Flasseur, directeur marketing de Lastminute/Degriftour. Or la typologie des clients des sites de voyage révèle que ce facteur reste malgré tout déterminant.Trois catégories égales ?” opportunistes, modernes et rationnels ?” composent cette clientèle. “Les premiers et les derniers s’intéressent en priorité au prix”, note Lionel Flasseur. Mais pire, nombreux sont les internautes qui n’envisagent l’achat de voyage qu’au dernier moment, seule condition à leurs yeux d’un tarif intéressant. “Tout le sens de notre campagne est justement d’encourager l’internaute à passer de l’achat de dernière minute à l’achat deux mois en avance”, explique Olivier Chanut, directeur marketing de Promovacances/Karavel. Pour l’heure, il reconnaît que huit dossiers sur dix se font dans les dix derniers jours.Cette situation ne peut durer. En premier lieu pour le client. Du fait de la crise que traversent les compagnies aériennes, les stocks ont tendance à se raréfier, le nombre de vols disponibles diminue. En outre, les agences online ne peuvent plus tout miser sur des offres bradées. Elles n’échappent pas au quotidien des bricks and mortar. Nicolas Pernikoff, vice-président marketing de Travelprice, rappelle cette règle : “Les clients préfèrent faire le choix de l’irréprochabilité du service plutôt que des prix cassés. Un client qui a payé un séjour à très bas prix mais qui n’a pas été satisfait ne reviendra jamais.”

Les seniors et la province

Pour cet acteur, la panacée n’est pas de drainer les clients mais de les fidéliser. Y parvenir par la seule communication sur le prix n’est pas suffisant. En outre, l’internaute chevronné n’est pas le seul public visé. Travelprice cherche aussi à séduire deux populations : les seniors et la province. “En janvier, notre première campagne de communication au niveau national a parfaitement rempli ses objectifs. Sur 45 jours, nous avons eu plus de 50 % de nouveaux clients de province”, se félicite Nicolas Pernikoff. Pour séduire, on redouble d’efforts. Travelprice joue la carte du marketing croisé. 30 % du budget de communication est consacré à ces opérations (avec Total, McDonald, Orangina…). Le partenariat avec Loft Story permet à l’agence d’atteindre 8 millions de téléspectateurs chaque semaine. “Par exemple, le jeudi 30 mai, à 23 heures, nous faisions 8 % de l’audience de la journée”.Voyages-sncf/Expedia a misé fin avril début mai sur un jeu. Pendant quinze jours, quotidiennement, quatre billets pour une vingtaine de destinations étaient à gagner. “20 % des joueurs sont venus grâce au marketing viral [la promotion par contamination, comme l’imitation d’une star ou le bouche à oreille, ndlr] “, note Erik-Marie Bion, directeur du marketing chez Voyages-sncf. Si Lionel Flasseur milite pour l’éducation du public à la gestion du prédépart en vacances, Lastminute reste toutefois fidèle à ses opérations coup de poing en matière de prix. Début juin, l’opération “Les minutes de folie” vise à inciter le consommateur à partir en vacances plus tôt, en lui proposant des prix sur les vols, séjours, hôtels ou locations, avec des rabais entre 30 et 60 %. Cet acteur peut se permettre cette ambivalence du fait de son positionnement. “Nous sommes un portail de loisirs dans lequel le voyage occupe une place très importante”, note Lionel Flasseur, évoquant la gamme étendue de produits de sa société, qui inclut spectacles, restauration à domicile.
A contrario, Travelprice insiste sur sa place de spécialiste du voyage et sur sa différence. “Nous n’avons pas de vrai concurrent direct”, n’hésite pas à affirmer Nicolas Pernikoff : “Le positionnement de Lastminute n’est pas clair. Je ne vais pas nécessairement penser à quelqu’un qui vend des places de spectacle pour acheter des voyages.” Sur le vol, Travelprice reconnaît la concurrence d’Opodo, mais là aussi, “leur handicap réside dans leur retard sur le marché.”Toutefois, ce dernier entrant est considéré avec sérieux par les acteurs en place. Chez Voyages-sncf, on estime que l’agence créée par neuf compagnies aériennes “est là pour durer”, le marché n’étant pas encore stabilisé. Cette situation pourrait d’ailleurs aboutir à une concentration dans les douze prochains mois. “Il faut situer ceux qui vont développer le marché. Notre position de leader de l’e-commerce et du voyage garantit notre pérennité”, affirme un responsable de la coentreprise Sncf/ Expedia. Mais cette prétention au leadership ne convainc ni Lastminute, ni Travelprice. Nicolas Pernikoff reconnaît que le marché va vers la consolidation, à deux niveaux : “La consolidation de la clientèle d’abord, la consolidation des acteurs, ensuite. À terme, il survivra 7 ou 8 acteurs.” Lionel Flasseur de Lastminute partage cette analyse. “Seul un acteur présent sur plusieurs pays européens dispose d’un volume d’affaires suffisant pour négocier de bons prix sur de bons produits et fidéliser ainsi sa clientèle.”Lastminute présent en France, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en Suède, en Espagne et aux Pays-Bas est dans cette configuration. Ce qui fait dire à Nicolas Pernikoff ?” dont la société est implantée en France, Italie, Espagne, Belgique ?” qu’il “sera désormais très dur de détrôner Lastminute et Travelprice”. Le danger de Promovacances/Karavel est écarté. Opodo est prévenu. À bon entendeur…

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Christophe Dupont